19 juin 2006

Presse en danger

France-Soir, Libération, l’Humanité, trois titres prestigieux et historiques qui se battent avec de très grandes difficultés financières et sont menacés de disparition. À quand le temps où d’autres journaux hebdomadaires seront menacés à leur tour ? À quand le temps où il n’y aura plus de presse quotidienne classique ? Cette situation coïncide avec l’apparition de la presse gratuite et des publications sur Internet. Le lecteur français se désintéresse de ce qui fait la différence entre la vraie presse et la presse fast-food (à consommer rapidement). Il y a pourtant la même différence entre un article de Libération et un résumé de journal gratuit qu’entre un sandwich MacDonald et un repas chez Lasserre. Consommer rapidement, sans effort de réflexion et de compréhension, voilà le lecteur du vingt-et-unième siècle. Le titre est suffisant, l’analyse est devenue superfétatoire. L’attrait pour le superficiel est une caractéristique de la civilisation d’aujourd’hui ? Le succès des émissions « trash » de la télévision en est une preuve. L’édition d’un nombre ahurissant de livres bibliographiques sans intérêt concernant tel acteur, tel homme politique, tel présentateur de télévision, relève du même goût du superficiel et du futile. Qui peut citer aujourd’hui le nom d’un philosophe contemporain ? Qui connaît (et a lu) les philosophes du milieu du siècle précédent ? La presse se meurt avec la culture.
Pour sauver le cinéma lors du développement de la télévision, il a été demandé à cette dernière de financer une part de la création cinématographique. Pourquoi ne pas exiger de la presse gratuite de participer au financement de la presse quotidienne de qualité ?

17 juin 2006

Il est mort le poète

Raymond Devos est mort. Toute sa vie, il a su mettre en pratique ce conseil de Cervantes :
« Garde dans ta main la main de l’enfant que tu as été ».

L’Europe est moribonde

Les chefs d’Etat européens ont pris une courageuse décision : ne rien faire pour relancer la dynamique d’intégration pendant au moins deux ans. L’Europe s’endort pendant que le monde se métamorphose de plus en plus vite et de plus en plus profondément. Les pays émergents se transforment en véritables puissances économiques, les problèmes planétaires se multiplient et s’aggravent (énergie, sécurité, environnement, matières premières), le terrorisme étale ses tentacules sur la planète, les pays européens dits développés (pour combien de temps encore ?) décrochent dans la plupart des domaines. Mais « Courage, fuyons, tel est le mot d’ordre européen ; circulez, il n’y a rien à voir ». Au nom de quoi, de quelles peurs, de quels petits calculs égoïstes et nationaux, cette décision a-t-elle été prise ? Cet énorme recul, dont le rejet du projet de Constitution européenne par la France est la cause principale, se concrétise par cette décision qui en est la logique conséquence. Le refus de la Constitution oblige à fonctionner avec les règles du catastrophique Traité de Nice dont il était aisé de prévoir les suites. Par exemple, l’unanimité requise dans les décisions conduit immanquablement à la paralysie lorsque cette unanimité est à trouver parmi 25 membres (bientôt 27) qui ne partagent pas la même vision de l’Europe et dont la plupart sont davantage préoccupés d’intérêts nationaux que du bien commun. Compte tenu de l’évidence de cette constatation, on peut dire que les champions du « non » devaient en être conscients ; ou alors leur inconscience relève d’une grave pathologie. Ils savaient donc où nous mènerait le refus français. Ils portent donc, et eux seuls, la responsabilité du blocage actuel. Essentiellement devant les générations futures. Mais je suppose que cette responsabilité ne les effraie pas : après moi le déluge ! Leurs petits calculs politiciens et leur ambition personnelle ne s’attardent pas à de tels détails. Au prétexte de vouloir une Europe sociale, ils préfèrent conserver une Europe qui n’est qu’un marché libéral, ce qui est le comble de la contradiction.
Le vingt-et-unième siècle s’engage sous le signe de la médiocrité. D’ailleurs, la France n’est plus un acteur majeur du cénacle européen. Les « nonistes » lui ont fait perdre son importance et l’ont reléguée au rang de puissance secondaire. Merci, messieurs !
Il faut souligner que les causes de cette situation sont nombreuses. La technocratie qui a présidé au destin de l’Europe porte une lourde part de responsabilité dans le doute et la désaffection des peuples qui ont été tenus à l’écart de la construction européenne. Comment demander l’adhésion de ceux que l’on ignore tout le temps ? Le déficit démocratique est si grand qu’il ne faut pas s’étonner que les peuples se sentent agressés par les décisions des responsables européens. Croit-on vraiment que ces mêmes peuples se sentent démocratiquement et efficacement représentés par le Parlement Européen ? Il n’est que de constater l’ampleur de l’abstention lors de son élection. De même, cette fuite en avant dans l’adhésion de nouveaux pays avant que ne soient fixées les règles de fonctionnement, avant que ne soit précisée la vision partagée de l’Europe de demain, sans que soient consultés les européens, tout ceci ne peut qu’aboutir à la méfiance, voire à la défiance de ceux-ci. Lorsque l’on donne la priorité à la dérégulation de la concurrence avant de construire un projet politique, faut-il s’étonner des mouvements d’humeur de ceux qui se sentent menacés ?

