28 février 2014

Paroles, paroles !

Le chômage est sûrement un des problèmes essentiels de la France. Tous les politiques, tous les syndicalistes en parlent. En se focalisant quasi-exclusivement sur ce seul aspect des nombreuses difficultés nationales, le gouvernement met en œuvre des solutions qui ne résolvent pas le fond du problème. En effet, c’est cette vision rétrécie qui a conduit à chercher à tout prix à diminuer le taux de chômage en créant artificiellement des « emplois aidés », c’est-à-dire des emplois essentiellement de type non-marchand qui ne participent donc pas à l’enrichissement ou au désendettement du pays. De plus, ce sont des emplois essentiellement provisoires, la majorité des bénéficiaires se retrouvant au chômage à la fin de leur contrat à durée déterminée. Si, comme il semble le faire depuis très peu de temps, le gouvernement s’efforce, non pas de diminuer le chômage, mais de créer des emplois productifs, c’est-à-dire dans le secteur concurrentiel, alors les mesures à prendre sont de nature totalement différente. Pour réussir dans cette voie, il faut aider les entreprises, plus que les individus. Ce sont elles qui, finalement, créent les emplois productifs. Pour créer des emplois nouveaux, l’entreprise a besoin d’investir ; donc besoin d’avoir des profits qu’elle peut affecter aux investissements. S’insurger contre les profits des entreprises, comme on l’entend souvent de la part des partis politiques de gauche est un non-sens économique. Le profit va : 1- à la rémunération des actionnaires (paiement du risque) ; 2 – aux impôts, c’est-à-dire à l’Etat ; 3 – aux investissements. Les actionnaires doivent avoir le sens du collectif et du long terme, ce qui n’est malheureusement pas le cas des fonds d’investissements qui recherchent une rentabilité immédiate et maximale de leurs actions. L’Etat, à la recherche désespérée de moyens financiers, est tenté en permanence de surimposer les entreprises, ce qui est électoralement plus facile que d’augmenter les impôts des citoyens. Les investissements ne sont pas toujours orientés vers le développement de l’entreprise et servent parfois au rachat des actions par l’entreprise elle-même pour revaloriser ces dernières, ce qui est une opération purement boursière et qui ne relance pas l’économie. L’investissement dépendant des profits, ceux-ci dépendent de la compétitivité de l’entreprise et de la croissance des économies mondiale et nationale. C’est-à-dire de l’avenir. On ne peut donc demander à l’entreprise de s’engager sur la création d’un nombre défini d’emplois, qui ne peut rester qu’un objectif, TOUTES CHOSES EGALES PAR AILLEURS, et qui peut prétendre que rien ne changera dans le monde ? Demande-t-on d’ailleurs aux syndicats de s’engager à ne pas faire grève durant quelques années ? La seule contrepartie que l’on peut demander aux entreprises est des engagements de moyens mais sûrement pas de résultats. Tout ce qui peut accroitre les bénéfices constitue donc un levier pour permettre les investissements. Ainsi, les mesures qui diminuent la pression fiscale sur les entreprises sont bonnes pour l’investissement (nécessaires mais non suffisantes). A tout cela, il faut deux conditions. La première est que les intentions gouvernementales ne restent pas au niveau du vocabulaire. On peut être méfiant sur ce point. Après avoir mis en avant le choc de compétitivité, le choc de simplification, voilà aujourd’hui le pacte de responsabilité. Qualifier une intention n’a jamais fait une action. Il faut sortir du gouvernement de la parole. La seconde est que les syndicats, obnubilés par un engagement ferme des entreprises sur la création d’un nombre d’emplois fixé d’avance, comprennent que la création d’emplois dans une entreprise dépend de la conjoncture économique qui, elle-même, ne dépend pas uniquement de la volonté gouvernementale et que, donc, la création d’emplois ne peut être qu’un objectif.

