Le discours politique est un hymne à l'économie de marché qui nous est présentée comme la garantie du bonheur. Et c'est au nom de l'économie de marché que l'on assiste à de multiples fusions, acquisitions, regroupements, mises en commun d'activités. Cela pose la question suivante : à chaque fusion de deux entreprises, se produit nécessairement la disparition d'un concurrent. Ce qui va à l'encontre de la loi fondamentale de l'économie de marché, la concurrence parfaite qui sous-tend la loi de l'offre et de la demande. En fait, la loi du marché devient la loi de l'offre seule qui s'impose à un marché indifférencié et sans défense. La demande n'a plus d'influence, le consommateur est sommé de se nourrir chez MacDonald, d'acheter ses meubles chez Ikea, de regarder des films américains de série B. La force de vente est devenue bien supérieure à la force d'achat des consommateurs : 90 % des produits vendus dans la grande distribution en France proviennent de 5 centrales d'achats seulement. Ces centrales des enseignes de la grande distribution imposent pratiquement le prix qu'elles veulent aux fournisseurs. Les économistes justifient ces fusions en arguant de la loi de la maximisation du profit (imposée par les actionnaires) par les coûts marginaux décroissants. Ils oublient de parler de l'économie d'échelle qui permet de produire davantage avec moins de ressources, c'est-à-dire moins d'hommes. Ce qui explique plus justement ces licenciements de masse qui accompagnent toutes les fusions d'entreprises, comme au plus fort de la crise des années quatre-vingt.
Les adversaires de la mondialisation des multinationales, dont on ne voit encore que les prémices, disent qu'elle met l'homme au service de l'économie et non l'économie au service de l'homme. Au-delà du slogan, c'est une formule qui demande une explication.
Préliminaire : l'organisation du monde doit tendre à rendre l'homme (tous les hommes) plus heureux. Si l'on n'est pas d'accord avec cela, inutile d'aller plus loin et tout se justifie, même l' insupportable. Si ce principe est admis, alors :
- aujourd'hui, il est visible que le vrai pouvoir est de moins en moins dans les mains des hommes politiques et des gouvernements et qu'il appartient de plus en plus à quelques milliers de financiers et de spéculateurs. Ce sont eux qui imposent les PDG, les fusions, les réorganisations au service de la valeur de
l' action. Ils réorganisent les entreprises par fusions et reventes successives. A titre de boutade on pourrait dire que le risque est qu'il n'existe plus qu'une seule entreprise pour chaque type d'activité économique … et il n'y aura plus de concurrence ! La mondialisation des multinationales rend arbitraire la valeur des actions à partir du moment où la concurrence n'existe plus. Ainsi, quelques milliers de financiers font la véritable loi, mais ne font pas la majorité des hommes. Il n'y a qu'à regarder le comportement des grands laboratoires pharmaceutiques qui se construisent des fortunes avec des molécules extrêmement coûteuses (donc vendues très chères) et qui refusent de s'engager dans des recherches qui permettraient de découvrir des molécules beaucoup moins onéreuses et donc accessibles aux malades du tiers-monde. Ou encore qui refusent d'engager des recherches dans les domaines où … il n'y a pas assez de malades ! Rien ne peut garantir – et j'aurais tendance à penser le contraire – que les décisions de ces capitalistes de l'extrême soient dictées par la recherche du bonheur du plus grand nombre qui subit, plus qu'il ne demande, les fusions et restructurations. C'est en ce sens qu’on peut dire que l'homme est mis au service de l'économie.
- la mondialisation des multinationales n'est, en fait, qu’une mac-donnaldisation, une cocacolisation, une dysneylandisation. Pourquoi ces entreprises devraient-elles être une référence ? L'histoire a montré abondamment que les sociétés et leurs cultures n'étaient pas éternelles et que d'autres sociétés se bâtissaient sur leurs décombres avec de nouvelles règles. Pourquoi une société où les riches sont toujours plus riches et plus pauvres les démunis serait-elle un parangon de réussite ? La généralisation de cette société conduit à diviser la planète en deux : ceux qui possèdent et ceux qui survivent (mal).
