Les affaires d’Outreau et Agnelet conduisent tout citoyen à s’interroger sur le fonctionnement de la justice. La première affaire pose clairement deux problèmes : la solitude du juge d’instruction et la réforme de la carte judiciaire ; la seconde celle de la responsabilité du juge d’instruction.
La carte judiciaire date de 1926 et a été révisée en 1958. Aucune modification n’a été faite depuis. Or la démographie et la répartition de la population a profondément changé. L’urbanisation massive a dépeuplé les zones campagnardes et la justice reste physiquement absente de bien des zones urbaines périphériques aux grandes villes. Aujourd’hui, une cinquantaine de petits tribunaux de Grande Instance ont une activité qui représente celle de la moitié d’un juge ! Le regroupement des tribunaux paraît être l’application du simple bon sens pour éviter la déréliction d’un juge inexpérimenté pouvant conduire aux pires erreurs judiciaires comme le montre l’affaire d’Outreau. Bien entendu, les magistrats (et les avocats) ne sont pas d’accord. Les arguments captieux avancés ne manquent pas de piquant. Le premier est de dire que si le tribunal est éloigné, le justiciable ne pourra s’y rendre et sera donc condamné par défaut !! Il faut savoir que nombre de petits tribunaux sont distants d’une dizaine de kilomètres du tribunal voisin … Il est d’ailleurs prévu que le juge pourra se déplacer jusqu’au justiciable si cela s’avère nécessaire aux besoins de l’instruction. Un autre argument avance que, dans un petit tribunal, le juge d’instruction est plus proche de la population car il connaît tout le monde !! Cette connivence ne risque-t-elle pas de mettre en cause l’impartialité du juge qui doit instruire tant à charge qu’à décharge ? Il faut savoir également que les juges d’instruction (et les avocats) des tribunaux menacés de disparition sont souvent de futurs candidats aux prochaines élections municipales !
Le jugement de l’affaire Agnelet (le casino de Nice) pose clairement le problème de la connivence. En première instance, à Nice, le jury populaire a acquitté Mr. Agnelet dans l’accusation d’assassinat de sa maîtresse. En appel, à Aix-en-Provence, le même Agnelet a été condamné à 20 ans de prison ferme, c’est-à-dire la peine maximale encourue. On peut reprendre l’argument avancé plus haut et se demander si le juge d’instruction du tribunal de Nice ne connaissait pas un peu trop bien les protagonistes (visibles et cachés) de l’affaire pour pouvoir influencer les jurés ! Quelles influences et quelles pressions se sont exercées sur ce juge de Nice ?
Ces deux affaires pointent d’un doigt de plus en plus précis la responsabilité du juge. Or, devant un risque sociétal de complexité croissante, le juge devient de plus en plus demandeur de lois et de normes. Or, ces lois ne peuvent juger que l’acte, et non l’homme, en s’appuyant sur les statistiques et les probabilités pour normaliser le système judiciaire. Cette dérive, paradoxalement, déresponsabilise le juge qui peut ainsi s’abriter derrière les chiffres pour justifier son action. Comme tout citoyen, le juge doit être pleinement responsable de ses actes et la loi ne doit pas lui permettre de s’en absoudre.
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