Au moment où les révoltes du monde arabe tentent, dans la douleur, de devenir des révolutions, souvenons-nous que nous devons aux hommes de la Révolution de 1789 la devise qui fleurit sur les frontons de nos mairies et qui a fait le tour de monde. Nous n’avons pas le droit de l’oublier. Bien entendu, le monde a évolué depuis les années révolutionnaires et s’est complexifié. La société française a changé et multiplié ses connexions avec le reste du monde. Aujourd’hui, cette belle devise a une couleur d’utopie. Pour lui rendre son caractère opératoire, peut-être serait-il judicieux de remplacer le triptyque « Liberté, Égalité, Fraternité » par « Liberté, Équité, Solidarité ». En effet, à travers cette devise revisitée, s’écrit la responsabilité fondamentale de l’État. À l’heure où les difficultés nationales entraînant certains à s’interroger sur le rôle de l’État et, enfourchant un Thatchérisme mal pensé, à rechercher la solution dans la diminution de sa zone d’intervention au bénéfice du secteur privé, il est intéressant de se fonder sur cette devise républicaine pour définir ce qui ne peut relever que de l’État, ce qu’on a l’habitude de nommer les secteurs régaliens.
Défendre la liberté du citoyen est, évidemment, la responsabilité majeure de l’État. Liberté d’expression, liberté d’opinion, liberté de circulation, liberté d’entreprendre, toutes ces libertés sont la marque de la démocratie et il appartient à l’État de les protéger et de les garantir. Pour cela, la justice, la police, l’armée sont les moyens de cette responsabilité.
L’équité n’est pas l’égalité que des surenchères populistes et démagogiques ont fait évoluer vers l’égalitarisme. Ce dernier consiste à mettre tous les citoyens sur la même ligne de départ de la course au succès et à garantir que tous atteindront ensemble une même ligne d’arrivée. Évidemment, la vie n’est pas conforme à cette image d’Épinal. L’équité, quant à elle, consiste à donner à chacun les chances suffisantes de participer à la course et d’atteindre, à son rythme, la ligne d’arrivée, sans être forcément le premier. Il s’agit de l’égalité des chances. Garantir cela fait aussi partie des responsabilités majeures de l’État. L’égalité des chances commence par l’égalité des possibilités d’acquisition des connaissances nécessaires pour concourir. L’État ne peut, en aucun cas, se dédouaner de cette responsabilité sans y perdre sa légitimité ! Envisager de la transmettre au secteur privé revient, obligatoirement, à une sélection par l’argent puisque le profit et le seul et nécessaire objectif de l’entreprise privée.
Si la fraternité est un sentiment, souvent une utopie, la solidarité est une organisation de la société qui relève de la responsabilité étatique. Cette organisation est incarnée, depuis la Libération, dans la Sécurité Sociale et l’assistance aux plus défavorisés et, pour filer la métaphore de la course à la vie, qui s’efforce de ne pas abandonner le citoyen au bord du chemin. Pour faire fonctionner cette organisation, l’État exerce la responsabilité régalienne de lever l’impôt. Cet impôt n’est pas fait, contrairement à un discours malsain qui a tendance à se généraliser, à appauvrir les « riches » mais pour permettre aux services publics de fonctionner avec la meilleure efficacité possible (c’est-à-dire le meilleur rapport qualité-coût) et au service de tous les citoyens, afin de mériter leur nom.
Liberté, équité, solidarité, telle est aujourd’hui le programme de la République démocratique française et rien ne doit y porter atteinte. On peut s’interroger sur le rôle de l’État dans le fonctionnement de la société, mais cette devise forme le socle inaltérable du pacte républicain du peule français.
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