« L’incompréhension du présent naît de l’ignorance du passé » disait Marc Bloch. Pour éviter qu’il en soit ainsi de « l’affaire » Karachi, il est bon de rappeler les faits qui tiennent en seize points.
1 – En 1988, a lieu la réélection de François Mitterrand à la Présidence de la République.
2 – En Mai 1989 débute l’affaire des frégates de Taiwan.
3 – En Août 1991, signature du contrat de vente de 6 frégates militaires pour 16 milliards de Francs.
4 – En 1994, sévit la cohabitation. Édouard Balladur est alors Premier Ministre et Nicolas Sarkozy est Ministre du Budget. La signature d’un contrat de vente de 3 sous-marins au Pakistan a lieu en Septembre. Alors que le contrat semble bouclé, E.Balladur impose deux intermédiaires, Ziad Takieddine et Abdulrahman El Assir, avec versement de 33 millions de Francs de commission. Il est impossible de croire que cela s’est fait sans l’aval de François Mitterrand.
5 – En Mai 1995, pendant la campagne électorale qui verra l’élection de Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy est porte-parole d’Édouard Balladur tandis que Nicolas Basile est son directeur de campagne. Après l’élection de J. Chirac, Dominique de Villepin est nommé Secrétaire Général à l’Élysée. Le Conseil Constitutionnel, avec la voix prépondérante de Roland Dumas alors Président du Conseil, valide les comptes de campagne des deux candidats, malgré l’opposition des quatre membres de gauche et la présence de 13 millions de Francs en espèces et d’origine inconnue sur les comptes d’E. Balladur.
6 – En 1996, Jacques Chirac suspend le versement des commissions. La véritable raison n’en est pas connue.
7 – En Mai 2001 s’ouvre le procès des frégates de Taiwan à la suite d’une enquête entreprise par le juge Éva Joly.
8 – En Juin 2001, la France vend 3 sous-marins à l’Inde, au moment de tensions fortes entre ce pays et le Pakistan.
9 – En Mai 2002 a lieu la réélection de Jacques Chirac et le 8 Mai se produit l’attentat de Karachi, provoquant la mort de onze français appartenant à la DCN.
10 – En Janvier 2004, Dominique de Villepin demande au juge Van Ruymbeck le lancement d’une enquête sur la vente des frégates de Taiwan pour connaître les détails des conditions de cette vente.
11 – Au mois de Mai 2004, le juge Van Ruymbeck reçoit anonymement des listings de comptes secrets de Clearstream sur lesquels apparaissent des personnalités politiques dont Nicolas Sarkozy qui sont soupçonnées d’avoir reçu des rétro commissions.
12 – En 2006, Nicolas Sarkozy se porte partie civile et porte plainte au mois de Décembre.
13 – En Mai 2007, Nicolas Sarkozy est élu Président de la République.
14 – En Juillet 2007, Dominique de Villepin est mis en examen.
15 – En Septembre 2009, débute le procès Clearstream au cours duquel il est démontré que les listings Clearstream sont des faux. En Octobre, Dominique de Villepin est relaxé, mais le procureur fait appel du jugement.
16 – En Novembre 2010, Villepin, Million, Giscard d’Estaing font état de fortes suspicions portant sur des rétro commissions dans la vente des sous-marins au Pakistan.
À l’examen de ces faits, On peut alors identifier deux affaires distinctes. La première porte sur l’existence de rétro commissions ayant servi, peut-être, à financer des partis politiques, voire la campagne d’Édouard Balladur en 1995. Cette affaire pourrait alors être l’occasion saisie par Dominique de Villepin pour assouvir sa haine viscérale et se venger de Nicolas Sarkozy, à la suite du procès Clearstream associé lui aussi à des soupçons de rétro commissions. Pour l’instant, tous les accusateurs, politiques ou médiatiques, ne parlent que de fortes suspicions sans apporter la moindre preuve.
La seconde affaire porte sur les raisons de l’attentat de Karachi. Sur celle-ci on peut alors faire quelques hypothèses, sans qu’aucune d’elles ne puisse également être étayée par des preuves. Première hypothèse : l’attentat est la conséquence de l’arrêt du versement des commissions dues au contrat des sous-marins. Cela suppose que les intermédiaires aient des accointances avec le terrorisme. Dans ce cas, on peut s’interroger sur les raisons qui ont poussé Édouard Balladur à les mettre dans le circuit. Seconde hypothèse : l’attentat est l’œuvre d’Al Qaida, mais cette organisation ne l’a jamais revendiqué, ce qui est en contradiction avec tous les autres attentats dont elle est l’instigatrice. Troisième hypothèse : l’attentat est l’œuvre des services secrets pakistanais en répression de la vente de trois sous-marins à l’Inde, ce qui, compte tenu de l’attitude pour le moins ambiguë du Pakistan vis-à-vis du terrorisme, est plausible.
Reste à comprendre l’attitude du gouvernement et de l’Administration au sujet du secret Défense dont ils ont entouré tout ce qui touche à la vente des frégates de Taiwan, des sous-marins au Pakistan et à l’attentat de Karachi. Que chacun se fasse une opinion sans oublier que des suspicions n’ont jamais fait une preuve.
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