26 juillet 2013

Les drones

Depuis que les hommes sont sur Terre, ils se combattent comme le fait la plupart des animaux. Et, étant peu favorisé par la nature en ce qui concerne les moyens de défense naturels, l’homme s’est pourvu d’armes qui n’ont cessé d’évoluer dans le perpétuel combat entre la lance et le bouclier. Après le bouclier et l’armure, les hommes ont recherché les moyens d’atteindre leurs ennemis du plus loin possible, afin de se protéger de l’arme adverse. La distance entre les agresseurs n’a cessé d’augmenter, depuis le combat au corps à corps imposé par le pieu et l’épée en passant par la fronde, l’arc et sa flèche puis par le fusil et ses projectiles. Le propulseur a été inventé environ 20.000 ans avant notre ère et l’arc est apparu au cours de la préhistoire. Ce dernier s’est perfectionné tout au long du Moyen-Age sous trois formes principales: le longbow, l’arc bourguignon et le turquois. C’est l’arc longbow qui a fait la différence entre les Français et les Anglais à la bataille du 26 Août 1346 à Crécy-en-Ponthieu. Afin d’atteindre l’ennemi de plus en plus loin et de plus en plus rapidement, fut inventé le fusil à poudre noire au début du XIVe siècle et le mousquet au XVIe siècle. Le fusil s’est continuellement perfectionné pour devenir le Chassepot en 1866, puis à répétition et à pompe à la fin du XIXe siècle. La portée des fusils a augmenté de façon constante jusqu’aux fusils mitrailleurs et aux célèbres Kalachnikov d’aujourd’hui. Parallèlement à cette évolution de l’arme du fantassin, se sont développées de nouvelles armes dont le but était d’atteindre l’ennemi toujours plus loin. Ainsi furent créés le canon et le char d’assaut, dont le premier inventeur fut Léonard de Vinci. La Grosse Bertha, tristement célèbre, pouvait propulser un obus de 420 mm et de 800 kilos à 10 kilomètres. Mais c’est surtout l’aviation qui augmenta d’une manière spectaculaire la distance entre les combattants. Les fameux B52, toujours opérationnels, sont capables de voler à 15.000 mètres d’altitude en emportant 13 tonnes de bombes. Cependant, l’homme restait toujours « attaché » à son arme et le pilote à sa machine volante. Malgré des protections et des blindages de plus en plus performants, la course entre l’épée et le bouclier était provisoirement gagnée par l’épée. Même les avions ne sont pas à l’abri des missiles sol-air. Il ne restait donc qu’un moyen d’assurer la protection du servant de l’arme, c’était de les désolidariser en les éloignant le plus possible l’un de l’autre. Furent donc développées les armes téléguidées que sont les robots. Le plus spectaculaire de ces robots est le drone qui permet d’atteindre un objectif, le servant de l’arme se trouvant à des milliers de kilomètres de son arme. Il est toujours possible de détruire le drone, mais son servant reste inaccessible. L’arme absolue conventionnelle (c’est-à-dire non nucléaire … pour le moment !) était-elle enfin inventée ? Surement pas, l’imagination des hommes dans le domaine de la destruction étant sans limite. C’est pourquoi il est surprenant de voir se développer une réticence offusquée devant l’utilisation des drones armés au prétexte qu’il serait immoral de pouvoir détruire son ennemi sans risquer sa vie. Or, cet objectif a toujours existé, comme cherche à le démontrer le résumé de la course aux armements évoquée ci-dessus. La possibilité de bavures est avancée comme argument pour condamner ce type d’arme. Mais cette possibilité n’existe-t-elle pas avec l’utilisation des bombes et autres missiles ? Depuis des décennies, le pilote de l’avion de chasse ne voit plus son objectif qu’à travers un écran numérique et rien n’empêche ses bombes de provoquer des victimes innocentes. Les bombardements des villes durant la seconde guerre mondiale sont le témoignage irréfragable que ce que l’on appelle des bavures n’ont jamais arrêté l’homme dans ses œuvre de destruction. D’ailleurs, les bombardements et les morts du Havre (5.000 civils) ou de Berlin (125.000 civils) n’ont jamais été qualifiés de crime de guerre. Pourquoi cette soudaine et étrange « moralité » hypocrite au sujet des drones tueurs ? La bombe d’Hiroshima (environ 250.000 morts) n’est-elle pas la preuve que rien n’arrêtera jamais les hommes dans leurs œuvres de destruction ?

