La parallaxe est une différence de vision qui se crée lorsque l’on regarde depuis deux points de vue différents. Un point de vue unique fait courir le risque d’une appréciation partielle relevant du politiquement correct. En portant un regard différent, on peut alors percevoir des aspects cachés du monde. Regarder, écouter, et chercher un point de vue décalé peut parfois faire mieux comprendre le monde et le jeu des hommes.
15 décembre 2013
L’opium des peuples
De même qu’un enfant s’angoisse de ne pas comprendre les raisons de la colère de sa mère, l’inconnu et l’incompréhension ont, de tous temps, été des facteurs d’inquiétude pour les hommes. L’incompréhension des mécanismes de la nature les a poussé à peupler le monde d’un Panthéon riche et varié, chacun des dieux peuplant ce lieu mythique étant responsable d’un phénomène inexplicable. Expliquer que la foudre est la colère de Zeus apaise un esprit inquiet de ne pas comprendre. Parmi ces peurs ancestrales, la plus prégnante a toujours été la mort. « Pour les hommes c’est le temps qui passe. Pour le temps, ce sont les hommes qui passent ». Ce proverbe chinois dessine, à gros traits, l’angoisse de l’homme en face de la mort et son interrogation sur « l’après ». En quête d’une réponse, l’homme a trouvé, dans les religions de tous bords et de toutes inspirations, un moyen d’affronter cette peur. Toutes les religions sont faites pour le rassurer. Ce seul fait explique la pérennité des croyances, sous des formes extrêmement diverses, mais dont la constante est d’apporter une réponse à la peur du temps qui passe. Les chrétiens et les musulmans ont inventé la vie éternelle. Le soufisme des derviches tourneurs imagine une succession sans fin de morts et de renaissances. Le bouddhisme du Grand et du Petit Véhicule invente les incarnations répétées dans la recherche du Nirvana et la transformation progressive en Buddha ayant atteint un état d’apaisement éternel. D’une inspiration voisine, l’hindouisme propose des périodes de création, de conservation et de destruction se succédant sans fin. La Gnose considère que l’incarnation dans la matière est un piège tendu par un esprit malfaisant dont on ne peut s’échapper que par la connaissance initiatique qui permet à l’âme immortelle de se libérer de ce piège en rejoignant le divin. Toutes ces religions, en fin de compte, nient la mort et la disparition définitive, quitte à ignorer une des grandes lois de la nature, celle de l’Entropie. Nous vivons une période matérialiste où la recherche de l’explication rationnelle est devenue une nécessité. Les neurosciences du cerveau étudient actuellement l’éventuelle corrélation entre la constitution de la molécule ADN (le gène VMAT2) et l’apparition des émotions. Les croyances seraient-elles imposées par la biologie cérébrale ? Une étude statistique anglo-saxonne tend à montrer que la croyance s’accompagne d’un mal-être, comme si les gens prédisposés à la dépression se tournaient vers la religion, ce qui expliquerait pourquoi les religions cherchent à tout prix à rassurer les hommes sur leur devenir post-mortem dans un souci marketing assumé. Dans cette volonté de supprimer l’angoisse de la mort, les religions se comportent comme une drogue addictive. N’oublions pas que « les faits ne pénètrent pas là où règnent les croyances » (P. Valéry).
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