Qu’elle soit représentative, d’opinion, directe ou participative, la démocratie est au centre des réflexions des analystes politiques et des intellectuels (ou de ceux qui se déclarent tels) sans toujours faire la juste différence entre ces diverses formes d’un même système politique. Démokratia est un terme grec signifiant le commandement par le peuple. Originellement, il désignait le mode de gouvernement des cités grecques où la maîtrise de l’Etat était l’apanage du peuple assumant l’administration des affaires publiques : l’Assemblée du peuple cumulait tous les pouvoirs et chaque citoyen avait la possibilité de participer à l’Assemblée de la cité. Il s’agit donc de ce qui s’appelle la démocratie directe. Chaque cité grecque avait ainsi son assemblée fonctionnant sur le principe de la démocratie directe du peuple. L’idée de démocratie a traversé les siècles pour s’incarner sous la forme d’un mode de gouvernement d’un pays tout entier. La participation de tous les citoyens à la gestion directe du pays étant inopérante, les compétences nécessaires à cette gestion étant de plus en plus complexes, le peuple a délégué à des hommes jugés les plus capables cette responsabilité ; la démocratie représentative était née. En France, la démocratie directe n’a pas totalement disparu puisque l’élection du Président de la République se fait au suffrage universel direct. Cependant, des évènements récents, les propos tenus lors de la dernière élection présidentielle, ont semblé remettre en cause la démocratie représentative en voulant favoriser l’émergence d’un nouveau type de démocratie : la démocratie dite participative. On a même entendu, ces temps derniers, des parlementaires juger non démocratique le fait que le Président de la République ait choisi de faire voter le texte du projet Européen par le Parlement au lieu de faire appel au référendum ! Décidément, tous les dinosaures n’ont pas disparu, il en reste quelques-uns au sein du Parti Socialiste. Avant d’analyser le concept de démocratie participative, il faut également se rendre compte que l’épisode du CPE, le blocage des Universités par une minorité d’étudiants, sont des évènements où une loi votée par l’Assemblée Nationale est rejetée par la rue ou contestée par une partie du peuple. C’est-à-dire que la légitimité de la démocratie représentative a été gravement remise en question. C’est bien pourquoi la commission dite « Balladur » sur l’évolution de la Constitution, propose (chat échaudé craint l’eau froide !) qu’une loi subisse une « étude d’impact » avant la parution des décrets d’application. Ce que l’on peut traduire de la façon suivante : il faut mettre en place une démocratie d’opinion. Tenir compte de l’opinion publique pour orienter les décisions de gestion de la Nation, tel est le principe de base de la démocratie d’opinion. Cette façon de dénaturer la démocratie comporte un risque énorme : rien ne dit que l’opinion ait raison !! L’opinion, sensible à l’émotion et versatile, peut décider contre toute raison. La peine de mort n’aurait jamais pu être abolie si le pouvoir politique s’était soumis à l’opinion. Se pose également le problème de l’appréciation de l’opinion. Il est patent que la démocratie d’opinion conduit tout droit à la dictature des sondages. Il s’agit bien d’une dictature, car il n’existe aucun contre-pouvoir. Qui ne sent que les sondages ont déjà pris une part trop grande dans la prise de décision des politiques qui nous gouvernent ? Lorsque l’on voit comment ont fonctionné les Assemblées d’étudiants, faisant fi de tout comportement démocratique, on est en droit de craindre la démocratie d’opinion, tout aussi susceptible de manipulation que tout autre manifestation d’opinion.
La démocratie directe n’étant pas opératoire, la démocratie d’opinion étant dangereuse, il reste le concept de démocratie participative. Reste à comprendre ce que ce concept recouvre. S’il s’agit, comme l’a laissé entendre la candidate de gauche aux dernières élections présidentielles, de soumettre l’action des représentants du peuple au jugement de jurys populaires, cela revient à dénier au principe du vote électoral toute justification. La délégation faite lors du vote électoral perd son sens ainsi que le principe même de démocratie représentative. S’il s’agit de faire participer le citoyen aux prises de décisions, cela existe déjà à l’échelon local à travers les comités de quartiers, les commissions ad hoc, les associations. Un examen un peu attentif de ces initiatives montre qu’il ne s’agit que de l’application au niveau local de la notion de représentativité. En effet, les participants à ces comités ou associations sont censés représenter l’ensemble des concitoyens qui leur ont délégué leur pouvoir de décision. On est bien dans le cadre d’une démocratie représentative. On peut donc conclure que le concept de démocratie participative n’est qu’un avatar de la démocratie représentative. Si les citoyens perdent confiance dans les hommes politiques, cela ne tient pas au fonctionnement de la démocratie, mais à la compétence et au courage des élus. Cela tient également à l’égoïsme du citoyen pour qui la notion de bien commun est étranger.
Le régime actuel français est, sans conteste, celui de la démocratie représentative. Cependant, nous assistons à ce qui pourrait bien devenir une dérive, voire une régression. Lorsque N. Sarkozy affronte directement les pêcheurs, les cheminots grévistes, les ouvriers, la majorité des Français louent son courage…et retiennent la leçon, à savoir que, seul, le président est apte à entendre leurs problèmes. C’est exactement ce qui se passait, il y a deux cent cinquante ans, lorsque le peuple ne s’adressait qu’au roi.
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