27 février 2006

Flexibilité et précarité

Appauvri, le discours politique et syndical est focalisé aujourd’hui sur la notion de précarité. Interrogeons-nous sur cette notion. A-t-elle le même sens pour tout le monde ? La précarité décrite par les syndicalistes et redoutée par les salariés est-elle la même que celle du Medef ou de l’entrepreneur ?
Si le problème est complexe, il est nécessaire de l’aborder avec des idées simples (avant de dire que ceci est simpliste, sachez que cette phrase est de Charles de Gaulle).
• Le point de vue de l’entreprise se résume à la recherche des moyens de sa survie sous la pression de son marché et de ses actionnaires. Pour perdurer, elle doit trouver, en permanence, la meilleure façon de faire face à la concurrence sans merci des pays émergents. La meilleure réponse qu’elle ait trouvée s’appelle la flexibilité, c’est-à-dire une organisation qui lui permette de s’adapter le plus rapidement possible aux variations et aux difficultés de son marché. Il y a quelques années, le mot à la mode était l’adaptabilité. L’entreprise doit pouvoir dimensionner ses ressources à tout moment pour trouver la meilleure adéquation entre son organisation et les débouchés accessibles à son activité. Cette adaptation s’applique à toutes ses ressources, y compris à ses ressources humaines. Les moyens sont, principalement, au nombre de deux :
- faire varier le volume de cette ressource en débauchant et/ou en embauchant aussi rapidement que possible (il est impossible de rationaliser l’efficacité d’une unité de production sans qu’il y ait des répercussions sur les hommes),
- et utiliser des ressources moins coûteuses c’est-à-dire principalement en délocalisant.
Ces deux réponses ne sont pas, évidemment, déconnectées l’une de l’autre, la délocalisation entraînant souvent le licenciement dans le pays d’origine. La rapidité de l’adaptation est une condition de survie, faute de quoi l’entreprise disparaît à plus ou moins brève échéance, ce qui crée automatiquement un chômage plus grave encore, ainsi qu’une fragilité plus grande de la communauté nationale.
• Pour les syndicats et les salariés, la flexibilité ainsi pratiquée met en danger de chômage l’ensemble des salariés, c’est-à-dire porte une atteinte inacceptable à la sécurité de l’emploi. La flexibilité est ainsi la cause essentielle de la précarité de l’emploi. Si l’entreprise recherche une flexibilité maximale, les syndicats recherchent une sécurité de l’emploi maximale. Les syndicats se sont forgé une idée de la vie salariale basée sur le type de population dont ils sont natifs, c’est-à-dire les fonctionnaires pour lesquels la sécurité de l’emploi est garantie. Ils oublient simplement de prendre en compte que les fonctionnaires n’opèrent pas dans le domaine concurrentiel. Dans les fonctions de l’Etat, il n’y a pas de nouveaux entrants plus compétitifs (hélas !).
• Pour le salarié, ce qui compte, en fait, ce n’est pas la sécurité de SON emploi, mais la pérennité D’UN emploi. Dans le domaine concurrentiel, le temps est révolu où le salarié pouvait, avec raison, penser qu’il pourrait passer toute sa vie dans la même entreprise. Un salarié doit pouvoir, lui aussi, jouer le jeu de la flexibilité personnelle, et être capable de s’adapter à un changement d’entreprise et/ou de métier. C’est cette faculté d’adaptation que l’on nomme l’employabilité. Le salarié ne doit pas se tromper de combat et c’est sur ce terrain que, s’il est avisé, il doit se battre : son employeur du moment ne pouvant pas lui garantir un emploi à vie, il doit lui garantir son employabilité, c’est-à-dire sa capacité à évoluer et à changer de métier.
La véritable question est de savoir si la flexibilité est évitable. Nous vivons dans un monde dont les ressources sont limitées (en dehors des énergies dites renouvelables, qui sont encore aujourd’hui plus un rêve qu’une réalité). La raréfaction de ces ressources est concomitante avec un accroissement de la population mondiale, essentiellement dans les pays les plus pauvres. La crise est donc incontournable. La première crise est arrivée avec la disparition de l’exploitation du charbon, la seconde avec le renchérissement du pétrole. La troisième, qui se profile dès aujourd’hui, sera due au partage de l’eau. Un milliard d’hommes (soit 1/6 de la population mondiale) n’a pas accès à l’eau potable, 2,4 milliards d’hommes sont privés des services d’assainissement de base (87% des Africains et 82 % des asiatiques n’ont pas de système d’évacuation des eaux usées), en Afrique et en Asie les femmes parcourent 6 km en moyenne pour s’approvisionner en eau, 15.000 personnes (dont 6.000 enfants) meurent chaque jour de maladies liées au manque d’eau potable.
Dans cette succession de crises, les pays pauvres essaient de trouver leur place et leur juste part. Il est donc inévitable que la place de plus en plus importante que prennent ces pays en voie de développement (qui sont aussi les pays les plus peuplés) paupérise d’une façon ou d’une autre les pays qui ont déjà consommé, et qui consomment encore, une grande part de ces ressources limitées. L’effet le plus immédiatement visible est la disparition, dans les pays développés, des rentes de situation, contestées de plus en plus vigoureusement par les pays en voie de développement rapide. Et la première rente de situation est la pérennité de l’emploi des salariés des pays développés. Il est grand temps de se rendre compte que, les Etats-Unis mis à part qui vivent à crédit sur le dos de la planète, les pays en voie de développement sont en voie d’enrichissement et que les pays développés sont en voie de paupérisation !

