La parallaxe est une différence de vision qui se crée lorsque l’on regarde depuis deux points de vue différents. Un point de vue unique fait courir le risque d’une appréciation partielle relevant du politiquement correct. En portant un regard différent, on peut alors percevoir des aspects cachés du monde. Regarder, écouter, et chercher un point de vue décalé peut parfois faire mieux comprendre le monde et le jeu des hommes.
27 octobre 2012
L’Europe est malade
Le moins que l’on puisse dire est que l’enthousiasme européen est une denrée de plus en plus rare. Le désamour, voire le rejet, de l’Europe de la part des citoyens provient du fait, d’après J. Habermas, que le niveau d’expression du citoyen européen a été kidnappé par des instances européennes non élues démocratiquement et que les décisions prises à ce niveau le sont sans aucune consultation des peuples eux-mêmes. La longue Histoire des peuples européens a imprégné ceux-ci de la nécessité absolue d’un fonctionnement démocratique, c’est-à-dire du pouvoir de décision de la majorité des citoyens. La Commission européenne ou les instances intergouvernementales prennent leurs décisions sans aucune consultation des peuples et présentent leurs décisions comme étant incontestables et les seules possibles. Le refus de l’Allemagne concernant le rapprochement franco-germano-anglais des industries aéronautiques et de défense est l’exemple même d’une décision unilatérale imposée à tous. Les peuples européens qui ont l’habitude de s’exprimer au niveau national ne supportent pas de ne pas l’être au niveau européen. La solution serait donc de soumettre toute décision des instances européennes à l’approbation des peuples européens. Telle est la proposition de J. Habermas. Louable projet, mais dont on peut se demander quelle en est la faisabilité. L’Europe comprend aujourd’hui 27 pays, c’est-à-dire 27 peuples différents avec leur propre histoire et leurs propres contradictions. Peut-on envisager qu’un peuple se conforme à une décision européenne qu’il rejette au prétexte que la majorité des autres pays européens a accepté ? On peut sérieusement en douter, du moins on peut prévoir qu’un tel fonctionnement ne soit refusé par les peuples soucieux de leurs prérogatives. Le rejet de la Constitution européenne par la France et les Pays-Bas a été imposé aux autres pays européens qui étaient favorables à cette avancée. Il est à noter que l’approbation de la Constitution exigeait l’unanimité ce qui, d’une part a été la cause de l’échec, d’autre part relève d’un fonctionnement non démocratique. Cela démontre l’inanité des modes de fonctionnement des mécanismes européens. Trouver une autre façon de fonctionner qui place en son centre la démocratie et les peuples européens est une tâche difficile. D’autant plus qu’il faudra trouver une majorité pour un tel changement. Or cette majorité sera beaucoup plus difficile à construire à 27 qu’à 15 ou 7. L’élargissement s’est fait dans la précipitation, avant d’avoir fixé les règles d’un fonctionnement démocratique dans tous les domaines et qui aurait pu alors être imposé aux candidats à l’Europe. Un tel fonctionnement aurait évité que les organes européens apparaissent comme illégitimes aux yeux des peuples et que les décisions prises soient ressenties comme imposées par des individus non élus. L’Europe ne sera jamais une fédération d’Etats comme celle des Etats-Unis ou de Landers comme celle de l’Allemagne. En effet, dans ces deux cas, le système fédéral s’applique à un peuple unique partageant une même Histoire, ce qui n’est pas le cas pour l’ensemble de l’Europe. Il faut inventer quelque chose de différent. Mais, quelle que soit la solution, il y faut un préalable : donner aux citoyens une envie d’Europe. Pour cela, il faut que les politiques qui nous gouvernent aient une véritable ambition européenne qui ne soit pas réduite aux seules tactiques électorales ! Il faut donc que les politiques eux-mêmes soient les chantres d’une démocratie à l’échelle européenne, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Mais encore une fois, cela aurait été plus facile à 7 qu’à 27 …
18 octobre 2012
L’Europe et le Nobel
Surprenant le monde entier, le comité Nobel a attribué le prix Nobel de la Paix à l’Europe. Aussitôt, des voies se sont élevées de toutes parts pour faire des commentaires plus ou moins fondés. Les bien-pensants persifleurs, les euro-septiques et les souverainistes ont ironisé ou condamné cette nomination en faisant appel aux plus démagogiques des arguments, en particulier en rendant l’Europe responsable de la crise économique qu’elle traverse. Les hommes chérissent les causes des évènements dont ils déplorent les conséquences ! C’est oublier un peu vite que cette crise a ses racines aux USA et qu’elle se répand sur toute la planète, n’épargnant pas même la Chine qui s’inquiète de voir son taux d’expansion diminuer de façon inquiétante. C’est oublier que les raisons fondamentales de la création de l’Europe par ses géniteurs ont été de la mettre à l’abri des guerres monstrueuses qu’elle avait subies en 1914 et 1940 avec leurs 70 millions de morts. C’est oublier qu’en effet, depuis plus de 60 ans, l’Europe est un espace de paix et de coopération comme Robert Schumann l’avait rêvé en 1950 en créant une communauté économique franco-allemande. Même si l’intégration politique se heurte aux égoïsmes nationaux, l’intégration progressive économique a permis que l’Europe devienne la première puissance économique mondiale, un espace de liberté, de paix et de protection sociale. C’est oublier que, même si les dérives du monde financier ont fait preuve de nuisance insupportable, la pauvreté a globalement reculé en Europe. Condamner l’Europe parce que des peuples souffrent d’une crise sans précédent, due à l’incurie des politiques qui ont enfoncé leur pays dans une dette devenue insupportable, c’est se tromper de combat. On peut juste regretter que ce prix Nobel de la Paix intervienne trop tard pour ne pas avoir été attribué à R. Schumann, De Gaulle ou Adenauer, comme il a été attribué trop tôt à Barak Obama.
