La mondialisation, souvent nommée globalisation, nous est présentée comme le cadre incontournable du développement de nos sociétés et la condition irréfragable du succès économique des nations. En déplaçant un peu le point de vue (parallaxe !), la mondialisation montre un visage différent et inquiétant. En voici quelques traits.
L’évidence est aveuglante. Le vrai pouvoir a quitté les hommes politiques et les gouvernements et il appartient maintenant à quelques milliers de financiers, de spéculateurs, de managers. Ce sont eux qui imposent les fusions, les réorganisations au service de la valeur de l'action. Ils réorganisent les entreprises par rachats, fusions, concentrations et reventes successives. À terme, on peut craindre que ne se créent des oligopoles pour chaque type d'activité économique majeure… et il n'y aura plus alors de réelle concurrence, ce qui est déjà presque le cas dans un certain nombre de secteurs (agroalimentaire, aéronautique, industrie pharmaceutique, énergie…). La mondialisation rend arbitraire la valeur des actions à partir du moment où la concurrence n'existe plus. C’est ce que démontrent les aléas boursiers actuels, conséquence de l’économie de casino et de la crise financière dans lesquelles le monde est plongé. C’est ainsi que ces financiers et ces spéculateurs décrètent et appliquent leurs lois. Un exemple en est le comportement des grands laboratoires pharmaceutiques qui se construisent des fortunes avec des molécules extrêmement coûteuses payées par les systèmes de protection sociale et finalement par le contribuable, molécules parfois dangereuses, et qui refusent de s'engager dans des recherches qui permettraient de découvrir des molécules beaucoup moins onéreuses et donc accessibles aux malades du tiers-monde. Ou encore qui refusent d'engager des recherches dans les domaines où il n'y a pas assez de malades, abandonnant les victimes de maladies orphelines à leur sort ! Dans le même temps, utilisant la libre circulation des capitaux et les paradis fiscaux, ces entreprises soustraient leurs profits à l’impôt. Les entreprises du CAC 40 ont un taux réel d’imposition sur les bénéfices de 14% alors que les PME supportent le taux légal de 33%. Impuissants, les politiques n’ont pas le pouvoir d’empêcher un tel comportement. Qui peut croire que les décisions de ces capitalistes de l'extrême soient dictées par la recherche du bonheur du plus grand nombre qui subit, plus qu'il ne demande, les fusions, restructurations, destructions de leur outil de travail ?
La mondialisation tend à l'uniformité. Celle des économies, celle des comportements, celle des cultures. Peut-être même, à terme, celle des religions et des croyances. À moins que l'uniformisation de ce qui s'échange ne laisse de côté justement ce qui ne s'échange pas, c'est-à-dire les religions, les ethnies, les régionalismes. Les communautés vont alors se replier sur des valeurs qui vont devenir conflictuelles car nécessairement passionnelles. Et la mondialisation va ainsi s'accompagner d'un régionalisme intégriste dangereux. Une alternative est que la mondialisation envahissant le domaine de la culture et, poussée à l'extrême, gomme et efface toute l'histoire des hommes. Or, nier et effacer l'histoire revient, en fait, à nier toute différence entre les nations d'aujourd'hui et, à terme, entre chacun d'entre nous. Seule la différence entre les nantis et les autres, les repus et les affamés, perdurera sans aucune possibilité de correction car cela irait à l'encontre d'une valorisation maximale de la valeur de l'action de la société "monde". Oublier l'histoire, c'est oublier ses parents, c'est nier le devoir de mémoire, c'est accepter que l'on dise "Hitler, connais pas !".
La mondialisation est celle de la dictature du marché mondial qui se constitue indépendamment des droits de l'homme et, souvent, de la morale. La mondialisation du marché a une vitrine, l'O.M.C., et une armée, les entreprises et les mafias internationales. Celles-ci recherchent, par la délocalisation de leurs productions, les pays où la (dé)réglementation sociale leur est la plus favorable, c'est-à-dire où elle est le plus en décalage avec les droits de l'homme les plus élémentaires. C'est ainsi que, grâce au travail – à l'esclavage – des femmes et des enfants, il leur est possible de fabriquer des boissons, des vêtements, des chaussures, des jouets, des produits électroniques à des coûts de fabrication les plus bas possible, garantissant leurs profits et donc les dividendes à verser aux actionnaires, véritables maîtres du jeu que sont les investisseurs institutionnels comme les fonds de pension anglo-saxons.
La mondialisation n'empêche pas les guerres qui deviennent des guerres ethniques ou de religion, seule possibilité restante, dont l'histoire, justement, a montré – et montre encore aujourd'hui – combien elles peuvent être meurtrières et résistantes aux interventions des gouvernements. D'autant que la mondialisation pourrait entraîner celle de ces guerres religieuses. Peut-on concevoir ce qu'auraient été les croisades à l'échelle mondiale et l'hécatombe qu'elles auraient provoquée au nom de Dieu ? Imagine-t-on ce que serait une guerre islamique organisée, au nom d'Allah, à l'échelle mondiale ? La sourde concurrence agressive, parfois terroriste, que se livrent les intégristes musulmans et évangélistes fanatiques sur toute la planète en sont, peut-être, les prodromes. La chasse aux coptes déclenchée par les premiers et la mise sous influence de G.W.Bush par les seconds afin d’engager la guerre en Irak en sont des indices.
La mondialisation donne l’image d’un monde entraîné vers un avenir où les hommes ne maîtriseront plus rien et où le pire devient possible. Comment s’étonner du pessimisme des citoyens ?
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