Le niveau d’emploi des seniors (c’est-à-dire des salariés ayant plus de 50 ans !) est au cœur de la polémique sur la durée de cotisation aux caisses de retraite. Les syndicats s’accrochent, pour refuser les 41 ans de cotisation, au fait que les seniors sont mis à la retraite (avec ou sans leur accord) à 55 ans, ce qui leur interdit d’avoir un nombre d’années de cotisation suffisant pour pouvoir toucher leur retraite à taux plein. Ainsi, disent ces mêmes syndicats, l’allongement de la durée de cotisation revient à diminuer le niveau des retraites. Ce raisonnement a un fond de vérité. Les entreprises, poussées dans ce sens par le gouvernement des années quatre-vingt, ont pris l’habitude de mettre en retraite forcée leurs seniors dès l’âge de 55 ans, et ceci avec des incitations financières pernicieuses. Font partie de la doxa actuelle les fausses certitudes qu’un senior est cher, peu flexible et qu’il est difficile de le recycler. Regardons d’un peu plus près ce qu’il en est. En matière de salaire, il existe une très mauvaise habitude qui est de faire évoluer celui-ci en fonction de l’ancienneté. Si l’on peut comprendre que l’inflation soit prise en compte dans l’évolution du salaire, par contre l’ancienneté n’est pas un critère pertinent. Seules l’évolution des responsabilités et de l’efficacité doivent intervenir dans la détermination du niveau de rémunération. Dans ces conditions, si un senior bénéficie d’un salaire élevé, ce dernier est la juste rétribution d’une contribution à l’efficacité de l’entreprise. Le remplacement d’un tel senior par un salarié plus jeune et moins efficace se traduit alors par une perte au niveau des résultats de l’entreprise. Ainsi, se séparer des seniors devient une pure et simple perte de rentabilité et de compétitivité. Le licenciement d’un salarié qui n’atteint pas ses objectifs d’efficacité n’a rien à voir avec l’age de ce dernier. Certes, il arrive, dans les entreprises, que de jeunes loups ambitieux essaient de pousser dehors de vieux « chnoks », mais cela n’arrive que parce que ces « vieux chnoks » se sont endormis et leur efficacité, donc leur légitimité, devient contestable, voire handicapante. Que ceux-là soient poussés dehors, ce n’est que justice. Bien sur, on trouve aussi, parmi les jeunes loups ambitieux, de vrais cons. Quant à la prise en compte de l’inflation, elle s’applique à tous les salariés, jeunes et moins jeunes. Dans le fonctionnement d’une entreprise, une des clés de son efficacité est d’avoir les bons collaborateurs au bon endroit au bon moment. Elle doit donc, en permanence, se préoccuper de la meilleure affectation de ses salariés et de corriger celle-ci, si elle n’est pas optimale. C’est ce que l’on appelle la flexibilité du travailleur. Ce critère doit être (s’il ne l’est pas déjà) une condition de la variation salariale. Remarquons qu’un niveau de salaire dépendant de l’efficacité et de la flexibilité existe dans la grande majorité du secteur privé. La prise en compte de l’ancienneté est une caractéristique du secteur public. C’est pourquoi les syndicats y tiennent tant.
Il reste le problème de l’employabilité des seniors, c’est-à-dire de la formation. Certains seniors ont plus de difficultés pour acquérir de nouvelles connaissances que les jeunes salariés. Encore qu’il serait gravement erroné de faire de ce constat une généralité. Il y a beaucoup de seniors dont l’agilité intellectuelle est plus importante que celle de bien des jeunes. Le vrai problème me paraît être celui de la motivation. Une formation n’est efficace que si l’apprenant est motivé. Or, un senior qui sait qu’il fait partie désormais d’une catégorie d’employés jugés négativement à cause de son age est souvent démotivé. Il faut trouver une méthode de formation adaptée aux seniors et la solution se trouve, vraisemblablement, dans l’utilisation des techniques du e-learning. Ces techniques demandent de mettre en place un coaching des apprenants, fonction qui consiste à entretenir leur motivation et qui peut être utilement affectée aux seniors les plus expérimentés. Les entreprises ont, pour beaucoup d’entre elles, mis au point une formation pour les jeunes embauchés. Rien n’empêche qu’elles fassent de même pour les seniors ayant besoin d’un recyclage. Plus largement, la formation des seniors doit s’intégrer dans un processus de formation tout au long de la vie qui n’est pas, à ce jour, opérationnel. L’amélioration du taux d’emploi des seniors en France, qui est un des plus bas d’Europe, passe par la mise en œuvre d’une formation efficace tout au long de la vie professionnelle. Ainsi, l’employabilité des seniors est un problème qui n’a pas grand-chose à voir avec la durée de cotisation aux caisses de retraite. Lier les deux problématiques est une façon de « noyer le poisson » pour refuser l’allongement de la vie active.
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