26 février 2009

Connecté mais isolé

L’expansion frénétique des échanges humains, commerciaux et financiers fait croire que la planète se rétrécit et l’expression « village mondial » fait florès. Les antipodes deviennent de simples faubourgs. Internet donne les moyens de communiquer avec le monde entier avec une facilité déconcertante, inimaginable il y a seulement vingt ans. La technologie téléphonique permet de joindre quiconque à tout moment, indépendamment du lieu. Dans la tragédie humaine, l’unité de lieu et l’unité de temps ont disparu. Le courrier électronique, les chats, les forums, les blogs, les mondes virtuels où, par avatar interposé, on transforme sa vie en jeu vidéo, les réseaux sociaux, le téléphone portable, les SMS, les guichets automatiques de banque, les distributeurs automatiques, autant de techniques qui, tout en clamant le rapprochement, suppriment tout contact réel et effectif entre les individus. Jamais, l’homme ne s’est senti aussi menacé. La pauvreté, le chômage, les difficultés de vivre, l’incertitude sur l’avenir, le développement d’une économie virtuelle dangereuse, autant d’éléments qui créent un sentiment d’inquiétude chez chacun, hormis ceux qui savent détourner le système à leur avantage. Ainsi, entouré par tant de menaces, l’homme du « village global » - village qui ressent les premières convulsions de sa première grave maladie - se sent pris d’une angoisse obsidionale dont le premier effet est d’exacerber les réflexes de défense et d’individualisme. C’est la contradiction essentielle du monde actuel qui se veut ouvert à tous vents et qui, en leur donnant les moyens techniques pour le faire, pousse les individus à s’isoler, à limiter ses préoccupations à son « habitus » et à perdre de vue toute notion d’intérêt général. Ainsi, se développe un réflexe corporatiste généralisé se transformant, dans des cas de plus en plus nombreux, en jusqu’au-boutisme faussement collectif et réellement suicidaire. Seul en face de ses machines et de ses prothèses techniques, l’homme d’aujourd’hui crie sa solitude. D’où le développement d’un exhibitionnisme qui fait le bonheur des médias. Les émissions de télé-réalité plus populistes les unes que les autres, voire à la limite de la pornographie voyeuriste, le déferlement de livres autobiographiques sans aucun intérêt, sont autant de conséquences visibles du cri des hommes enfermés dans leur isolement. Regardez bien tous ces citadins qui déambulent, le téléphone portable collé à l’oreille et qui soliloquent en marchant sans aucun regard pour un environnement qui a cessé d’avoir une existence réelle dans la conscience de l’homme connecté. Observez ces mêmes citadins dans les transports en commun, le nez collé sur l’écran de leur organiseur personnel, et qui perdent toute conscience de ceux qui les entourent. L’homme connecté est isolé.

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