- la mondialisation des multinationales tend à l'uniformité. Celle des économies, celle des comportements, celle des cultures. Peut-être même, à terme, celle des religions et des croyances. A moins que l'uniformisation de ce qui s'échange ne laisse de côté justement ce qui ne s'échange pas, c'est-à-dire les religions, les ethnies, les régionalismes. Les communautés vont ainsi se replier sur des valeurs qui vont devenir conflictuelles car souvent passionnelles. Et la mondialisation va ainsi s'accompagner d'un régionalisme intégriste dangereux. Une alternative est que la mondialisation, envahissant le domaine de la culture et poussée à l'extrême, gomme et efface toute l'histoire des hommes. Or, nier et effacer l'histoire revient, en fait, à nier toute différence entre les nations d'aujourd'hui et, à terme, entre chacun d'entre nous. La seule différence qui existera sera celle persistant entre les nantis et les autres, sans aucune possibilité de correction car cela irait à l' encontre d'une valorisation maximale de la valeur de l'action de la société "monde". Oublier l' Histoire, c'est oublier ses parents, c'est nier le devoir de mémoire, c'est accepter que l'on dise "Hitler, connais pas !".
- la mondialisation des multinationales est celle du droit du marché mondial qui se constitue indépendamment des droits de l'homme. La mondialisation du marché a une vitrine, l'O.M.C. et une armée, les entreprises internationales. Celles-ci, en grande majorité américaines et bientôt chinoises, recherchent, par la délocalisation de leurs productions, les états où la réglementation sociale leur est la plus favorable, c'est-à-dire où elle est le plus en décalage avec les droits de l'homme. C'est ainsi que, grâce au travail – à l'esclavage – des enfants, il leur est possible de fabriquer des boissons, des vêtements et des chaussures de sport à des coûts de fabrication les plus bas possible, ce qui garantit l'importance de leurs profits et donc des dividendes à verser aux actionnaires, véritables maîtres du jeu, que sont les investisseurs institutionnels comme les fonds de pension anglo-saxons.
- la mondialisation des multinationales n'empêchera pas les guerres qui deviendront des guerres de religion, seule possibilité restante, dont l'histoire, justement, a montré – et montre encore aujourd'hui – combien elles peuvent être meurtrières et résistantes aux interventions des gouvernements. Pourquoi en serait-il autrement avec un gouvernement "mondial" ? Rien n'est moins sûr. D'autant que la mondialisation pourrait entraîner celle de ces guerres religieuses. Peut-on concevoir ce qu'auraient été les croisades à l'échelle mondiale et l'hécatombe qu'elles auraient provoquée au nom de Dieu? Imagine-t-on ce que serait une guerre islamique organisée, au nom d'Allah, à l'échelle mondiale ?
Mais, l'immoralité ne s'arrête pas là. Novartis, Mosento, Unilever, sont les grands pirates du XXIème siècle. Qui pourra certifier que les cultures resteront biologiques alors que les spores et les graines génétiquement modifiées peuvent voyager sur de grandes distances ? Aujourd'hui, nous servons de cobayes inconscients parce que non informés, ignorants que nous sommes de savoir si ce que nous mangeons a été manipulé. De même, comment fera-t-on lorsque les multinationales de la santé cesseront de fabriquer un médicament parce que jugé non rentable et condamnant à mort un grand nombre de malades ? Le ministère de la santé en France, estime que 2% seulement des médicaments mis sur le marché sont réellement utiles, les autres ne sont que des opérations commerciales. Comment sera-t-on certain que les multinationales de l'agroalimentaire n'utiliseront pas le gène "terminator" qui, implanté dans le génome des plantes transgéniques, rend les graines stériles obligeant les agriculteurs à racheter chaque année leurs semences auprès de ces entreprises, détruisant d'un coup ce qui fait le cœur du métier d'agriculteur, semer avec les semences de sa propre culture ?
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