La physique fondamentale est dans un état désespéré. Non pas seulement parce qu’elle manque de moyens, mais surtout parce qu’elle court un risque important de se trouver dans une impasse. Le Graal de la confrérie des physiciens est de trouver une loi unique et universelle à partir de laquelle le monde qui nous entoure pourrait trouver son explication. Une loi qui soit à la fois belle et simple. Une loi du « tout ». Le chemin pris pour trouver cette loi est celui de « l’unification des forces fondamentales ». En effet, le monde que nous connaissons est régi par quatre forces : la force électromagnétique qui régit le comportement des particules élémentaires chargées électriquement (les électrons et les protons, notamment), la force nucléaire faible qui régit la désintégration radioactive, la force nucléaire forte qui permet la stabilité du noyau atomique et, enfin, la gravité. L’idée fondamentale de la recherche de la « théorie du tout » est qu’au début de l’Univers, dans le domaine des très hautes températures, ces quatre forces n’en faisaient qu’une. Puis l’Univers est passé par différents stades d’énergie qui ont vu ces forces se différencier les unes des autres à mesure que la température diminuait pendant l’expansion, par un phénomène appelé « brisure de symétrie ». Aujourd’hui, le monde est froid et les quatre forces sont distinctes les unes des autres. Le fond cosmique diffus est à 3°K. Cette voie a permis « d’unifier » les forces en question sauf la gravité. En effet, la gravité est la plus faible des quatre forces et son influence peut être négligée dans la majorité des cas. C’est ce qu’a fait la théorie quantique qui a révolutionné la physique et qui régit le monde de l’infiniment petit. Mais la Relativité générale a montré qu’au tout début de l’histoire de l’Univers, celui-ci était infiniment petit, infiniment chaud, infiniment dense. Dans de telles conditions, la gravité devient prépondérante et il est alors injustifiable que la physique quantique n’en tienne pas compte. Pour sortir de cette contradiction, et pour unifier la gravité avec les trois autres forces, les physiciens ont « inventé » ce qu’ils appellent la théorie des cordes. D’après cette dernière, les particules élémentaires de matière ne sont pas ponctuelles, mais sont des éléments à une dimension, appelés « cordes » et ressemblant à un fil infiniment mince, et capables d’entrer en vibration de différentes façons. Cette théorie a connu un très grand succès, accaparant la très grande majorité des physiciens (et des budgets de la recherche fondamentale), car elle semblait conduire à la grande unification tant recherchée, la gravité n’étant qu’une corde particulière parmi les autres (chaque force est portée par une particule virtuelle dite « boson », la gravité étant portée par le graviton comme la force électromagnétique est portée par le photon). Hélas, très vite il est apparu qu’existaient potentiellement plusieurs théories des cordes, à chaque tentative de rendre compte des caractéristiques du monde que nous connaissons. Le plus grave est qu’aucune de ces théories n’a été capable d’apporter les preuves de sa véracité. Les cordes sont de dimensions trop petites pour pouvoir être observées directement avec les moyens actuels. Plus un élément est petit, plus l’énergie nécessaire pour l’observer est élevée. Les cordes demandent des énergies hors de portée. Une théorie physique, pour prétendre au nom de théorie, doit pouvoir être falsifiable et vérifiable. Pour être crédible, une théorie doit fournir au moins une prédiction nouvelle attachée à une expérience non encore réalisée. Pour que celle-ci ait un sens, il faut qu’elle permette d’obtenir éventuellement un résultat contredisant la prédiction. C’est en ce sens que l’on dit la théorie falsifiable. Il faut, évidemment, qu’elle soit vérifiable, c’est-à-dire qu’on puisse vérifier la prédiction nouvelle. C’est ce qui s’est passé pour la Relativité générale qui a prédit l’expansion de l’Univers, l’existence de lentilles gravitationnelles, la trajectoire de la planète Mercure, le décalage des horloges, phénomènes aujourd’hui avérés par l’expérimentation. De