Une entreprise fonctionne grâce à des équilibres fragiles qui ont, généralement, mis très longtemps à se mettre en place et à être acceptés par l’ensemble des acteurs. La résistance au changement, antienne de toute tentative de modification, n’est que l’expression d’une peur quelque peu paranoïaque des salariés, craintes qui sont en partie également inconsciemment objectives. Ce fragile équilibre explique que les actions souvent brutales des cabinets de conseil en organisation sont rarement des succès.
La problématique est identique lorsqu’une entreprise se trouve confrontée à une OPA. Peut-on accepter sans réfléchir les risques du changement ? N’est-il pas légitime de rechercher une solution qui minimise les risques évoqués ? Bien entendu, l’analyse de ces risques n’est pas la même lorsque l’OPA provient d’un capitaliste ou d’une entreprise européenne ou lorsqu’elle a son origine à l’extérieur de l’Europe. Il est possible de prendre des risques au nom de la construction européenne qui sont inacceptables lorsque le danger vient de l’extérieur. Cela revient à poser la question : peut-on abandonner totalement un pays aux lois du marché ? L’expression « lois du marché » prête d’ailleurs à sourire, car ce qui caractérise le marché est justement l’absence de règles. Peut-on laisser dire que l’Etat n’est pas légitime lorsqu’il intervient dans un projet d’OPA au prétexte qu’une telle opération ne regarde que les actionnaires ? Pourquoi l’Etat ne se préoccuperait-il pas du risque encouru par les salariés, alors que le chômage est indemnisé par le contribuable ? Souvent, l’entreprise visée par l’OPA a bénéficié d’allègements fiscaux qui, là également, ont été payés par le contribuable. Cela ne justifie-t-il pas la légitimité de l’Etat ? D’autant plus que certaines de ces OPA ne sont que des opérations financières qui s’apparentent complètement à la pratique de « la vente à la découpe » qui sévit dans l’immobilier.
Ces interventions étatiques, désignées en France sous le vocable à la mode de « patriotisme économique », existent partout sans soulever autant de protestations indignées. Comment appeler le vote, réalisé en toute urgence, par le Congrès américain, d’une loi de circonstance pour empêcher le rachat de la gestion de quatre ports américains par P&O, société de DubaÏ ?
L’Europe est ouverte à tous les vents de la mondialisation contrairement au reste du monde et c’est un mauvais procès que de reprocher à un Etat européen de se préoccuper d’un raid en provenance d’un pays extra-européen. Le libre-échange n’est acceptable que dans une perspective gagnant-gagnant pour les deux parties. C’est pourquoi, lorsque des inégalités existent dans les risques encourus, il est absolument légitime que l’Etat intervienne. C’est, d’ailleurs, la même problématique pour les pays en voie de développement à qui les pays développés, par l’intermédiaire du FMI et de ses Plans d’Ajustement Structurel (PAS), tentent d’imposer des règles de gouvernance qui ne sont absolument pas adaptées. Il est alors légitime que ces pays mettent en place des protections qui les mettent à l’abri des raids économiques des multinationales.
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