La politique consiste à présenter aux citoyens une pièce de théâtre parfaitement organisée tout en lui faisant croire que les acteurs improvisent leurs rôles face aux évènements. Le débat sur les retraites qui secoue la société depuis des mois en est un parfait exemple. Tous les acteurs connaissent leur rôle sur le bout des doigts et le jouent avec maîtrise. Les syndicats jouent les révoltés en face « d’un recul social » et « d’une absence de concertation », les parlementaires de l’opposition jouent l’indignation devant « une injustice insupportable », les parlementaires de la majorité s’enthousiasment devant « le courage » du gouvernement, ce dernier prend la posture de la résolution courageuse, distillant les amendements à son projet, prévus de longue date, au fur et à mesure des manifestations pour montrer son « écoute du peuple ». Et tous connaissent depuis longtemps l’aboutissement de ce mélodrame : l’âge légal de la retraite passera de 60 à 62 ans et l’âge d’une retraite à taux plein de 65 à 67 ans. Les manifestants eux-mêmes savent pertinemment que, malgré leurs slogans protestataires, cela ne changera pas. Toutes les amodiations distillées à mesure des évènements font partie d’une partition jouée d’un commun accord par l’ensemble des acteurs. Malgré le fait que nous connaissons tous le final de ce mélodrame, il est néanmoins possible de se poser quelques questions.
• Avant que la durée légale ne passe, sous le « règne » de F. Mitterrand, de 65 à 60 ans, les syndicats ne parlaient pas de pénibilité. Si ce qui ne posait pas de problème à 65 ans, pourquoi cela en pose-t-il soudain et avec une telle acuité à 62 ans ?
• La plus grande injustice du système n’est-elle pas la réforme Balladur qui a porté à 25 ans la durée de calcul du montant de la retraite des salariés du privé en laissant à 6 mois cette durée pour les fonctionnaires, alors que le déficit des systèmes de retraite du public est financé par le privé ? On remarquera le silence complice des syndicats et de l’opposition sur cette véritable injustice. Le silence des syndicats n’est pas étonnant puisqu’ils représentent essentiellement, pour ne pas dire uniquement, les fonctionnaires.
• Le projet prévoit que les femmes fonctionnaires ayant eu 3 enfants garderont le bénéfice des 60 ans. Pourquoi cet avantage n’est-il pas offert aux femmes travaillant dans le privé ? Une caissière de supermarché est-elle moins méritante qu’une guichetière des Postes ?
• La gauche met en avant l’injustice faite aux femmes par un âge d’obtention d’une retraite à taux plein porté à 67 ans alors que, pour la plupart d’entre elles, la durée de cotisation minimale est inaccessible du fait des maternités et des emplois à temps partiel. C’est ignorer volontairement (attitude politicienne) que ce problème n’est pas un problème de retraite mais un problème d’iniquité de la vie salariale et sociale et qu’il n’appartient pas au régime de retraite de pallier une injustice économique mais aux entreprises de respecter l’égalité de traitement entre hommes et femmes.
• Crier au loup en disant que le report de 60 à 62 ans de l’âge légal est un véritable séisme ne peut faire oublier le séisme que ce fut pour les entreprises que le report de 65 à 60 ans !
Voilà quelques questions légitimes qui sont étrangement passées sous silence par les différents protagonistes qui font semblant de s’étriper sur des sujets que tout le monde sait réglés.
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