Les hommes vivent avec un sentiment de pérennité. Cela les rassure et leur permet de vivre en supportant les difficultés du quotidien. Pourtant, un certain nombre d’évènements vont se produire, quoi que les hommes fassent. Je distingue trois échéances que l’humanité devra affronter.
La première est la fin des énergies fossiles. L’homme aura consommé en deux siècles ce que la nature a produit en plusieurs millions d’années. C’est-à-dire que l’homme consomme dix mille fois plus vite que la nature ne crée. Il est donc inéluctable d’avoir à affronter l’épuisement des sources d’énergie fossile (pétrole, gaz, charbon, uranium). Les échéances ne sont pas les mêmes pour toutes les énergies, mais elles sont toutes inéluctables. Les conséquences en sont encore imprécises. Pourtant, un certain nombre de faits tombent sous le sens. Tout d’abord, la fin du pétrole va créer un énorme problème pour tous les types de transport. Si l’on peut envisager des modes alternatifs pour les transports routiers, ferroviaires, voire maritimes, il n’en est pas de même pour le transport aérien. De toutes les énergies connues, le pétrole (en l’occurrence, le kérosène) est le carburant dont le rapport énergie potentielle sur poids (ou volume) est le plus performant. L’hydrogène est dix fois moins performant. Il faut donc un volume dix fois plus important d’hydrogène pour qu’un moteur utilisant ce système énergétique parcourt la même distance avec le même fret qu’un moteur actuel utilisant du kérosène. Cela exclut pratiquement l’utilisation de l’hydrogène pour le transport routier et pose un énorme problème de taille pour les avions qui transportent leur carburant dans la voilure. De plus, l’hydrogène n’existe pas à l’état libre dans la nature, il faut le produire. Faute de pétrole, il ne reste que le charbon pour un temps, puis l’énergie nucléaire tant que l’uranium sera disponible. Lorsque ces combustibles se raréfieront, il ne restera plus que l’énergie nucléaire de fusion, technique qui n’est pas maîtrisée à l’heure actuelle et pour laquelle la recherche a pris énormément de retard. On sait, aujourd’hui, construire une bombe nucléaire à fusion, mais on ne sait pas fournir de l’énergie de manière maîtrisée à partir de cette technique. ITER n’en est qu’à ses premiers balbutiements. Le charbon perdurera plus longtemps que le pétrole, mais il est inenvisageable de l’utiliser pour le transport routier en particulier. Il servira à fabriquer de l’électricité qui fera fonctionner des moteurs à batteries électriques et/ou hybrides. Mais cette production ne fera qu’aggraver les émissions de gaz à effets de serre. Les bio-carburants font beaucoup parler d’eux en ce moment. Certains pays y voient un nouvel avenir pour l’agriculture. Mais les besoins énergétiques de la planète sont tels qu’il est parfaitement illusoire de penser que les bio-carburants pourront remplacer le pétrole. La totalité des terres agricoles n’y suffirait pas. De plus, le prix des matières premières agricoles n’a jamais été aussi élevé et la tendance ne s’inversera pas du fait de la demande croissante des pays les plus peuplés. L’avenir, dans ce domaine, est donc un monde où l’énergie sera rare et très chère.
La seconde échéance, qui n’est pas sans rapport avec la précédente, est la détérioration de l’environnement climatique. L’inertie des phénomènes climatiques est telle que le mouvement qui s’est amorcé au cours des dix dernières années ne pourra s’inverser que dans plusieurs centaines d’années, compte tenu de la lenteur avec laquelle les hommes prennent des mesures conservatives. Une conséquence incontournable de cette détérioration est l’apparition d’immigrants « climatiques ». L’eau se raréfie dans les pays qui sont atteints par une sécheresse grandissante. Déjà, un milliards d’hommes ont des problèmes d’accès à l’eau, deux milliards et demi n’ont pas accès à de l’eau potable. La migration massive des populations ainsi en danger est inévitable. Les économies en seront déstabilisées, d’autant plus que les dérèglements climatiques vont devenir plus fréquents et plus violents, créant des dégâts de plus en plus coûteux. Enfin, l’emballement de la détérioration climatique n’est pas exclu, compte tenu du fait que, par l’effet des sécheresses répétées, les forets vont cesser d’être des pièges à carbone et, tout au contraire, vont devenir à leur tour émettrices de ce gaz à effet de serre.
La troisième échéance est la déstabilisation du système économique mondial due à la financiarisation excessive de l’économie au détriment de la production réelle. À l’heure actuelle, les flux financiers sont vingt-deux fois plus importants que les flux réels et la tendance est à leur augmentation. Les décisions de gouvernance d’entreprises changent de nature ; elles sont tournées vers l’augmentation de la valeur de l’action au lieu de l’amélioration de l’efficacité de la production. Les entreprises créent aujourd’hui une valeur ajoutée virtuelle qui n’enrichit qu’artificiellement le monde, un peu comme si l’on fabriquait de la fausse monnaie. En fait, le système tend à créer des (faux) riches au lieu de créer des (vraies) richesses et cela sans régulation véritable.
Nous vivons sur un volcan en pleine activité.
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