30 novembre 2007

La relance miracle ?

La France s’engage dans une politique de relance du pouvoir d’achat. Un certain nombre de mesures entreront en vigueur au cours de l’année prochaine. Que peut-on en attendre ?
La plus populaire de ces mesures sera, à n’en pas douter, l’indexation des loyers sur l’indice des prix et non plus sur l’indice de la construction. En effet, ce dernier suit une variation homothétique du coût en augmentation des matières premières en général et du pétrole en particulier. L’indice de la construction varie ainsi plus vite que celui des prix, encore que la tendance inflationniste actuelle tend à réduire l'écart. Les locataires vont donc, sinon gagner, du moins préserver une partie de leur pouvoir d’achat.Le pays y gagne-t-il globalement. Certainement pas. Il s’agit d’un transfert de pouvoir d’achat des propriétaires vers les locataires. C’est une mesure qui peut se justifier socialement mais dont l’impact économique restera minime. Toujours dans le domaine de la location, la garantie demandée aux futurs locataires sera réduite de moitié. Là aussi, le bénéfice de cette mesure bénificie au pouvoir d’achat des locataires qui pourront utiliser la somme économisée en consommation. En raisonnant un peu plus loin, les avantages de cette mesure apparaissent limités. En effet, les sommes versées aux propriétaires à titre de garantie étaient destinées normalement à l’épargne, cette dernière bénéficiant à l’investissement par l’intermédiaire du secteur bancaire (en dehors de l’épargne « matelas »). La réduction de la garantie a donc un impact positif sur la consommation mais négatif sur l’investissement.
Ensuite, le combat contre les 35 heures se poursuit en autorisant les entreprises à remettre cette durée du travail en cause avec l’accord avec les partenaires sociaux. Dans une entreprise où la durée légale est de 35 heures et où les salariés travaillent 39 heures, ces derniers reçoivent le versement de 4 heures supplémentaires payées 25% de plus. Si dans cette même entreprise, la durée du travail passe contractuellement de 35 à 39 heures, la différence de quatre heures sera alors payée au tarif des heures normales. Il n’y a pas de gain de pouvoir d’achat pour les salariés, même s’il y a une amélioration de la compétitivité de l’entreprise. De plus, l’allongement de la durée du travail n’a de sens que si elle correspond à un besoin de l’entreprise, c’est-à-dire à une augmentation de son chiffre d’affaires correspondant à une augmentation de sa part de marché. Il est certain que les 35 heures ont lourdement pesé sur l’évolution des salaires. Mais leur remise en cause, voire leur suppression, mettra longtemps à avoir un impact favorable : couper un arbre est beaucoup plus rapide que de le laisser croître !
Il faudrait impérativement remplacer le slogan « travailler plus pour gagner plus » par « trouver des marchés qui permettront de travailler davantage ». Et cela veut dire que la seule véritable solution économique repose sur une politique de l’offre et non pas de la demande.

22 novembre 2007

Dérive

Un simple rappel : le fascisme se définit comme la dictature d’un parti unique, fut-il minoritaire, dont la méthode de gestion est le corporatisme. Un parti minoritaire qui impose ses vues corporatistes, cela ne vous rappelle rien ? Une minorité d’étudiants qui empêchent le fonctionnement normal de l’enseignement supérieur pour obtenir une garantie de devenir fonctionnaires, une catégorie particulière de cheminots et de conducteurs de métro qui empêchent le fonctionnement du pays tout entier pour préserver des privilèges sociaux, voilà deux exemples qui satisfont complètement à la définition précédente. Comment ne pas être frappé par le fait de voir et d’entendre les syndicats s’enflammer lorsqu’une entreprise licencie une partie de son personnel et de constater que ces mêmes syndicats sont parfaitement indifférents à la faillite de nombreuses petites entreprises due à l’arrêt de travail organisé par eux-mêmes. À quoi sert « la défense du service public » si elle entraîne la perte de travail pour un certain nombre de citoyens ? Où est passée la démocratie lorsqu’une minorité d’étudiants réfute le vote d’une majorité d’entre eux ? Comment appelle-t-on le fait de remplacer la démocratie par la manipulation ? Comment appelle-t-on la remise en cause d’une loi adoptée par le Parlement ? Manifestement, grandit dangereusement une dérive du comportement citoyen qui ébranle les fondements même de la démocratie représentative. La démocratie est fragile mais irremplaçable. À travers le monde, des hommes et des femmes ont perdu leur vie ou leur liberté pour la défendre. Elle ne survit que par l’adhésion sans faille des citoyens ; elle n’a pas d’autres réels moyens de se défendre contre des agressions. C’est pourquoi toute atteinte à son fonctionnement, là où elle existe, est un acte extrêmement grave.

Vous avez dit rénovation ?

