Les chefs d’Etat européens ont pris une courageuse décision : ne rien faire pour relancer la dynamique d’intégration pendant au moins deux ans. L’Europe s’endort pendant que le monde se métamorphose de plus en plus vite et de plus en plus profondément. Les pays émergents se transforment en véritables puissances économiques, les problèmes planétaires se multiplient et s’aggravent (énergie, sécurité, environnement, matières premières), le terrorisme étale ses tentacules sur la planète, les pays européens dits développés (pour combien de temps encore ?) décrochent dans la plupart des domaines. Mais « Courage, fuyons, tel est le mot d’ordre européen ; circulez, il n’y a rien à voir ». Au nom de quoi, de quelles peurs, de quels petits calculs égoïstes et nationaux, cette décision a-t-elle été prise ? Cet énorme recul, dont le rejet du projet de Constitution européenne par la France est la cause principale, se concrétise par cette décision qui en est la logique conséquence. Le refus de la Constitution oblige à fonctionner avec les règles du catastrophique Traité de Nice dont il était aisé de prévoir les suites. Par exemple, l’unanimité requise dans les décisions conduit immanquablement à la paralysie lorsque cette unanimité est à trouver parmi 25 membres (bientôt 27) qui ne partagent pas la même vision de l’Europe et dont la plupart sont davantage préoccupés d’intérêts nationaux que du bien commun. Compte tenu de l’évidence de cette constatation, on peut dire que les champions du « non » devaient en être conscients ; ou alors leur inconscience relève d’une grave pathologie. Ils savaient donc où nous mènerait le refus français. Ils portent donc, et eux seuls, la responsabilité du blocage actuel. Essentiellement devant les générations futures. Mais je suppose que cette responsabilité ne les effraie pas : après moi le déluge ! Leurs petits calculs politiciens et leur ambition personnelle ne s’attardent pas à de tels détails. Au prétexte de vouloir une Europe sociale, ils préfèrent conserver une Europe qui n’est qu’un marché libéral, ce qui est le comble de la contradiction.
Le vingt-et-unième siècle s’engage sous le signe de la médiocrité. D’ailleurs, la France n’est plus un acteur majeur du cénacle européen. Les « nonistes » lui ont fait perdre son importance et l’ont reléguée au rang de puissance secondaire. Merci, messieurs !
Il faut souligner que les causes de cette situation sont nombreuses. La technocratie qui a présidé au destin de l’Europe porte une lourde part de responsabilité dans le doute et la désaffection des peuples qui ont été tenus à l’écart de la construction européenne. Comment demander l’adhésion de ceux que l’on ignore tout le temps ? Le déficit démocratique est si grand qu’il ne faut pas s’étonner que les peuples se sentent agressés par les décisions des responsables européens. Croit-on vraiment que ces mêmes peuples se sentent démocratiquement et efficacement représentés par le Parlement Européen ? Il n’est que de constater l’ampleur de l’abstention lors de son élection. De même, cette fuite en avant dans l’adhésion de nouveaux pays avant que ne soient fixées les règles de fonctionnement, avant que ne soit précisée la vision partagée de l’Europe de demain, sans que soient consultés les européens, tout ceci ne peut qu’aboutir à la méfiance, voire à la défiance de ceux-ci. Lorsque l’on donne la priorité à la dérégulation de la concurrence avant de construire un projet politique, faut-il s’étonner des mouvements d’humeur de ceux qui se sentent menacés ?
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