12 juin 2006

À la manière de …

Le scorpion et la grenouille

Un scorpion, habité de morbides pensées,
De fort mauvaise humeur
Et prêt à tout dépenser
Sortit de son repaire en quête du bonheur.
Allant de-ci de-là, sa promenade
Fut arrêtée par le cours d'un ruisseau.
Or, le cœur battant la chamade,
Il n'osait se jeter à l'eau.
La vie, se dit-il,
Est bien difficile.
Elle ne vaut point d'être vécue
Si, à chaque moment, on se trouve déçu.
Sur le point qu'il était de retourner bredouille
Ne voulant endurer les angoisses d'un bain,
C'est alors que, dans l'herbe, il vit une grenouille
Faisant des moucherons véritable festin.
Mon amie, lui dit-il, à travers cette eau vive,
Pourriez-vous me porter jusqu'à l'autre rive ?
Du tout, je ne saurais
Répondit la reinette.
Qui me garantirait
Qu'étant votre estafette
Après être monté sur mon échine
Vous n'y planteriez point votre mortelle épine ?
Me prenez-vous pour un fou ?
Bougonna le scorpion.
Si, de mon dard, je vous piquais
Sitôt vous couleriez
Et, sur votre dos accroché
Du même temps, je me noierais.
Convaincue par cet argument
La grenouille accepta d'accomplir le transport.
Mais au milieu du gué, bien évidemment,
Repris par ses idées de mort,
Le scorpion piqua la grenouille.
Sans avoir le temps de dire "ouille",
Par le fond, elle coula aussitôt
Entraînant le scorpion dans les flots.
À croire que chacun
Avec raison se comportera,
Les plus grands risques
On encourra.

06 juin 2006

Science fiction ?

En 2004, 15 pays étaient atteints par le virus de la grippe aviaire. Ils étaient 48 en 2006 et 72 en 2008. Mais, surtout, en 2006 il s’est produit un fait nouveau en Extrême-Orient : pour avoir veiller un membre de leur famille atteint par le virus, toute la famille est décédée, ce qui a été le premier signe d’une mutation du virus permettant la contamination d’homme à homme. Puis le phénomène s’est très vite accéléré et l’on compta rapidement des milliers de morts dans le Sud-Est asiatique. Ce fut le début de la pandémie. Parallèlement, la CIA fit une communication au Congrès des Etats-Unis pour signaler le risque avéré de voir le terrorisme international fabriquer des armes virales à partir du H5N2, mutant du H5N1. L’Université de Boston avait publié une étude prospective qui montrait que le risque de famine était avéré, mais personne ne voulut prendre cette étude au sérieux. Deux phénomènes se produirent alors simultanément : d’une part, la pandémie se développa de façon catastrophique dans les pays pauvres dénués de moyens de traitement préventif, d’autre part des attaques terroristes utilisant des armes à contamination virale se multiplièrent dans les pays occidentaux, premières cibles du terrorisme international. La peur accentua de façon considérable l’immigration sauvage des pays sous-développés vers les pays occidentaux, les immigrants croyant pouvoir accéder ainsi aux thérapeutiques antigrippales. Cette immigration, s’ajoutant aux effets de la pandémie et du terrorisme, créa une peur panique en occident, source de comportements irraisonnés conduisant d’abord chaque pays à la fermeture totale de ses frontières. Ceci eut pour conséquence une désorganisation complète de l’économie puis à la dislocation sociale. Les unités de production s’enfermèrent pour se protéger non seulement des actions terroristes de plus en plus nombreuses du fait de la désorganisation des moyens anti-terroristes, mais aussi de la contagion possible par des éléments extérieurs afin d’essayer de limiter le nombre de décès dans leur personnel. La production se mit à chuter drastiquement, la logistique de transport fit faillite et la faim fit son apparition dans les pays occidentaux qui se croyaient pour toujours à l’abri de ce fléau du Moyen Age. Les actions anti-OGM qui s’étaient généralisées depuis plusieurs années dans les pays développés avaient retardé dramatiquement la recherche génétique qui manqua ainsi de moyens pour mettre au point la fabrication d’un vaccin antiviral. Les décès dus au virus et la faim, les meurtres et les émeutes se multiplièrent. Le nombre de morts atteignit plusieurs centaines de millions sur la planète. Aucun pays ne fut épargné. Ce fut la fin de la prédominance de l’occident sur le monde.

03 juin 2006

Un projet pour rien

La dernière intervention de S.Royal sur la sécurité tranche singulièrement avec l’angélisme ou le calcul politicien des « éléphants » du PS. Il est pourtant singulièrement évident que les premières victimes des violences de banlieue sont les habitants de ces quartiers !Et il est tout aussi évident que la politique du logement « ghetto » menée depuis plusieurs décennies a concentré dans ces banlieues une population modeste, à l’écoute des propositions de gauche. Le discours de S.Royal est donc parfaitement ciblé sur un électorat qui se sent abandonné depuis plusieurs années par les socialistes. L’indignation (feinte) des autres candidats socialistes à la candidature n’est que la marque d’un dépit de n’avoir pas su accaparer cet argumentaire pour leur propre compte. À quel titre Monsieur L. Fabius se permet-il de dire que les socialistes ne partagent pas les valeurs de la candidate ? Ses propres valeurs sont-elles inattaquables ? S’offusquer de l’utilisation du mot militaire (car il ne s’agit que de cela) relève de cet angélisme d’apparence qui ne trompe plus personne. Bravo, Madame. C’est un joli coup politique… mais ce n’est qu’un coup politique. Nous vous attendons toujours sur un vrai discours de future présidente. Le projet socialiste ne peut, en aucun cas, être une réponse à cette attente. Ce projet n’est pas un projet présidentiel, mais un projet de gouvernement ce qui n’est absolument pas la même chose. Reprocher par avance à S.Royal de tenir un discours qui ne se retrouve pas dans le projet des socialistes montre que ceux-ci n’ont pas compris ce qu’est un projet présidentiel pour la France. Il est à parier sans risque que ce projet ne sera qu’une liste des courses, c’est-à-dire un catalogue de mesures qui relèvent de la responsabilité d’un gouvernement mais qui ne diront rien sur « l’idée de la France » que se font les candidats.