Le scorpion et la grenouille
Un scorpion, habité de morbides pensées,
De fort mauvaise humeur
Et prêt à tout dépenser
Sortit de son repaire en quête du bonheur.
Allant de-ci de-là, sa promenade
Fut arrêtée par le cours d'un ruisseau.
Or, le cœur battant la chamade,
Il n'osait se jeter à l'eau.
La vie, se dit-il,
Est bien difficile.
Elle ne vaut point d'être vécue
Si, à chaque moment, on se trouve déçu.
Sur le point qu'il était de retourner bredouille
Ne voulant endurer les angoisses d'un bain,
C'est alors que, dans l'herbe, il vit une grenouille
Faisant des moucherons véritable festin.
Mon amie, lui dit-il, à travers cette eau vive,
Pourriez-vous me porter jusqu'à l'autre rive ?
Du tout, je ne saurais
Répondit la reinette.
Qui me garantirait
Qu'étant votre estafette
Après être monté sur mon échine
Vous n'y planteriez point votre mortelle épine ?
Me prenez-vous pour un fou ?
Bougonna le scorpion.
Si, de mon dard, je vous piquais
Sitôt vous couleriez
Et, sur votre dos accroché
Du même temps, je me noierais.
Convaincue par cet argument
La grenouille accepta d'accomplir le transport.
Mais au milieu du gué, bien évidemment,
Repris par ses idées de mort,
Le scorpion piqua la grenouille.
Sans avoir le temps de dire "ouille",
Par le fond, elle coula aussitôt
Entraînant le scorpion dans les flots.
A croire que chacun
Avec raison se comportera,
Les plus grands risques
On encourra.
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