Il est certain que le Socialisme français a besoin d’une rénovation profonde. Mais rénovation de quoi ? Avant tout, de sa compréhension du monde. La France socialiste a eu, depuis la Révolution Française, le projet (la prétention ?) d’être un modèle universel, en oubliant deux faits essentiels : premièrement, il a fallu à la France plusieurs siècles pour mettre en place une République démocratique, deuxièmement la culture occidentale n’est pas celle de tous les pays du monde. Ces deux constatations conduisent à une évidence : c’est à la France de s’adapter au monde et non l’inverse. Ce qui ne veut pas dire que la France doit abandonner ses convictions, mais il faut qu’elle cesse de croire qu’elle est un modèle universel et qu’elle tienne compte des contingences créées par l’apparition sur la scène mondiale de nouveaux acteurs puissants et de cultures différentes. Le monde est actuellement gouverné par de puissants intérêts financiers, industriels, commerciaux nés de la volonté des grands pays occidentaux et auxquels veulent participer de nouveaux compétiteurs. Au nom de quoi la France interdirait-elle à ces pays de trouver leur propre voie de développement ? Or, la voie choisie par ces pays est celle de la compétitivité agressive sur les marchés traditionnels des pays développés. Le nouveau socialisme doit aussi se convaincre d’une évidence : ce sont ses entreprises qui créent la richesse d’un pays. Il est donc indispensable, normal et moral qu’une entreprise fasse des profits. Mais devenues incapables de lutter sur le même terrain que les pays émergents à cause des (ou grâce aux) coûts sociaux, les entreprises doivent absolument évoluer. Cette indispensable évolution ne peut avoir lieu qu’à deux conditions : innover pour créer de nouveaux produits et services, adapter l’organisation de l’entreprise à ces nouveaux métiers. L’innovation doit être encouragée par tous les moyens, la France devant impérativement investir de façon massive dans la recherche et dans la R&D. L’adaptation organisationnelle passe par la flexibilité du marché du travail, ce qui, sans langue de bois, veut dire que l’entreprise doit pouvoir adapter sa force de travail sans coûts prohibitifs ; faciliter le licenciement facilite l’embauche, essentiellement dans les PME. Faciliter le licenciement n’est pas synonyme de « lois de la jungle ». Le rôle de l’Etat est de prendre correctement en charge les salariés au chômage pour que ceux-ci reçoivent la formation et l’aide nécessaires pour retrouver le plus rapidement possible un nouveau travail. Ceci suppose que l’on impose aux services de l’Etat concernés d’être efficaces, donc contrôlés et évalués. Le fonctionnariat n’est pas une sinécure ! Mais il reste un obstacle majeur : le comportement réactionnaire et corporatistes des syndicats français qui ne sont représentatifs que d’une minorité de travailleurs. Le Parti Socialiste se pose la question de sa rénovation. La méthode est simple. À condition de ne pas confondre cette rénovation avec la survie des « éléphants », le Parti doit abandonner sa posture actuelle qui consiste à ne critiquer le gouvernement que sur la forme et pratiquement jamais sur le fond. Critiquer le gouvernement est une action légitime d’une opposition. Mais pour que celle-ci soit crédible, il faut impérativement que cette critique s’accompagne d’une analyse objective et non polémique (et parfois fausse) des actions et des choix gouvernementaux et que soient proposées des solutions dont l’efficacité doit être démontrée.

13 novembre 2007

L’agitation estudiantine est-elle inquiétante ?

Quels sont les éléments essentiels de la loi d’autonomie des Universités ? Tout d’abord, le conseil d’administration comprendra des personnalités externes provenant de l’entreprise. Ne devrait-on pas se réjouir de renforcer les liens entre le lieu de formation qu’est l’Université et le monde actif ouvert sur le monde ? N’est-ce pas la meilleure façon d’obtenir l’adéquation entre les savoirs et les compétences recherchées ? La loi prévoit que les Universités pourront se regrouper en établissements afin d’atteindre une taille critique et de mutualiser les moyens. Elle prévoir, ce qui est parfaitement naturel, l’évaluation des enseignants. Elle prévoit d’élargir les compétences de l’administration de l’Université en matière budgétaire et de gestion des ressources humaines, c'est-à-dire de faire du Président de 'Université un homme pleinement responsable. Pour ouvrir davantage l’Université sur le monde extérieur, la loi prévoit un bureau d’aide à l’insertion des étudiants. Elle prévoit également la possibilité d’un partenariat avec des organismes externes pour créer des fondations à but évidemment non lucratif et fonctionnant par donation. Si l'on veut investir dans les universités françaises, il faut bien aller chercher l'argent là où il se trouve puisque les caisses de l'Etat sont complètement vides ! Les Universités ont également la possibilité de devenir, sans frais, propriétaires des biens mobiliers et immobiliers. Étant devenus propriétaires, les établissements ont la possibilité de transfert de droits à un tiers. On distingue difficilement ce qui, dans ce texte, peut susciter une farouche opposition.

