La parallaxe est une différence de vision qui se crée lorsque l’on regarde depuis deux points de vue différents. Un point de vue unique fait courir le risque d’une appréciation partielle relevant du politiquement correct. En portant un regard différent, on peut alors percevoir des aspects cachés du monde. Regarder, écouter, et chercher un point de vue décalé peut parfois faire mieux comprendre le monde et le jeu des hommes.
30 janvier 2012
Le travail, contrainte ou valorisation
Une société est une collection d’individus qui vivent des interactions et des échanges qu’ils créent et qui leur donnent une raison de vivre au sein de cette collectivité. Parmi ces interactions, il y a le travail, source de liens et d’échanges. Il fournit à chacun une justification de son appartenance sociale. Le travail est une mesure de l’utilité personnelle et donne ainsi à chacun une dimension sociale. Le résultat d’un travail fournit ainsi une justification de l’existence. Lorsque l’on interroge les salariés sur ce qui donne sa valeur au travail, 46% d’entre eux répondent la considération des clients ou des usagers, 32% son utilité pour la société et 21% la considération que l’entreprise lui manifeste. Ainsi, pour une grande partie des salariés, la première valeur du travail est la reconnaissance d’une utilité. La disparition de cette reconnaissance est une une atteinte à l’intégrité de l’individu. Le travail qui débouche sur un résultat est une justification existentielle, à condition qu’il y ait, dans ce résultat, une part « admirable » qui soit le vecteur de la reconnaissance sociale. C’est pourquoi le chômage est ressenti comme une exclusion, au-delà de la peur de la précarité. Et c’est également la raison pour laquelle, lorsque cette part admirable n’existe pas, le travail est ressenti comme une souffrance ou comme un asservissement.
Se saisissant de cette souffrance, les syndicats ont construit leurs revendications, plus que sur l’amélioration des conditions de travail (qui, en réalité, n’est qu’une façon déguisée de réclamer une augmentation de moyens), mais historiquement sur la réduction du temps de travail. C’est ainsi que la durée hebdomadaire du travail est passée de 40h à 39h puis à 35h, que l’âge légal de la retraite est passé de 65 à 60 ans. Cette politique a rongé peu à peu la valeur sociale du travail en la transformant en une contrainte dont il faut se débarrasser. Cette idée s’est peu à peu imprégnée dans l’esprit des travailleurs. Il n’est que de se rappeler les « justifications » plus ou moins alambiquées avancées par de nombreuses catégories de salariés pour démontrer la pénibilité de leur travail afin de bénéficier d’une dérogation à l’âge légal de la retraite.
Conjointement à ces attaques sur la valeur sociale du travail, les principes de management ont profondément changé. Importées des sociétés anglo-américaines, ces pratiques consistent à mettre le salarié en situation tendue en permanence, par l’utilisation d’objectifs individuels de productivité et de performance souvent incompatibles et de pratiques d’évaluation continues qui plonge le salarié dans un état de stress continu. Ce prix de ce type de management est la destruction de l’esprit collectif en valorisant (en imposant) l’individualisme et en mettant les salariés en compétition. Il arrive même que l’évaluation déborde le strict cadre de la production pour s’aventurer dans les jugements sur la personne. La justification philosophique de ce type de management est de poser comme pierre angulaire de la gestion d’entreprise la prise de risque. Le risque pris par l’individu comme par l’entreprise est devenu la valeur prépondérante du jugement de la réussite. En France, un des chantres de ce type de management est D.Kessler, de la Fédération Française des Sociétés d’Assurance (FFSA) (1) . La gestion du risque doit devenir de plus en plus une affaire personnelle et de moins en moins celle d’un Etat protecteur (2). Ces règles mettent l’individu dans un état d’angoisse quasi permanent qui finit par une détestation du travail, parfois même le poussant à des actes définitifs. Aujourd’hui, 45% des salariés détestent d’aller au travail. Il n’est donc pas étonnant qu’un pays où le travail fait l’objet d’une détestation soit un pays qui ne produit pas assez et, par conséquent, se trouve dans une situation économique extrêmement difficile. Aux causes économiques de la crise actuelle s’ajoutent donc des causes morales et psychologiques. La France est devenu le pays où les citoyens sont les plus pessimistes du monde ! Qui aura l’envergure de redonner de l’enthousiasme au pays ? L’horizon est décidément bien vide !