10 octobre 2012
La croissance, espèce en voie de disparition
Le développement économique s’appuie classiquement sur trois acteurs principaux : l’Etat, le consommateur, l’entreprise. L’Etat intervient sur le développement économique par le biais des investissements publics, des grands travaux, des aides fiscales. Le consommateur intervient par son pouvoir d’achat et sa consommation qui stimule la production. Enfin l’entreprise influence l’économie par ses investissements productifs et la création d’emplois. Bien entendu, les interactions entre ces acteurs sont plus complexes et leurs jeux plus interdépendants, mais l’essentiel est là. Or, actuellement, en France aucun de ces trois acteurs n’est en mesure de participer à la relance de l’économie. L’Etat est en faillite et ses caisses sont vides. Il n’a plus les moyens d’une relance keynésienne d’envergure. Le ralentissement économique tarit la source fiscale de ses recettes l’incitant à rechercher de nouvelles sources d’impôts. Dans la recherche de réduction du déficit, l’Etat avait le choix entre la diminution des dépenses et l’augmentation des recettes. C’est ce dernier choix qui a été le sien, le conduisant à augmenter la pression fiscale sur tous les acteurs de l’économie. Le consommateur voit son pouvoir d’achat diminuer par une pression fiscale en croissance importante qui provoque une diminution de la consommation, mettant à mal la doxa socialiste d’une politique de la demande. Antienne de toute campagne électorale, le gouvernement actuel a clamé avec aplomb et sur tous les tons que 90% des contribuables ne subiraient pas d’augmentation d’impôts. Sauf le gel des tranches d’imposition, la taxe spéciale sur les retraites pour financer la branche dépendance de la Sécurité Sociale, les taxes sur divers produits alimentaires, l’explosion des impôts locaux, la réduction de la demie part pour enfants majeurs, toutes mesures qui touchent finalement la totalité des Français ! Enfin, les entreprises sont soumises non seulement à une récession du marché occidental, voire mondial, mais également à la pression fiscale croissante qui les plonge dans la méfiance et supprime leurs projets d’investissement (sans compter les exigences insupportables des acteurs financiers et des actionnaires). Et sans investissement, il ne peut y avoir de croissance de l’économie réelle. Elles sont, de plus, poussées à la méfiance par le discours pour le moins hostile de l’Etat et de certains de ses ministres envers elles, fortement soutenus dans ce domaine par quelques représentants syndicaux irresponsables et partis politiques dont le discours anti-patronal a pris un ton d’une violence jamais vue. Le résultats de tout cela est une croissance nulle depuis plusieurs trimestres qui annonce une augmentation inéluctable du chômage dans l’année qui vient. En-dessous d’un taux de croissance de 2%, l’économie détruit des emplois. Or, le FMI prévoit pour la France un taux de croissance de 0,4% pour 2013 soit cinq fois moins que le nécessaire vital ! L’Etat ne pourra pas longtemps se défausser sur l’héritage du gouvernement précédent pour justifier la récession du pays qui s’annonce longue et dure. La Grèce, l’Espagne et le Portugal sont là pour nous montrer ce qui nous attend. Un Etat dont la ligne directrice du projet de gouvernement est difficilement discernable, des entreprises qui font faillite ou cherchent à se délocaliser pour échapper à la pression fiscale, des citoyens consommateurs au pouvoir d’achat réduit et toujours plus sensibles à la démagogie (la mesure gouvernementale la plus populaire est la baisse du salaire du Président et des ministres – sondage OpinionWay !), décidément les acteurs sont mal en point ! La confiance n’existe plus nulle part. Or, c’est le carburant essentiel d’une reprise économique. Le moteur est à l’arrêt …
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