L’agitation étudiante actuelle (Novembre 2007) suscite de profondes interrogations. Tout d’abord, l’aspect fourre-tout des revendications qui mélangent sans vergogne la contestation de la loi sur l’autonomie des Universités (dont je suis prêt à parier qu’une minorité des étudiants a pris connaissance !), des régimes spéciaux, du pouvoir d’achat des fonctionnaires, de la réforme judiciaire, des franchises médicales montre à l’évidence qu’il s’agit là d’une manifestation purement politique, c’est-à-dire une contestation non déguisée du Président de la République. Cette agitation est donc anti-démocratique, en ce sens qu’elle conteste le choix de la majorité des Français. Cet aspect non démocratique est renforcé par le fait que le blocage des Universités est le fait d’une toute petite minorité d’étudiants politisés (et manipulés ?) renforcés par des éléments extérieurs à l'université et provenant vraisemblablement de l'extrême gauche et qui refusent le verdict des urnes qui demande de lever le blocage des établissements. Ensuite, si l’on met en parallèle le fait que le refus de la loi sur les Universités (portant essentiellement sur la sélection et la synergie avec les entreprises) avec les motifs avancés par les manifestants axés essentiellement sur des catégories sociales de fonctionnaires ou assimilés, on ne peut que constater la concordance entre la nature de ces revendications et le fait qu’une presque majorité des étudiants ont l’objectif de devenir eux-mêmes fonctionnaires. Quel est l’avenir d’un pays où la jeunesse ne rêve que d’un travail, certes sécurisé, mais qui n’enrichit absolument pas le pays et qui ne peut qu’aggraver ses difficultés ? Déni de démocratie et manque d’ambition, tels sont les caractéristiques de l’agitation estudiantine. Elle est donc inquiétante.

12 novembre 2007

Lettre à la CGT

Voici la lettre que j'envoie aujourd'hui à la CGT.

Monsieur le secrétaire général,

Je n’attends pas de réponse de votre part, à cette lettre comme à mes cinq précédents courriers. Je dois me rendre à l’évidence que les seuls interlocuteurs auxquels vous consentez de parler sont les hommes politiques et les journalistes. Vous soignez votre carnet d’adresse en faisant fi des gens du peuple dont je m’enorgueillis de faire partie. Ce courrier a pour objet de vous faire part de l’écœurement d’un grand nombre de français devant l’attitude et le discours de votre délégué à la SNCF. L’hypocrisie du discours, la volonté évidente de ne pas vouloir répondre clairement aux questions posées, la lâcheté (bien classique) qui consiste à nier la responsabilité de votre syndicat en la rejetant, comme d’habitude, sur le gouvernement, tout cela renforce le sentiment que les syndicats français sont les pires des réactionnaires. J’ai cotisé pendant quarante ans et j’ai eu un travail extrêmement pénible et stressant. Mettre en avant la pénibilité du travail des cheminots pour refuser l’allongement de la durée de cotisation a quelque chose d’écœurant. Je vous conseille d’aller voir les services hospitaliers des urgences et de vous intéresser aux infirmières ; vous aurez alors une plus juste appréciation de ce qu’est un travail pénible. Vous défendez l’indéfendable en pénalisant lourdement la population des travailleurs par votre action injustifiable. Je me demande si des préoccupations purement électorales ne constituent pas le réel fondement de cette grève.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Secrétaire Général, l’expression de mes sentiments écœurés.

07 novembre 2007

Non par principe ?

L’actuel Président de la République a été élu sur un programme de changements annoncés. Actuellement, il les met en œuvre. Seulement, il est un point qu’il a manifestement sous-estimé. Tant qu’il s’agit de projets lointains, la majorité des Français est d’accord d’autant plus qu’ils ne sont pas directement concernés. Mais, lorsqu’un projet commence, immédiatement se manifeste une virulente résistance au changement. Les acteurs concernés par le changement sont soudainement en opposition :
Le CSM est opposé à la révision de la carte judiciaire, les maires sont opposés à une modification du nombre d’hôpitaux, les internes en médecine s’opposent aux mesures incitatives à l’installation dans les zones médicalement désertiques, les fonctionnaires combattent la réorganisation de la fonction publique, les salariés concernés par les régimes spéciaux de retraite fustigent les orientations gouvernementales concernant ces régimes, l’autonomie des Université est combattue par les syndicats d’étudiants, les médecins s’opposent aux nouvelles modalités de financement de la Sécurité Sociale, les salariés de l’ANPE et de l’UNEDIC refusent la fusion des deux organismes, les agriculteurs ne veulent pas d’une interdiction des pesticides, les entrepreneurs de transport sont contre toute taxe verte, l’ouverture du ciel corse à la concurrence provoque la colère de la CCM, les professeurs s’opposent à l’allègement des programmes scolaires du secondaire, l’opposition politique vitupère contre la réduction d’impôts, Mr.Noël Mamère est contre tout.
Finalement, les Français ont voté pour le changement … pour les autres et à condition que rien ne change pour eux-mêmes.

