La parallaxe est une différence de vision qui se crée lorsque l’on regarde depuis deux points de vue différents. Un point de vue unique fait courir le risque d’une appréciation partielle relevant du politiquement correct. En portant un regard différent, on peut alors percevoir des aspects cachés du monde. Regarder, écouter, et chercher un point de vue décalé peut parfois faire mieux comprendre le monde et le jeu des hommes.
04 octobre 2008
La titrisation est-elle anti-économique ?
Le libéralisme s’appuie sur le dogme de l’infaillibilité des marchés : ceux-ci fonctionnent selon un certain nombre de lois et la meilleure politique économique consiste à laisser les marchés fonctionner selon ces lois qui conduiront nécessairement à la meilleure solution, c’est-à-dire à la satisfaction de tous. Parmi ces lois, il en est deux qui constituent la fondation de la doctrine : la loi de l’offre et de la demande et la loi de la concurrence pure et parfaite. Cette dernière loi définit les conditions d’une concurrence dite pure et parfaite. L’une de ces conditions est la transparence, c’est-à-dire l’information parfaite des acteurs du marché. De quoi est faite cette information ? Bien entendu, le prix du produit/service est à la base de cette information des acteurs : chacun le connaissant, refusera d’acheter plus cher ou de vendre moins cher. On aboutit ainsi nécessairement au meilleur prix du marché. Certes, les économistes ne sont pas des idéalistes et savent bien que l’information n’est jamais parfaite. L’acheteur ne connaît pas l’ensemble des prix proposé par tous les vendeurs et peut donc faire le mauvais choix. Les théories économiques ont pris en compte la dissymétrie de l’information entre l’acheteur et le vendeur. Mais il existe un critère que ces théories ne prennent pas en compte sérieusement : le risque. Le risque encouru par l’acheteur fait évidemment partie de l’information dont il a besoin. Or, le phénomène de titrisation, inventé par le monde financier et s’appuyant sur des outils mathématiques sophistiqués (spécialité française, soi dit en passant), conduit à une dilution du risque et donc à une désinformation. En effet, lorsqu’une banque consent un prêt à quelqu’un qui sera nécessairement dans l’impossibilité de rembourser ses traites du fait du mécanisme des taux progressifs et que cette même banque revend ce prêt sous forme de titres et de produits dérivés à d’autres organismes financiers, qui revendent eux-mêmes à d’autres organismes, le risque originel pris par l’émetteur initial de l’emprunt est tellement dilué qu’il devient impossible de l’évaluer. L’information n’est plus complète et elle est bien loin d’être transparente. La titrisation n’est donc qu’un mécanisme de dilution du risque au détriment d’une information complète ce qui déroge gravement aux lois de fonctionnement des marchés. Comment être étonné, dans ce cas, du krach financier auquel nous assistons à la suite des subprimes américains, revendus dans tout le réseau bancaire mondial par le mécanisme de titrisation ? Et si la question semble si évidente, pourquoi les responsables politiques ne sont-ils pas intervenus plus tôt pour interdire de telles pratiques, contraires aux lois des marchés ? Cela aurait peut-être évité que le monde occidental et libéral sombre dans le pessimisme et dans la crainte de l’avenir. Dans une de mes précédentes chroniques, je traitais de voyous les traders boursiers. Je n’ai pas changé d’avis. Mais, à ces voyous, il faut ajouter ceux qui président dans de luxueux bureaux de banque, qui jouent en bourse l’argent de leurs déposants sur des produits immoraux, qui empruntent pour pouvoir prêter, qui se lancent dans la spéculation hasardeuse en mettant en péril leur propre banque et tout le système bancaire. Un monde se termine, sans que les responsables politiques n’aient rien prévu. Or gouverner c’est prévoir !
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