La thermodynamique explicite les lois qui conditionnent le fonctionnement énergétique des systèmes et des processus qui les composent. La première d’entre elles stipule la conservation de l’énergie. L’énergie consommée lorsqu’une automobile brûle une quantité donnée de pétrole se retrouve intégralement dans le travail permettant le déplacement de l’engin et à la chaleur dispersée par tous les frottements et par les processus d’ignition et d’échauffement du moteur. C’est ce principe de conservation de l’énergie qui interdit le mouvement perpétuel c’est-à-dire la production d’énergie sous une certaine forme sans en consommer par ailleurs sous une autre forme. Nous consommons de l’énergie sous toutes ses formes, mais nous produisons des déchets. Le second principe, dit aussi principe d’évolution, s’attache à décrire l’évolution des processus irréversibles. En effet, l’expérience et l’évidence nous montrent que certains évènements ne peuvent se dérouler en sens inverse, comme la fonte d’un morceau de sucre dans une tasse de café. À ces processus, le second principe attache une fonction d’état dite entropie (introduite par Rudolf Clausius en 1865) qui ne peut que croître pendant l’évolution d’un système entre deux états successifs. Cette grandeur mesure le désordre grandissant qui s’installe dans le système. Elle mesure également l’impossibilité de décrire complètement l’état d’un système (d’après les travaux de Boltzmann), c’est-à-dire notre ignorance sur la réalité de ce système. Ainsi, plus un processus est complexe, plus notre ignorance sur son comportement détaillé est grande.
Or, l’évolution de la société humaine se traduit par une complexité croissante des processus. Il n’est que d’écouter les discours contradictoires, parfois simplistes, sur le fonctionnement économique du monde pour comprendre que la complexité réelle des processus étudiés dépasse l’entendement des plus informés. Cette incompréhension vient nécessairement du niveau d’ignorance de leur fonctionnement réel. Leur entropie est donc élevée et s’accroît constamment. Donc, si l’entropie s’accroît, le désordre également. La crise que nous vivons actuellement en est un prodrome vraisemblable. La gloutonnerie du monde en énergie est devenue incontrôlée et les processus de consommation énergétique pillent, de façon irréversible, les matières premières fossiles et l’environnement en produisant une quantité croissante de déchets dont le monde ne sait plus que faire, sinon de les déverser parmi les populations les plus pauvres qui y trouvent, non sans danger et à la grande honte du genre humain, de quoi survivre. L’entropie d’un système est directement liée aux échanges. La sophistication exponentielle de la société humaine se traduit par une explosion du nombre et de la valeur des échanges entre les différents composants du système et leur environnement. L’entropie augmente donc de façon considérable. Jusqu’où peut croître l’entropie d’un tel système emballé ? Nul ne le sait, mais il ne peut être exclu que cette augmentation inconsidérée et non maîtrisée ne conduise à un collapsus généralisé car systémique. C’est ainsi qu’à l’inconscience criminelle s’ajoute l’ignorance inavouée. L’époque actuelle cherche un moyen de se rassurer en inventant le concept de
« développement durable », sans se rendre compte que le développement porte en lui une entropie croissante et que la durabilité sans borne est impossible. Il s’agit donc d’un oxymore anesthésiant.
La mesure du désordre s’appuie sur l’expérience du mélange de deux gaz, initialement séparés. Lorsque le mélange est terminé, la diffusion réciproque des gaz entraîne une répartition au hasard des différentes molécules, preuve de l’augmentation du désordre. Mais on peut pousser un peu plus loin l’analyse de cette expérience pédagogique. En effet, après diffusion, tout volume du mélange est semblable à tout autre partie. C’est-à-dire que le désordre s’accompagne de l’uniformité. On peut constater le même effet dans la société humaine actuelle. La culture, les modes de vie, les idées, les comportements s’uniformisent et les particularités s’estompent. Nous devenons un simple mouton anonyme au sein d’un troupeau uniforme. Cette uniformisation entraîne la disparition des exceptions. Où sont, aujourd’hui, Vermeer et Monet, Michel-Ange et Camille Claudel, Montaigne et Camus, Apollinaire et Rimbaud, Mozart et Boulez, Montesquieu et Sartre, Newton et Einstein ? Ils sont morts pour la seconde fois…
1 commentaire:
Quelques remarques sur ce texte.
Tout à fait d'accord sur la plus grande partie du texte proposé.
En particulier, le terme développement durable n'a aucun sens pour moi pas plus que croissance démographique durable.
D'accord avec le mélange des gaz mais avec une réserve de taille c’est qu’il ne doit exister aucune pesanteur.
L’accélération de la pesanteur terrestre (gravitation) fait qu’il existe toujours des variations de composition dans l'atmosphère terrestre avec l’altitude et que les gaz lourds (Co2) ont tendance à rester proche du sol et les gaz légers (vapeur d'eau) a plutôt monter (c’est un des facteurs importants générateurs des Alizés et qui heureusement pour nous contribuent au cycle de l’eau)
Une autre remarque est que l’énergie que nous recevons du soleil est à une échelle bien supérieure à celle stockée dans les combustibles fossiles. Ces combustibles sont en fait que les déchets de la vie sur terre il y a des millions d’années. En les brûlant l’homme ne fait que redonner à l’atmosphère le Co2 que la photosynthèse lui avait enlevé. Sans l’oxygène l’homme meurt. Sans le CO2 les plantes meurent et le cycle de la vie s’interrompt.
Une autre sorte de déchets de la vie utilisés par l’homme est la quantité et la variété énorme et de minéraux déposés par sédimentation au cours des ères géologiques, composés de calcaires, marnes, bauxites, dolomites, etc., dont nous ne prélevons qu’une infime partie pour nos besoins. (Certaines montagnes formées de coquilles et coraux fossiles peuvent atteindre plusieurs milliers de m de haut !)
La tectonique des plaques enseigne que la terre a toujours recyclé en grand ses déchets, en permanence, toute seule, par le phénomène de la subduction. http://fr.wikipedia.org/wiki/Subduction.
La surpopulation humaine aura forcément une limite.
Quant on se rend compte de la complexité du cycle des minéraux sur notre planète et l’usine bien organisée qu’elle représente, on se sent bien petit, et seul l’orgueil des ignares et de nos dirigeants nous parait grand.
Sur l’affirmation que nous devenons des moutons anonymes et que la culture s’uniformise, j’approuve aussi. Par contre, je ne suis pas aussi pessimiste sur les génies de l’humanité, ils n’ont jamais été aussi nombreux dans l’histoire humaine. La différence c’est qu’il est difficile de les reconnaître parmi une population de plus en plus nombreuse.
Si on veut prendre un exemple dans la physique, prenons l’évaporation à la surface de l’eau. Pour qu’une molécule d’eau se libère de la surface il faut qu’elle subisse une poussée mécanique suffisante pour vaincre les liaisons internes au liquide (chaleur latente d’évaporation) Cette molécule est privilégiée, elle n’était pas différente des autres, elle était au bon endroit, au bon moment pour être éjectée par l’action simultanée et synchrone de ses voisines dont l’énergie d’agitation diminue (baisse de la température)
C’est un phénomène totalement lié aux probabilités et plus il y a d’agitation et plus la surface d’eau est grande et plus le nombres de molécules d’exception augmente
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