Ainsi, l’entreprise qui demande que l’Etat lui octroie les moyens et les droits d’accroître sa flexibilité doit s’engager en contrepartie à garantir l’employabilité de ses salariés, c’est-à-dire leur capacité à accompagner l’entreprise dans son évolution voulue ou contrainte vers des marchés où ne sont pas encore entrés les pays émergents (toutes les industries de main d’œuvre sont destinées à moyen terme à être investies par ces pays émergents). Les allègements fiscaux accordés ne doivent pas servir uniquement à diminuer les coûts du travail, mais doivent être utilisés pour mettre en place les moyens d’une formation efficace tout au long de la vie pour l’ensemble de ses salariés. Il doit revenir à l’Etat de vérifier la possibilité, la réalité et l’efficacité de cette formation.

24 février 2006

Medias et psychose

Depuis deux semaines, les medias inondent le pays de soi-disant informations sur la grippe aviaire en France. On a retrouvé deux canards et quelques cygnes morts, atteints par le virus. Il n’est pas un journal radio ou télévisé qui ne parle de ces deux canards. La France entière ne pense plus qu’à la grippe aviaire et la vente des volailles s’effondre car psychose et bon sens sont totalement contradictoires. Pourtant, il doit bien y avoir plusieurs centaines de volatiles migratrices qui meurent chaque année sur notre territoire pour des raisons diverses : accidents, maladies diverses, épuisement, faim, vieillesse, etc … Mais voilà : ces deux canards sont devenus un prétexte idéal pour diffuser du sensationnel et courir après l’audimat ! Et tant pis si la population s’inquiète au-delà du raisonnable ! Ces deux palmipèdes ont provoqué plus de commentaires médiatiques que les milliers de victimes des moustiques à la Réunion. Il faut dire que les virus donnent la part belle aux médias : sida, sras, chikungunya, grippe aviaire ! Voilà de quoi alimenter la frénésie journalistique de sensationnel.
De même, pour horrible que soit le crime, pour justifiée que soit l’indignation, pour nécessaire que soit la justice rendue, le tumulte politico-médiatique autour de l’assassinat de Ilan Halimi contraste étrangement avec la relative indifférence qui a entourée le cas de cette petite « beurette » brulée vive dans une cave de banlieu. Il est vrai que l’on s’approche à grands pas de l’élection présidentielle.

