Le développement de la Chine laisse le monde interrogatif et inquiet. Interrogatif car on se demande sur quoi repose cette expansion. Inquiet car elle pourrait conduire à un nouvel impérialisme. La cause est simple à comprendre. La Chine tire le meilleur parti de son principal atout concurrentiel, à savoir une main d’œuvre pléthorique à coût minime qui lui permet des coûts de fabrication extrêmement bas, rendant l’industrie chinoise très compétitive sur les marchés occidentaux, cible de ses exportations, la demande intérieure restant insuffisante pour cause de revenus trop faibles. C’est pourquoi, afin de faire accepter des conditions de travail extrêmement difficiles, la Chine maintient une dictature politique qui muselle les oppositions et les contestations. Mais, pour faire fonctionner ses usines, la Chine a également besoin des techniques industrielles occidentales, c’est-à-dire qu’elle a besoin d’attirer rapidement les investissements étrangers. D’où le développement d’une libéralisation économique, indispensable pour rassurer les investisseurs occidentaux. Dictature politique, libéralisme économique, tel est le système chinois qui permet la production de produits compétitifs inondant les marchés des pays développés. À cela s’ajoute une sous-évaluation du Yuan qui renforce encore cette compétitivité. Cette stratégie a permis à la Chine de devenir l’atelier industriel du monde développé. Son marché principal est le marché américain qui absorbe une très grande partie de ses exportations. Il est donc essentiel que ce marché reste solvable, et ceci malgré la dette abyssale des USA (près de 80% de leur PIB) qui représente une menace pour la pérennité des exportations chinoises. C’est la raison pour laquelle la Chine rachète la dette américaine en achetant une quantité considérable de bons du Trésor américain, fournissant ainsi aux États-Unis les dollars dont ils ont besoin pour acheter ses produits. La boucle est bouclée, créant une intrication étroite entre les deux économies. La stabilité économique du monde étant subordonnée à celle de l’économie américaine, l’inquiétude des pays occidentaux porte sur la pérennité de cette dépendance réciproque. Mais le développement industriel explosif de la Chine entraîne, pour ce pays, un énorme besoin en matières premières qui vient s’ajouter aux besoins alimentaires colossaux d’une population de presque 1,5 milliards d’habitants. La Chine écume donc le monde pour mettre la main sur les matières premières, industrielles et alimentaires, dont elle a un besoin vital et se trouve ainsi en concurrence frontale avec les pays occidentaux. Elle transforme peu à peu l’Afrique en fournisseur quasi-exclusif et fait peser à long terme sur les marchés une très forte tendance à la hausse. Cette mainmise chinoise sur les ressources de la planète est ressentie confusément comme un impérialisme nouveau et inquiétant.
Bien entendu, cette expansion et ce développement chinois ne sont pas sans risques pour la Chine elle-même car ils ne profitent actuellement qu’à une petite partie de la population, essentiellement à une nomenklatura directement ou indirectement liée au Parti Communiste Chinois. Il se crée ainsi une société à deux vitesse qui ne peut qu’accroître les tensions sociales, aujourd’hui contenues par la dictature politique. Les prochains enjeux de la Chine sont donc les suivants :
Tout d’abord, développer, à côté des exportations, un marché intérieur qui dépasse la classe des favorisés afin de soutenir la demande ce qui provoquera une pression accrue sur les matières premières. Ensuite, acquérir la maîtrise des techniques et de l’innovation par le développement rapide de l’enseignement, des universités et de la recherche. Les universités chinoises, multipliant les coopérations internationales, comptent 23 millions d’étudiants. Les trois meilleures universités du pays, l’Université de Pékin, l’Université Qing hua à Pékin et l’Université Fudan à Shanghai sont capables de rivaliser avec les grandes universités américaines et européennes. Il n’est pas un domaine technique de pointe où la Chine n’investisse pas.
Pendant que la Chine s’éveille, l’Europe s’assoupit. Le réveil sera douloureux.
2 commentaires:
Bonjour Michel,
à noter que le développement intérieur est une réalité, puisqu'on dénombrait déjà en 2009, 400 millions de Chinois avec un revenu supérieur ou égal au revenu moyen européen ...
Bernard R.
Réponse à Bernard Rev.
Cela n'est-il pas la preuve que le système "libéral" ne peut éviter la fracture sociale, l'écart entre riches et pauvres étant extrêmement grand et la quasi totalité des paysans vivant dans l'extrême pauvreté ?
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