02 novembre 2007

L’Arche du scandale

Maintenant que le côté obscur de l’affaire de l’Arche de Zoé s’éclaire peu à peu et qu’il apparaît qu’il s’agit d’une arnaque, même si ses auteurs ont agi avec les meilleures intentions du monde, il reste des interrogations sans réponse aujourd’hui.
Tout d’abord, comment a-t-on pu obtenir des parents de ces enfants (puisqu’il ne s’agit pas d’orphelins) qu’ils les confient à cette organisation ? Que leur a-t-on dit, que leur a-t-on promis ? Les a-t-on payé ? Lorsque l’on sait que la famille est une notion importante en Afrique où les liens familiaux sont extrêmement forts, quels arguments l’organisation a-t-elle avancé pour obtenir que les parents lui confie leurs enfants ?
Ensuite, il est invraisemblable qu’une telle opération ait pu être organisée sans contact entre l’ONG et le gouvernement tchadien. La réaction outrageusement indignée du Président tchadien n’est rien moins que suspecte.
Et encore, les familles d’accueil pressenties ont juré qu’il ne s’agissait pas d’adoption. Se pose alors une double question. Ou bien, les enfants étaient des orphelins et s’il n’était pas question d’adoption, que comptaient faire ces familles des enfants dans l’avenir ? Ou bien ces enfants n’étaient pas des orphelins et qu’auraient fait les familles d’accueil lorsqu’elles se seraient aperçues de cela ?
Enfin, un certain nombre d’hommes politiques ont été prompts à s’élever contre l’attitude du gouvernement qui abandonnait ses ressortissants au prétexte que ce dernier condamnait sans détour toute cette opération. Maintenant que l’on sait qu’il ne s’agissait pas d’orphelins, qu’il ne s’agissait pas d’enfants du Darfour, que l’Arche de Zoé a usurpé l’identité d’une autre ONG pour obtenir les autorisations nécessaires à ses déplacements, pourquoi ces mêmes politiques ne font-ils pas amende honorable ? L’honnêteté intellectuelle est une denrée rare ! On peut penser que les hommes et femmes de l’Arche de Zoé étaient pleins de bonnes intentions, mais cette histoire montre que le volontarisme humanitaire est dangereux lorsqu’il n’est pas celui de professionnels. Cet amateurisme est d’autant plus condamnable qu’il s’agit ici de petits enfants.

01 novembre 2007

Où est passée l’économie de marché ?

Le pétrole flambe, ce qui est bien naturel, en somme. Ce qui l’est moins, c’est la raison de cet état de fait. En un an, le prix du baril de pétrole a pratiquement doublé. Certes, la ressource s’amenuise et ce qui est rare est cher. Comme, aujourd’hui, un pétrole bon marché est rare, le pétrole bon marché est donc cher ! Or, il n’y a pas moins de pétrole aujourd’hui qu’il y a un an. Il n’y a pas de nouvelles guerres non plus, à part quelques bruits de bottes, prétexte toujours évoqué pour justifier, sinon pour expliquer, une hausse du prix du pétrole. Il n’y a pas davantage de catastrophes naturelles menaçant les installations pétrolifères au large du Mexique. L’expansion énergétique de la Chine est essentiellement basée sur l’exploitation du charbon, effet de serre oblige. Il est donc difficile d’identifier la cause de cette hausse spectaculaire du prix du baril qui a joyeusement pris son envol vers les 120 dollars. Si ce n’est ni la rareté accrue, ni la destruction des installations, ni les guerres et autres tensions internationales, pas plus nombreuses aujourd’hui qu’il y a un an, que reste-t-il ? La spéculation financière. Le jeu consiste à jouer le prix du pétrole à la hausse, c’est-à-dire acheter aujourd’hui pour revendre demain plus cher, ce qui effectivement provoque la hausse. C’est un mouvement qui s’auto-entretient. Et, dans cette frénésie spéculative, sans création de richesse véritable, un petit nombre s’enrichit, essentiellement les fonds spéculatifs et souverains, au détriment du plus grand nombre. Il est à prévoir que ce mouvement spéculatif va s’étendre à l’ensemble des matières premières et aux céréales. Où est passée la « main invisible » d’Adam Smith ? Il faut également garder à l’esprit qu’une spéculation frénétique crée ce que les économistes appellent « une bulle » dont le destin est d’éclater. Lorsque la bulle pétrolière éclatera, celle d’Internet passera alors pour une petite plaisanterie.