22 février 2006

Le mammouth et le mandarinat

Quel que soit le type de réforme envisagée pour l’Education Nationale, les syndicats s’opposent en lançant le seul mot d’ordre qu’ils connaissent : augmenter les moyens. Le dernier exemple en est la réforme des zones d’éducation prioritaires. La liste de ces établissements date, en moyenne, de 25 ans (elle fut initiée par A. Savary). Ces établissements sont dotés de moyens supplémentaires parce qu’ils sont placés en zone socialement difficile avec des élèves en difficulté scolaire. Le gouvernement se propose de « revisiter » la liste de ces établissements, conscient du fait que les conditions sociales et économiques ont changé sur le territoire depuis 25 ans (point sur lequel de nombreux rapports insistent, y compris celui de la Cour des Comptes). La seule proposition avancée par les syndicats qui s’opposent à cette réforme est de maintenir en l’état la liste des zones d’éducation prioritaire… en augmentant les moyens ! Tout va bien à l’Education Nationale si rien ne change !! L’échec pédagogique relatif de ces zones particulières incite pourtant à se pencher sur ce problème. Il faut croire que les syndicats craignent par-dessus tout une mise en question de la compétence des enseignants. Cela rappelle l’attitude du Syndicat de la Magistrature qui ne supporte pas que l’on mette en cause la compétence d’un juge d’instruction dans l’affaire d’Outreau. Curieuse coïncidence !.
Personne ne remet en cause, pourtant, les difficultés que les enseignants rencontrent dans ces environnements particulièrement difficiles. Mais pourquoi ne se pose-t-on pas la question de savoir pourquoi les professeurs que l’on envoie dans ces établissements sont, pratiquement toujours, les plus jeunes et les moins expérimentés ? La réponse est simple : parce que les enseignants les plus anciens refusent d’aller dans ces établissements et ont mis au point un système qui leur permet d’échapper à ces affectations. Plus un enseignant possède de points de carrière, plus il est prioritaire dans le choix de son affectation et moins il est volontaire pour les lycées ou collèges difficiles. À ce jeu du mandarinat, les jeunes enseignants sont toujours perdants … et les élèves les moins bien encadrés sont ceux qui ont besoin du meilleur soutien. Encore une fois, la démonstration est faite qu’un système qui fonctionne « à l’ancienneté » est un mauvais système. Il y a longtemps que le secteur privé l’a compris. Mais remplacer critère d’ancienneté par celui du mérite et de la compétence efficace est quelque chose qui rebute profondément les syndicats. Ce refus est une des principales causes de l’inefficacité des organismes publics.

18 février 2006

Magistrature et démocratie

Les magistrats, par l’intermédiaire de leur syndicat ou de leurs représentants, s’insurgent de l’action de la commission d’enquête parlementaire concernant l’affaire d’Outreau. Leur grief principal avoué est que le fait que cette commission convoque et interroge un juge porte atteinte à l’indépendance de la justice ! Ces messieurs de la magistrature oublieraient-ils que nous vivons en démocratie et que les parlementaires représentent le peuple et non l’exécutif ? Oublieraient-ils qu’un des fondements du fonctionnement correct d’une démocratie est qu’à tout pouvoir, il est possible d’opposer un contre-pouvoir ? Or, justement à cause de l’indépendance de la justice et de l’exécutif, le seul contre-pouvoir est l’exercice d’un contrôle par le peuple, c’est-à-dire par ses représentants que sont les parlementaires. Le caractère corporatiste de l’indignation des magistrats ne peut surprendre personne mais ne grandit pas l’image de la Justice, déjà entamée à la suite de cette malencontreuse affaire d’Outreau où, il faut insister là-dessus, les responsabilités ne sont pas celles du seul juge d’instruction mais de tous les juges ayant eu à connaître du dossier, des policiers ayant mené l’enquête, des services sociaux aveugles, de tous les acteurs impliqués.
La justice n’est pas à l’abri d’une erreur (Outreau en est la preuve) et il est permis de rechercher les moyens d’en réduire les risques. Les parlementaires faisant les lois, il est naturel de leur demander de s’en charger. Un peu de modestie, messieurs les Juges !