04 juillet 2013

Grandes oreilles indignes ?

Depuis qu’Edward Snowden a publié des documents explicitant les habitudes d’espionnage des USA à travers le monde, le microcosme politique européen s’indigne en découvrant ces pratiques. En tête des indignés, on trouve les Anglais, les Allemands et les Français. Cette indignation soigneusement simulée tend à faire oublier qu’il existe, depuis des décennies, un système anglo-saxon d’écoute du monde entier, connu de tous, qui s’appelle ECHELON. Initialement appelé UKUZA (United Kingdom - United States), ce système d’écoute a été mis en place dès la fin de la seconde guerre mondiale dans un traité secret passé entre les Anglais et les Américains. Il s’agit d’un réseau d’écoute et d’analyse des informations recueillies qui regroupe le Royaume-Uni, les Etats-Unis, l’Australie, le Canada et la Nouvelle Zélande et qui couvre ainsi la totalité du monde. Ce système surveille trois milliards de communications quotidiennes, comprenant les appels téléphoniques, les courriels, les fax, les transmissions par satellite et hertziennes, les téléchargements sur Internet. Ce réseau est dirigé par la « National Security Agency » (NSA). Déjà, en l’an 2000, le Parlement Européen s’est préoccupé de l’existence de ce réseau de surveillance et a publié un rapport sur le sujet en 2001. Il est donc difficile de prendre au sérieux l’indignation actuelle devant les « révélations » d’Edward Snowden. La seule certitude que nous pouvons avoir est que le système ECHELON s’est renforcé au cours de ces années et que les câbles transcontinentaux en fibres optiques sont aussi surveillés que tous les autres moyens de communication. Le soi-disant « Cloud » qui n’est autre qu’un ensemble de serveurs installés aux USA est, bien entendu, lui-aussi espionné par la NSA. Les grands opérateurs d’Internet, Google, Yahoo, Facebook, Microsoft, Apple, Amazon, sont tous américains. Il est évident qu’ils sont ouverts à toute demande provenant de la NSA et que les données dont ils disposent sont à la disposition de cette dernière. Dire le contraire ne serait cru par personne. Il est tout aussi naïf de croire qu’un tel système d’écoute ne serve exclusivement qu’à la lutte anti-terroriste et que la tentation de l’utiliser pour l’espionnage commercial et industriel n’existe pas. Depuis 2007, ce système est remplacé par le système PRISM qui n’est que la continuation d’ECHELON. Ce système est un mécanisme permanent de duplication totale des données mondiales circulant sur le Net. Tout courrier électronique et tout fichier en provenance de l’Europe est analysé par un système britannique appelé « TEMPORA », servi par 6000 employés et installé à Cheltenham en Angleterre. Cette surveillance touche, évidemment, les entreprises et les administrations. Les Anglais sont partie prenante de ces systèmes d’écoute depuis le début et leur étonnement indigné d’aujourd’hui n’est qu’une mise en scène. Quant aux Français, leur indignation est tout aussi factice, puisqu’ils ont mis en œuvre un système analogue sous le nom de FRENCHELON. La station d’écoute la plus importante est située à Domme, près de Sarlat en Dordogne. Les autres stations connues sont Alluets-Feucherolles, Mutzig, Le Mont Valérien, le Plateau d’Albion, Agde, Solenzara en Corse, Nice. Il serait étonnant qu’il n’existe pas d’autres stations d’écoute dans les Territoires d’Outre-Mer ! Le vrai problème est que les Européens se retrouvent en position de faiblesse avant les négociations commerciales de libre échange avec les Etats-Unis. Comment négocier quoi que se soit lorsque l’on est certain que la stratégie de négociation est déjà connue de l’interlocuteur ? Le véritable mérite des divulgations d’Edward Snowden est de mettre à jour l’hypocrisie politique de ceux qui gouvernent le monde. Jouer les indignés découvrant l’importance de cette surveillance mondiale est prendre le citoyen pour un demeuré !