la théorie de la Relativité générale est issue la formule la plus connue du monde entier : celle qui stipule l’équivalence entre la masse et l’énergie (E = Mc2). Cette formule a été vérifiée de la façon la plus terrifiante qui soit par l’explosion des bombes d’Hiroshima et de Nagasaki ! Or, actuellement, aucune théorie des cordes n’est falsifiable ni vérifiable. De plus, le nombre possible de théories différentes devient énorme. À l’heure actuelle, il semble qu’il puisse exister 10 à la puissance 500 théories différentes (10 suivi de 500 zéros, c’est-à-dire un 10 suivi de cinq lignes de zéros) !! Il devient donc impossible de trouver la théorie du tout, unique et universelle. Pour sortir de cette contradiction dramatique, les physiciens ont alors « inventé » le principe anthropique. Toutes les théories des cordes forment un « paysage » dont chaque point est un univers possible. Notre monde est ce qu’il est parce qu’il est le seul où a pu se développer une vie qui a produit ce que nous sommes. Si le monde avait été différent, nous ne serions pas là pour rechercher la loi d’unification. Il n’est donc plus utile d’expliquer pourquoi le monde est comme il est puisque, parmi tous les mondes possibles (les multivers), nous sommes dans le seul exemplaire qui nous permette d’exister. Les autres univers sont soumis à des lois différentes et restent à jamais inaccessibles, et toutes les lois sont possibles. C’est ce qu’on peut appeler une pirouette dont on peut se demander quelle en est la raison véritable. Voilà plus de cinquante ans que des milliers de physiciens éminents se sont engouffrés dans la théorie des cordes, persuadés qu’ils étaient sur le chemin de la vérité. Mais cette vérité est semblable au Mont Saint-Michel de la famille Fenouillard : plus on approche, plus le but s’éloigne. Ayant consacré un tel effort (et tant d’argent) dans cette recherche, le monde des physiciens a du mal à accepter cet échec et tente de construire des arguties métaphysiques pour justifier ce qui n’est encore aujourd’hui non pas une théorie mais une croyance. La situation actuelle de la physique est aujourd’hui la suivante : la physique quantique est incompréhensible, la théorie des cordes n’est ni vérifiable ni falsifiable, la voie semble bouchée vers une théorie du tout. De quoi faire des cauchemars de physiciens ! Cependant, tout espoir n’est pas perdu. Un certain nombre d’entre eux, reprenant le processus normal de la recherche en prenant comme point de départ de leurs réflexions le résultat des expérimentations, ont lancé la recherche sur d’autres voies dont les premiers résultats sont saisissants car ceux-ci semblent remettre en cause la Relativité restreinte et la Relativité générale, fondements de la physique depuis plus de cinquante ans. Certaines conjectures supposent en effet que la vitesse de la lumière est variable avec le temps, hypothèse qui va à l’encontre de l’hypothèse de base de la Relativité, à savoir la constance de cette vitesse qui s’avère être une limite et celle des particules sans masse comme le photon. Des mesures d’une difficulté extrême sont en cours sur des rayonnements qui, venant des confins de l’Univers, ont mis plus de dix milliards d’années à nous parvenir. La science redécouvre la voie de l’expérimentation qu’elle semblait avoir perdue depuis plusieurs dizaines d’années.
L’économie se veut une théorie scientifique. Diverses théories (keynisienne, monetariste,…) ont vu le jour et leurs auteurs sont restés célèbres. Peut-on dire que ces théories sont falsifiables et vérifiables ? Comme il a été dit plus haut, être vérifiable et falsifiable veut dire que la théorie est capable de faire au moins une prédiction nouvelle qu’une expérience peut éventuellement contredire. Or, l’économie a toujours été incapable de la moindre prédiction. Aucune crise n’a jamais été prévue, aucune évolution importante de la croissance n’a jamais été anticipée. Sans prédiction, aucune expérience ne peut être envisagée. La conclusion s’impose d’elle-même : l’économie est peut-être un savoir, ce n’est pas une théorie.
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