16 février 2006

Les possibilités d’une île

C’était une petite île à quelques encablures de la côte. Un petit bac permettait d’y accéder en fonction des marées. Sur l’île, quelques petits villages faisaient vivre des familles de pêcheurs et d’agriculteurs. Sur la terre de l’île, poussaient de petites pommes de terre qui devaient bientôt atteindre une renommée nationale. Puis des vignes virent le jour et produisirent un petit vin blanc, un peu rêche mais capable d’accompagner à peu près dignement une douzaine d’huîtres ou une mouclade. Tout ce petit monde vivait, non dans l’aisance, mais dans une certaine douceur de vivre. Les maisons sont basses, aux murs de pierres sèches ou revêtues d’un enduit blanchi à la chaux. Les grandes plages sont régulièrement lavées par les vagues de l’océan et le vent vigoureux du grand large. Répartis sur toute l’île, les marais servent de zone de repos pour les oiseaux marins migrateurs et font vivre quelques sauniers. Le ciel retentit du cri des mouettes, du bavardage des bernaches et du cancan des tadornes.
Et puis un jour, on a construit un pont, ce qui signa la mort du petit bac et, surtout, l’invasion de l’île par une foule touristique toujours plus dense. Cet afflux s’est accompagné d’une frénésie d’achat. Les prix ont grimpé spectaculairement et les petits pêcheurs, devant des offres mirobolantes, ont vendu leurs maisons traditionnelles. Celles-ci devenant rapidement rares, on a vu l’île se couvrir rapidement de lotissements et de maisons neuves. On a construit des HLM pour les pêcheurs sans maison, beaucoup ont quitté l’île. Quand vient l’hiver, presque toutes les maisons sont fermées, leurs nouveaux propriétaires ne venant dans l’île que pendant l’été. Les villages donnent aujourd’hui le triste spectacle des maisons aux volets clos et des rues silencieuses. Quelques paysans continuent à planter, vaille que vaille, leurs pommes de terre et leur vigne. Mais ils se trouvent confrontés à un nouveau problème. En effet, la spéculation est devenue frénétique. Aujourd’hui 600 mètres carrés de terrain classé « à bâtir » est vendu 500.000 €, soit environ
850 € le m2. En comparaison, le terrain à bâtir dans la région de Laon se vend entre 5 et 8 €/m2 , soit près de cent fois moins ! Une maison à simple Rez-de-chaussée avec 3 chambres et un bout de jardin se vent plus de 1 million d’euros.
Si, comme dans la région Laonnoise, le terrain agricole vaut 20 fois moins que le terrain à bâtir, voilà que les agriculteurs se trouvent en possession d’une terre qui vaut aujourd’hui autour de 40 €/m2. Ainsi, le paysan qui cultive 2 hectares de pommes de terre se trouve propriétaire d’un capital de 800.000 € !! Bien entendu, il se trouve soumis à l’impôt sur la fortune, alors que son compte d’exploitation est, le plus souvent, déficitaire. Qui a décidé que sa terre valait
40 €/m2 ? Sur quelle décision rationnelle repose cette valeur ? La rareté, dira-t-on, est l’explication : ce qui est rare est cher. Mais le paysan n’a rien à faire de la rareté des terrains à bâtir. Pourquoi devrait-il être victime de la frénésie des capitalistes ? Il regarde son champ tous les matins et la terre qu’il voit est la même, qu’on lui dise qu’elle vaut 5 ou 850 €/m2 ! Il a toujours autant de mal à faire pousser ses patates. Il lui faut toujours le même effort pour labourer et ensemencer son champ, pour récolter et vendre. Il a toujours les mêmes difficultés à boucler son budget.
En conclusion, je veux dire que je trouve parfaitement injuste que l’agriculteur soit pénalisé par un jeu spéculatif dans lequel il n’est pas partie prenante, mais que je trouve parfaitement justifié que ceux qui sont capables de vendre et d’acheter à de tels prix soient imposés au maximum ! L’impôt ainsi récolté devrait servir à aider les agriculteurs de l’île en difficulté.
Où se trouve cette île ? En face de La Rochelle, c’est l’Ile de Ré.

07 février 2006

Le CPE, une nécessité ?

Le monde syndical professionnel et étudiant se mobilise contre le projet de contrat d’embauche dit CPE destiné à la première embauche d’un candidat à un poste salarié.
Quel est l’objectif principal de ce type de contrat ? Il est facile de faire le constat que le frein principal à l’embauche, que ce soit pour une première embauche ou non, est la situation économique qui n’est pas satisfaisante. Le moyen terme est devenu, pour l’entreprise, complètement imprévisible. Dans une telle situation, et sous la pression déraisonnable des actionnaires, les entreprises ont les plus grandes réticences à embaucher compte tenu des coûts induits par les licenciements. Ce frein à l’embauche joue, bien évidemment, pour les jeunes comme pour les moins jeunes, pour les premières embauches comme pour les autres. Mais le chômage des jeunes est plus insupportable et plus scandaleux que le chômage des plus anciens… du moins c’est ce qui est ressenti par l’opinion. Pour faire sauter, dans une certaine mesure, la réticence à l’embauche des entreprises, il faut s’attaquer à sa cause principale, c’est-à-dire aux difficultés et aux coûts des licenciements. En quelque sorte, il s’agit de « troquer » avec les entreprises, une embauche plus importante des jeunes contre une facilité de licenciement en cas de difficultés économiques. Cette façon de voir le CPE entraîne un certain nombre de remarques :
- la facilité de licenciement n’est admise que dans le cadre de difficultés économiques, c’est-à-dire que le licenciement immédiat est un licenciement économique,
- on ne parle donc plus d’un licenciement sans motif,
- tout licenciement pour non-adéquation du salarié à l’essai ne peut se faire que dans le cadre du code du travail, c’est-à-dire pendant une période limitée (1 à 3 mois renouvelables une fois),
- au-delà de la période d’essai traditionnelle, le licenciement ne peut avoir lieu que pour raison économique,
- la facilité accordée aux entreprises tient dans le fait que ce type de licenciement économique se fait sans délai et avec des coûts limités.
On voit donc que la seule différence essentielle avec un CDI ordinaire (qui contient une période d’essai et ne contient pas de garantie d’emploi) est la limitation des coûts de licenciement. C’est la contrepartie donnée aux entreprises contre une augmentation de l’embauche des jeunes. La seule précarité tient dans l’incertitude de la pérennité de l’emploi, ce qui est valable pour tout le monde, CPE, CNE, CCD ou CDI !
Il n’en reste pas moins que le critère principal reste, et restera, la croissance économique et que, si celle-ci est faible ou médiocre, l’embauche des jeunes restera limitée, avec ou sans CPE ! Une fois de plus tout le monde, dans cette affaire, utilise la langue de bois.
Dernières nouvelles :
Je viens d’entendre le secrétaire général de la CGT dire, à propos du CPE, que l’amélioration de l’emploi passe par la croissance économique (ce qui est vrai) et que ce n’est pas en répartissant le travail existant que l’on améliore la situation … c’est-à-dire eactement le contraire de ce qu’il disait au moment de l’instauration des 35 h. où ce même syndicat expliquait avec véhémence que cette mesure allait obliger les entreprises à embaucher !!