15 février 2014

Les grandes oreilles

Depuis Maxwell, on sait que tout champ électrique crée un champ magnétique (et réciproquement). C’est le phénomène de base utilisé pour mettre en œuvre les écoutes téléphoniques. Les progrès techniques ont été considérables dans ce domaine et, aujourd’hui, tout champ électromagnétique, toute onde électromagnétique, est susceptible d’être intercepté. La NSA a mis en place le programme PRISM (base de données) pour recueillir et analyser les données fournies (ou piratées ?) par les sociétés Internet basées aux USA, pratiquement les seules existantes. Elle a conclue des accords avec les sociétés Microsoft, Google, Yahoo!, Facebook, Paltalk, Youtube, Skype, AOL, Apple. Ce programme a été mis en place après le vote du Protect America Act en 2007, sous la présidence de G.W. Bush. En plus du programme de récupération des données, la NSA a mis au point des méthodes de contournement des cryptages des communications sur Internet. Ce programme vient compléter le système ECHELON qui permet aux USA de surveiller et d’intercepter les communications passant par satellites et par tout moyen utilisant les ondes. Les bits d’informations qui circulent dans les câbles sous-marins sont écoutés et piratés par des installations d’écoute. A côté de cet ensemble d’écoutes, « Big Brother » apparaît comme un petit amateur. La planète entière est maintenant sous écoute quel que soit le mode d’utilisation de communications et d’échanges électroniques. Aujourd’hui, dès que vous communiquez, vous courez le risque d’être surveillé, espionné, écouté. Lorsque vous utilisez Google ou Yahoo!, les grandes oreilles peuvent savoir quelles recherches sur quel sujet vous avez entreprises et combien de fois, pouvant faire naître une suspicion sur vos centres d’intérêt. Lorsque vous envoyez des messages en utilisant Gmail, les grandes oreilles sont capables de connaître vos contacts et la nature de vos échanges, l’utilisation de GoogleMap leur permet de surveiller vos déplacements et leurs fréquences. Il en est de même si vous utilisez un réseau comme Facebook, Twitter ou Linkedin ou si vous utilisez des outils de communication comme Skype. Vous révélez à ceux qui vous écoutent vos contacts, vos centres d’intérêts, la fréquence de vos échanges, les relations professionnelles que vous entretenez, vos responsabilités et compétences ainsi que celles de vos correspondants. Le smartphone est l’outil idéal pour la surveillance exercée par les grandes oreilles, permettant de surveiller vos messages, votre localisation et vos déplacements grâce à l’application GPS embarquée. C’est la mésaventure subie par A. Merkel, paradigme de ce qui se passe pour vous. Bien entendu, vous n’êtes pas systématiquement écouté mais les données transmises par vos échanges sont collectées et analysées par des outils de type data mining qui fonctionnent par recherche de mots clé. Malheur à vous si un ou plusieurs de ces mots clé se retrouvent dans vos échanges. Si vos déplacements vous conduisent à proximité de quelque individu déjà identifié comme suspect, vous voilà catalogué de même. Rien de ce que vous faites n’est étranger à la NSA, quoiqu’en dise B. Obama. A tout cela, s’ajoute la surveillance des multiples caméras et le traçage des utilisations des cartes électroniques de toutes natures. Dormez tranquilles, citoyens, vous êtes surveillés.

08 février 2014

Réactionnaires

L’intégrisme n’est pas l’apanage des musulmans, les catholiques ont le leur et l’ont démontré lors de leur dernière manifestation. Un intégrisme est une application stricte, même si elle est dévoyée, des préceptes religieux et ceci indépendamment de l’évolution de la société. L’intégrisme fige la société dans un carcan de croyances et de postures édictées une fois pour toute et reste sourd aux besoins légitimes d’une société en changement. Les français qui ont défilé dans la « manifestation pour tous » pour protester contre une loi visant à mettre en harmonie les textes législatifs et les demandes d’une société en pleine évolution sur un certain nombre de sujets touchant la famille, sont la manifestation d’un intégrisme catholique qui a peu de différences avec l’intégrisme musulman. Les mots d’ordre sont éclairants : « les enfants sont des cobayes ! » et « on veut effacer les différences (de sexe) » sont totalement étrangers au projet de loi sur la famille. Que prévoyait cette loi ? Simplement de prendre en compte un certain nombre de problèmes qui traversent aujourd’hui la société française et qui restent à ce jour hors du contexte juridique. Il s’agissait de délibérer sur le droit de garde dans le cas des divorces conflictuels, du statut des beaux-parents dans les familles reconstituées, de simplifier la procédure d’adoption. Aucun de ces trois sujets ne fait mention de la PMA et encore moins de la GPA, objets de la colères de contempteurs catholiques du gouvernement. Cette loi visait uniquement à combler des vides dans l’éducation des enfants créés par des évolutions sociétales irréversibles. Quand à la rumeur de la diffusion de la théorie du genre dans les établissements scolaires, elle relève tout simplement de la théorie du complot. Jamais il n’a été envisagé d’enseigner une théorie qui consiste à affirmer que l’on nait mâle ou femelle et que l’on devient homme ou femme en fonction de l’éducation et de l’environnement. L’ « ABCD » de l’égalité consiste uniquement à lutter dès l’enfance contre les tendances aux comportements sexistes et les stéréotypes pour conforter l’évidence de l’égalité des sexes dans la société. Les adversaires de cette action éducative confondent (volontairement ?) l’égalité et la similitude. Faut-il avoir l’hypocrisie suintant par tous les pores de la peau pour prétendre que l’on enseigne aux enfants l’art de se masturber ! Il est alors incompréhensible que le gouvernement ait décidé de renvoyer aux calendes le vote de cette loi sur l’évolution de la famille, sauf pour des raisons purement politiciennes et électoralistes dues à la proximité des prochaines élections municipales. Cette droite française réactionnaire ressemble de plus en plus au Tea-Party américain, groupe qui a complètement mis sous influence le parti Républicain et dont on voit chaque jour les néfastes conséquences. Il est à craindre que le recul du gouvernement, à l’image du Tea-Party, incite ces intégristes à remettre bientôt en cause des avancées sociétales come l’IVG ou la loi Leonetti. La « manif pour tous », la honteuse journée de « retrait de l’école », les bonnets rouges, la montée des extrêmes de droite comme de gauche, la contestation systématique de toute action gouvernementale, le sectarisme grandissant de l’opposition politique, les dysfonctionnements de la majorité actuelle, tout cela répand comme une odeur nauséabonde sur le pays.