(1) D. Kessler : un des dirigeants patronaux les plus résolus à remettre en cause ce que l’on a coutume de nommer les « acquis sociaux » ;il est un défenseur de la retraite par capitalisation individuelle face au système collectif de répartition ; il oppose les « risquophiles », ceux qui ont le courage d’accepter les défis du changement, et les « risquophobes », ceux qui restent frileusement crispés sur la défense de leurs avantages acquis. Il se livre à une véritable apologie du risque ‘principe de reconnaissance de la valeur de l’individu et « mesure de toutes choses ». D’après lui, « c’est la capacité de prendre des risques qui hiérarchise et a toujours hiérarchisé les hommes les uns par rapport aux autres. Il existe ainsi une véritable aristocratie du risque, qui domine la plèbe médiocre de tous ceux qui recherchent avant tout la sécurité ». (Le Débat, n ° 109, mars-avril 2000)
(2) D.Kessler : L’intervention étatique peut avoir des effets pervers et son intervention affaiblit le principe de responsabilité. [il faut donc mettre en œuvre]une nouvelle gestion des risque, que ce soit au niveau individuel ou au niveau collectif [car] le comportement des agents peut être à l’origine du risque.[Il faut donc que] la gestion du risque soit de plus en plus individualisée… L’Etat sera là moins pour participer directement à la gestion des risques. (Conférence de l’UTLS du 15 Mai 2000)
23 janvier 2012
Les syndicats français
Tout le monde sait que les syndicats français, en dehors d’eux-mêmes, ne représentent pratiquement que les salariés et fonctionnaires des entreprises publiques, telles que la SNCF, EDF et GDF, SeaFrance qui n’est qu’une filiale de la SNCF, la RATP, la SNCM, … Le comportement de ces syndicats est en totale opposition avec celui des syndicats allemands. Les premiers choisissent systématiquement la confrontation en s’appuyant sur des revendications et des protestations extrêmement démagogiques qui, en fin de compte, se résument à réclamer des augmentations de salaire et des embauches supplémentaires. « Plus de moyens » est le leitmotiv de tous les syndicats, incapables de formuler des propositions qui prennent en compte l’environnement économique et ses difficultés. Il est, certes, dans la raison d’être des syndicats de défendre les intérêts des salariés, mais lorsque leurs exigences se retournent contre ces derniers en provoquant la disparition complète de l’entreprise, on reste confondu. C’est ce qui vient de se passer avec SeaFrance où l’obstination du syndicat local, plutôt que d’accepter une solution partielle de reprise de l’entreprise, a abouti au licenciement de la totalité des salariés. Les syndicats allemands, quant à eux, jouent systématiquement la carte de la conciliation, de la recherche de l’intérêt général, de la cogestion, de la pédagogie, et ne recourent qu’exceptionnellement à la confrontation. Le recours systématique à la grève est une spécificité des syndicats français. Un jour viendra où une étude sera faite sur ce qu’a couté réellement au pays une telle attitude. Mais il y a plus grave. La SNCF, EDF, SNCM, SeaFrance, la RATP, toutes ces entreprises d’état ont connu des dérives du fonctionnement des syndicats. Rappelons-nous les nombreux blocages du port de Marseille dont le résultat est son déclassement international, les armateurs préférant rallier les ports de Gènes ou de Rotterdam plutôt que de courir le risque de voir leurs cargos immobilisés pendant des jours dans les eaux marseillaises. Comment comprendre et accepter qu’un poste de docker à Marseille se transmette de père en fils, grâce à la carte d’adhésion à la CGT ? Comment a-t-on pu accepter qu’un syndicat se livre à des actes de piraterie en mer, en arraisonnant des bateaux de voyageurs et en prenant ses passagers en otages, comme cela s’est pratiqué en 2005 par la CGT-Marseille ? Les comportements délictueux ne sont pas une exception, dans ces syndicats corporatistes. Une enquête est actuellement en cours à Calais où l’on soupçonne la CFDT de détournements et d’enrichissements personnels des syndicalistes, ce qui serait une des causes des difficultés de SeaFrance, provoquant au bout du compte sa faillite en imposant à l’entreprise plus de 200 salariés par navire. Rappelons-nous également l’enquête menée par la justice sur le financement et l’utilisation des fonds du CCAS de l’EDF. Comment comprendre que les malversations syndicales ne soient jamais condamnées ? Pourquoi la direction de la SNCF n’est-elle pas intervenue pour faire cesser les comportements délictueux des syndicats au sein de sa filiale ? Pourquoi le rapport Péruchot traitant de l’examen des comptes des Comités d’entreprise a-t-il été mis rapidement au placard ? Doit-on croire que les patrons et l’Etat marchandent la paix sociale dans l’entreprise en acceptant les comportements délictueux des syndicats ? La culture des syndicats français date de 1884 ! La vérité impose de dire que l’on constate que les syndicats changent peu à peu, sauf les extrémistes comme le syndicat SUD. Mais ce changement est beaucoup trop lent dans l’état de crise où se trouve l’Europe entière et la France en particulier. Il n’ait que d’écouter le discours syndical au sujet du sommet dit social organisé par le Président de la République. Trop tard, trop court, trop peu préparé, ce sommet n’aboutira à rien, sauf à quelques mesurettes. C’est, malheureusement, ce que souhaitent les syndicats, arc-boutés sur le refus d’un nouveau financement de la Sécurité Sociale et sur l’augmentation des effectifs et des salaires de la fonction publique.
