14 juin 2012

Rétroaction et démocratie

En cybernétique, la rétroaction est utilisée afin que les effets d’un système agissent sur les causes pour atteindre un optimum de fonctionnement. Mais il arrive que la rétroaction des effets sur les causes amplifie le déséquilibre. On parle alors de rétroaction positive. Par exemple, le réchauffement des eaux de l’océan Arctique fait fondre la glace polaire dont la surface diminue. Or, par effet albédo, la glace renvoie une partie des rayons solaires vers l’atmosphère. Si la surface de la glace diminue, l’effet albédo diminue également, l’absorption des rayons solaires par l’océan augmente et le réchauffement des eaux également. Ainsi, le réchauffement climatique crée un cercle vicieux accélérant la fonte des glaces. En physique, ces rétroactions positives sont nombreuses et connues. Mais elles existent aussi dans le monde politique. Les hommes politiques sont addicts du pouvoir et les citoyens, qui ne sont que des humains, sont essentiellement individualistes et égoïstes. Ces deux caractéristiques des hommes créent une rétroaction positive qui dénature profondément le fonctionnement de la démocratie. En effet, les dirigeants politiques, du fait de leur addiction, cherchent à conserver le pouvoir par tous les moyens disponibles dont le plus simple est de satisfaire coute que coute l’égoïsme de ceux qui doivent les élire. Comme ceux-ci ne sont préoccupés que par ce qui sert leur intérêt personnel et immédiat, les hommes politiques de tous bords sont immanquablement poussé au populisme de plus en plus prononcé pour conserver leurs électeurs. Il s’agit d’une sorte de contrat synallagmatique non écrit : « Dis-moi ce que je veux entendre et je voterai pour toi ». La poussée du populisme est visible dans tous les pays européens. Cette rétroaction positive empêche les dirigeants d’avoir une vision à long terme qui demanderait des investissements (donc des impôts) dont la rentabilité ne peut se mesurer que dans le long temps et de s’engager dans des actions privilégiant l’intérêt collectif sur les intérêts corporatistes. C’est pourquoi l’écologie et la lutte contre le réchauffement de la planète ou le gaspillage des ressources n’ont aucune chance. La preuve en est cette floraison de projets d’extraction pétrolière au Pôle Nord ou dans les réserves terrestres et maritimes, et tant pis pour les peuples du Nord canadien et pour les Amérindiens. A l’Assemblée plénière du IVe sommet de la Terre en 2002 à Johannesburg, Jacques Chirac s’est exclamé : « La maison brule et nous regardons ailleurs ». Les hommes ne regardent pas ailleurs, ils contemplent leur nombril. Churchill avait raison en disant que la démocratie est le pire des systèmes à défaut de tous les autres. Pour échapper à cette rétroaction positive et mortifère, il faut des hommes d’Etat exceptionnels comme l’ont été Louis XIV, Napoléon, Clémenceau, Churchill, De Gaulle et quelques autres qui étaient tout sauf « normal » ! Hélas, ces hommes sont rares.

06 juin 2012

Le machisme d’Etat

Le Conseil Constitutionnel est sensé être le siège de la sagesse éclairant le monde politique pour le guider dans son travail législatif et lui éviter de sortir des principes de la Constitution Française. Ils sont neufs sages qui regardent d’un œil scrupuleux les travaux de l’Assemblée pour donner ou refuser leur imprimatur. Le Code Pénal contenait un article punissant le harcèlement sexuel. La loi de 1992, modifiée en 2002, précisait que le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des « faveurs » (sic !) de nature sexuelle est puni d’un an de prison et de 15000 euros d’amende. Le Conseil Constitutionnel a abrogé cet article du Code pénal au prétexte qu’il a jugé la formulation trop floue, avec effet immédiat. Et l’effet a été immédiat. Toutes les plaintes en cours, tous les procès en cours concernant un harcèlement sexuel ou moral ont été annulés. La situation est donc qu’aujourd’hui il est devenu impossible de porter plainte pour ce motif. Les harceleurs peuvent donner libre cours à leurs vices… et les femmes n’ont plus que le droit de se morfondre et de supporter. On imagine sans peine la détresse de celles qui sont soumises à leurs bourreaux malveillants, qu’ils exercent leur sale boulot au sein du monde du travail ou du monde conjugal. Neufs hommes et deux femmes siègent au Conseil constitutionnel. On imagine facilement, du moins on l’espère, l’indignation de ces dernières lorsque les machistes cacochymes ont effacé d’un trait de plume le seul moyen donné aux femmes harcelées de se défendre tant bien que mal. Certes, l’Assemblée va voter un nouveau texte sur la violence faite aux femmes. Mais le temps passe et laisse les harceleurs dans l’impunité totale. Les allées et venues entre l’Assemblée et le Sénat vont laisser le temps pour que quelques femmes soient poussées à la démission, voire pire. Comment ces hommes d’un autre temps n’ont-ils pas imaginé de laisser la loi en cours se poursuivre et de demander aux politique d’en améliorer le texte avant toute abrogation, pour éviter ce vide juridique insupportable, même s’il est provisoire. Il est plus que temps que la constitution du Conseil constitutionnel soit revue en profondeur !