02 février 2014

Polémique stérile

Lorsque l’impérieuse obligation de servir l’intérêt général s’efface devant la défense d’intérêts partisans, le discours des responsables politiques se fait caricature et duplicité. Ces derniers déclinent alors un discours souvent rudimentaire consistant à caricaturer à outrance leur raisonnement dans le seul but d’accentuer la fracture qui sépare majorité et opposition. Il en est ainsi pour l’économie. Traditionnellement, la gauche et les syndicats donnent une préférence sans nuance pour une politique de la demande tandis que la droite soutient que, seule, une politique de l’offre a un sens. Or, la réalité est plus complexe que cette dichotomie simpliste : l’offre crée la demande versus la demande crée l’offre. La symétrie de cette proposition n’est qu’apparente. Les tenants de la demande soutiennent qu’une augmentation du pouvoir d’achat, essentiellement par l’augmentation des salaires ou la diminution des impôts, crée une demande supplémentaire dont la conséquence est une augmentation de l’offre et de la production, donc une diminution du chômage. Les sectateurs de l’offre salvatrice soutiennent au contraire que c’est celle-ci qui engendre la demande au seul motif que, sans offre, il ne peut y avoir de demande. En y regardant d’un peu plus près, on s’aperçoit que les choses ne sont pas aussi simples. On peut, en effet, décomposer la demande globale en demande de services et en demande de produits manufacturés ou non. Dans une situation économiquement difficile et où la charge de l’impôt est (trop) importante, les consommateurs se tournent préférentiellement vers les produits les moins chers. Or, la mondialisation des échanges met à leur portée des produits en provenance des pays en voie de développement, (beaucoup) moins chers que les produits nationaux et sur lesquels se portent naturellement leur préférence (c’est du moins le cas des classes sociales les moins favorisées, donc les plus nombreuses). Ce faisant, cette augmentation de la demande se fait au détriment de la balance commerciale et donc du déficit et de la dette, pour profiter presque exclusivement aux économies étrangères. La réduction du chômage attendue ne peut être que réduite, voire négligeable. Quant à l’offre, son efficacité se mesure à sa capacité à trouver un marché. On peut alors distinguer une offre dont la compétitivité est fondée sur le prix, une autre essentiellement axée sur la qualité et l’innovation. La compétitivité par les prix ressemble à une politique de la demande, conduisant à une augmentation apparente du pouvoir d’achat. Elle a l’avantage d’un effet immédiat mais elle se heurte à la concurrence des produits étrangers moins chers et provoquant une réduction des marges. La compétitivité par l’innovation est beaucoup plus longue à mettre en œuvre car elle passe par des investissements dont les effets éventuels ne peuvent se faire sentir qu’à moyen terme. La condition nécessaire (mais non suffisante) pour que cette innovation existe est que les entreprises aient les moyens d’investir, c’est-à-dire qu’elles dégagent des marges suffisantes. Il y a, cependant, des exceptions à cette contrainte de temps comme l’exemple du téléphone portable le démontre. Cette offre n’a pas été suscitée par une demande inexistante avant l’apparition de ce produit. Par contre, véritable innovation, elle a créée immédiatement une demande nouvelle et importante qui s’est portée sur les produits manufacturés, malheureusement essentiellement étrangers, mais a également créée une offre locale de services chez les opérateurs de télécommunication qui ont trouvé ainsi une clientèle pratiquement captive. Encore faut-il que les consommateurs aient le pouvoir d’achat suffisant pour acquérir ces nouveaux produits et services. Cela montre bien qu’il n’est pas possible, entre la demande et l’offre, de négliger l’un au détriment de l’autre. Les diatribes politiques et syndicales se focalisant exclusivement sur un seul aspect du problème plongent le pays dans une polémique stérile. Une politique de la demande est indispensable pour améliorer le sort des plus démunis, une politique de l’offre est importante pour donner la possibilité d’investir aux entreprises, seules capables de créer des emplois marchands et de réduire le chômage. Plus important encore que d’éviter de tomber dans une dichotomie néfaste et stérile, il faudrait que le discours syndical change de nature et cesse d’instiller dans le monde des travailleurs l’idée mortifère que les chefs d’entreprises sont tous des voyous et des profiteurs. La confiance est une nécessité absolue au fonctionnement correct d’une économie et elle doit exister, non seulement chez les patrons, mais également chez les consommateurs et les salariés. Pour cela, les syndicats devraient changer leur paradigme et cultiver une attitude de recherche du compromis au lieu du culte du soupçon et du conflit. Tout le monde s’en porterait mieux.