14 janvier 2012
AAA !!!
Nous ne sommes plus des Français mais des Francis. Nous venons, en effet, de perdre un A du sacro-saint triple A, consacré trésor national par le Président de la République, il y a quelques semaines. Encore une fois, Nicolas Sarkozy a parlé trop vite, négligeant une simple réflexion qui lui aurait permis de prendre quelques précautions sur ce sujet. Reprenons quelques faits. La première vérité, que personne ne devrait oublier, est que le budget de l’état est en déficit depuis plusieurs décennies. C’est-à-dire que, tous gouvernements confondus, la France dépense plus qu’elle ne gagne depuis cinquante ans. L’accumulation de ces déficits budgétaires est la première cause du creusement de la dette souveraine. Les Français ont volontairement oubliés que leur modèle social ne fonctionnait que par l’emprunt. Lorsque Nicolas Sarkozy est arrivé au pouvoir en 2007, vraisemblablement conseillé par des économistes aveugles comme d’habitude, a choisi la diminution d’impôts pour créer un choc de croissance, mais sans aucune compensation de réduction des dépenses. Malheureusement, le choc attendu ne s’est pas produit. En contrepartie, le déficit s’est creusé ainsi que la dette publique. Puis, en 2008, est intervenue la crise financière aux Etats-Unis (les subprimes) qui s’est répercutée à travers la planète du fait de la mondialisation d’une économie financière hors de contrôle. Une faillite généralisée des banques, principalement des plus grandes et après l’expérience catastrophique de celle de Lehman Brothers, étant inenvisageable, les Etats ont du intervenir massivement en rachetant la dette privée des banques pour la transformer en dette publique souveraine. Evidemment, la dette s’est monstrueusement amplifiée. Et, pendant que les états s’endettaient dangereusement, les acteurs de l’économie financière recommençaient à spéculer outrageusement en imposant aux entreprises de l’économie réelle par l’intermédiaire du pouvoir exorbitant des actionnaires, des règles d’ « augmentation de la valeur pour l’actionnaire » intenables, précipitant les crises économiques, le chômage, les crises sociales. Parmi ces acteurs prédateurs, on trouve les agences de notation qui, avec la complicité des banques, se comportent en véritables snipers, assassinant les pays en difficulté en leur supprimant les moyens de sortir de leur endettement. A leur sujet, quelques interrogations viennent à l’esprit. Comment se fait-il de trois officines privées, dont les compétences ne sont nullement prouvées, puissent avoir un tel pouvoir sur les Etats, au point qu’elles se permettent de s’introduire frauduleusement dans la politique ? Pourquoi cette intervention de Standard & Poor’s intervient-elle juste à l’aube de la campagne présidentielle française ? Quand donc les gouvernements se rendront-ils compte du danger mortel de la sphère financière mondiale qui fait fortune sur les désastres de la planète ? Quand donc prendront-ils les mesures empêchant la spéculation sur les dettes souveraines en permettant aux banques centrales de prêter directement aux Etats aux taux qu’elles mêmes choisiront ? Quand seront interdits les produits financiers qui permettent de spéculer sur la variation des taux d’intérêt ?
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