Il ne s’agit pas ici de recherche fondamentale, mais de recherche appliquée, c’est-à-dire de celle qui a des conséquences sur la vie des hommes. En dehors des défis « classiques » de la recherche technologique comme les nanotechnologies et biologique comme le vaccin contre le sida, nous avons devant nous cinq défis majeurs qui vont devenir rapidement des urgences.
• Le premier touche à l’agriculture et aux surfaces cultivables de la planète. Actuellement, il existe 1,5 milliard d’hectares cultivables pour 7 milliards d’habitants en 2010 qui deviendront 9 milliards en 2050. Il reste 2,7 milliards d’hectares de terres arables actuellement non utilisées, parmi lesquelles on trouve les surfaces inexploitables du fait de leur relief ou de leur exposition climatique. Les extrapolations montrent qu’il faut trouver 120 millions d’hectares d’ici 2030. Certains pays, comme la Chine, l’Arabie Saoudite, les Émirats, se sont déjà lancés dans la recherche de ces surfaces supplémentaires. La Chine, en particulier, avec 20% de la population mondiale et 9% seulement des surfaces cultivées, achète des terrains agricoles en Afrique et en Amérique latine. À ce phénomène de terres manquantes, aggravé par la réduction des surfaces agricoles due à l’érosion, l’urbanisation, la montée du niveau des océans, la sécheresse, s’ajoute celui de la diminution mondiale de la population d’agriculteurs. Actuellement, 49% de la population mondiale vit en zones urbaines. Cette migration de population va continuer. En Chine, 300 millions de chinois vont migrer de la campagne vers les villes dans les 25 ans à venir. Nourrir l’ensemble de la population mondiale peut devenir un problème si une gestion des terres cultivables n’est pas mise en œuvre à l’échelle de la planète, en parallèle avec une gestion de l’eau et l’amélioration des rendements.
• Connexe au problème de l’agriculture, existe celui de la disparition des insectes pollinisateurs, des abeilles en particulier. Ce phénomène mondial mobilise des chercheurs de toutes nationalités car il pourrait avoir des conséquences très graves menaçant l’agriculture et une grande partie des ressources alimentaires. Multifactoriel, le dépérissement des colonies d’abeilles trouve une partie de ses causes dans les activités humaines et leurs influences sur les paysages, les ressources et les équilibres écologiques.
• Un autre défi est le stockage géologique du CO2 dans les couches profondes de l’écorce terrestre. Les énergies « nouvelles » resteront un appoint et ne permettent pas de résoudre le problème des transports aériens et maritimes (la voiture reste un produit de luxe). L’exploitation du pétrole et des schistes bitumineux va perdurer, la production de CO2 augmenter, les dégâts du réchauffement s’étendre. Comme les forêts, les tourbières et les puits océaniques de carbone ne suffisent plus à absorber les émissions humaines de CO2, et comme le protocole de Kyoto n'a pas permis de diminuer le total des émissions de gaz à effet de serre, les effets du réchauffement de la planète s’accentuent. Il existe un certain nombre de sites où l’on expérimente l’injection du CO2 dans les couches profondes de l’écorce terrestre : Sleipner et Snøhvit en Norvège, Weyburn et Zama au Canada, In Salah en Algérie, K12b aux Pays-bas, Blue Lake aux USA. En Europe, cinq sites ont été identifiés pour expérimenter cette technique.
• Le monde produit une quantité invraisemblable de déchets, à tel point que leur élimination est devenue un problème majeur. Le recyclage n’est encore que très partiel (le plastique n’est recyclé que de 20 à 30 % environ) et l’on retrouve dans les décharges de grandes quantité de matériaux qui pourraient utilement resservir (plastiques, métaux, cartons). L’exploitation des décharges comme gisements de ressources devient donc un enjeu important. Il faut donc améliorer de façon importante les techniques du recyclage qui sont, à l’heure actuelle, beaucoup trop inefficaces.
• Les énergies dites renouvelables restent encore, et pour longtemps, au stade du rêve. En effet, les seules solutions actuelles sont les éoliennes et les cellules photovoltaïques. Aucune de ces solutions ne peut prétendre être une solution de remplacement à l’énergie fossile. Si les éoliennes se construisent un peu partout, elles restent globalement anecdotiques. Au début de l’année 2009, on estimait à près de 121 gigawatts la puissance totale installée de l’ensemble des éoliennes à travers le monde, dont 3 387 MW en France, ce qui représente environ 800 engins. La dépendance de ces installations aux conditions climatiques impose de prévoir des solutions permettant de fournir instantanément la puissance manquante en cas de conditions défavorables. Les centrales nucléaires ont un temps de démarrage beaucoup trop long pour pouvoir être des solutions d’appoint. Seules, les centrales à gaz ou à charbon permettent de fournir immédiatement la quantité d’énergie manquante (une centrale à gaz peut démarrer en 15 minutes). Ce qui veut dire que les éoliennes s’accompagnent d’installations à émission de gaz à effet de serre, ce qui limite beaucoup l’aspect écologique tant vanté par les écologistes. De plus, il est difficile de concevoir de couvrir le pays d’éoliennes pour obtenir l’énergie nécessaire sans provoquer des réactions de rejet de la part des populations. Au Danemark, où le pays est saturé d’éoliennes, la production éolienne ne représente qu’environ 20% de la production totale d’électricité.
La technique des panneaux photovoltaïques n'a pas atteint la maturité et de nombreuses pistes de recherches sont actuellement explorées. Il s'agit d'abord de faire baisser le prix de revient de l'électricité produite, mais aussi d'obtenir des progrès en matière de rusticité, de souplesse d'usage, de facilité d'intégration dans des objets, de durée de vie. Des accroissements du rendement de leurs cellules sont nécessaires. Pour cela, il faut améliorer l’exploitation de toutes les longueurs d'onde du spectre solaire. Pour l'instant, seule une partie de la lumière visible, principalement les rayonnements verts et les bleus, est transformée en électricité et le rayonnement infrarouge n'est utilisé que par les panneaux thermiques pour chauffer de l’eau. La production française d’électricité à partir de cette technique reste anecdotique. Le total de la production éolienne et photovoltaïque atteint environ 1% du total produit. Enfin, l’alternance jour-nuit impose, comme pour les éoliennes, de prévoir des centrales thermiques à démarrage rapide pour pallier une demande d’électricité marginale alors que les installations photovoltaïques ne peuvent y répondre.
Ensuite, le vieillissement des centrales nucléaires devient problématique et la raréfaction du combustible uranium est aussi inéluctable que celle du pétrole. Le problème des déchets radioactifs est très loin d’être résolu et va, obligatoirement, devenir prégnant. La seule alternative crédible, encore que risquée, est ITER. La source de combustible devient inépuisable et le problème des déchets disparaît. Domestiquer la fusion nucléaire, comme le fait le Soleil, est une aventure risquée, car rien ne permet de savoir aujourd’hui si le succès est au bout du chemin, mais elle est pratiquement obligatoire.
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