05 février 2006

Caricature et violence

Caricaturer Mahomet engendre des protestations violentes dans le monde musulman qui s’estime offensé dans ce qu’il a de plus sacré. C’est, en tout cas, la partie visible de l’iceberg. Il est, cependant, permis de poser quelques questions. La première qui vient à l’esprit est la suivante : pourquoi a-t-il fallu attendre autant de temps après la parution des caricatures pour voir les musulmans protester aussi violemment ? Quelle instrumentalisation se cache derrière ces manifestations ? Peut-on imaginer que l’intégrisme chiite et iranien ait choisi de soulever les foules au moment où l’Etat iranien et son président sulfureux et dangereux se trouvent soumis à la pression internationale du fait de leurs activités nucléaires ? L’ampleur des manifestations iraniennes permet de le penser.
Au-delà de ce questionnement, reste la question de fond. A-t-on le droit de tout caricaturer ? Si oui, doit-on exercer ce droit quelles que soient les circonstances ? La question est simple, mais la réponse n’est pas aisée. Rappelons-nous tout d’abord les protestations qu’a soulevé l’affiche du Christ cloué sur une croix gammée, affiche d’ailleurs interdite sous la pression du milieu catholique français (ce qui s’est fait sans violence, à la différence des protestations musulmanes). Cette affiche a été considérée comme attentatoire à un sentiment sacré et donc condamnable. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour une caricature de Mahomet ? Ce qui est admissible pour Dieu ne le serait-il pas pour le Prophète ?
La liberté d’expression est un fondement de la démocratie et ne saurait se négocier. Il y a, cependant, une différence entre la possession d’un droit et l’exercice de ce droit en toutes circonstances. J’ai le droit de fumer, mais je ne l’exerce pas pour de pas nuire à ma santé. C’est-à-dire qu’avant d’exercer mon droit, j’ai aussi celui de réfléchir aux conséquences. Une minute de réflexion permettait de prévoir, compte tenu du contexte actuel où les tensions entre l’Occident et le monde musulman sont fortes, que les caricatures soulèveraient nécessairement des protestations. Devait-on prendre ce risque ? Renoncer à publier ces caricatures portait-il préjudice à la liberté d’expression ? Le droit de choisir en toute liberté n’est-il pas aussi fort que le droit de s’exprimer ? Ce droit permet-il de tout dire ? Peut-on tout dire sans réfléchir aux conséquences du discours ? Les discours d’Hitler sont-ils acceptables au nom de la liberté d’expression ? Ne dit-on pas que la liberté individuelle s’arrête là où commence la liberté d’autrui ? Ma liberté individuelle ne permet pas n’importe quoi.
En conclusion, la publication de ces caricatures n’est pas un crime mais une faute. Les violences qui en résultent sont condamnables et instrumentalisées donc suspectes.

02 février 2006

Le Syndicat de la Magistrature

Les travaux de la commission parlementaire du procès d’Outreau est l’objet d’une transmission en direct à la télévision. J’ai donc suivi les séances d’interrogation des acquittés par les membres de la commission parlementaire. Il n’y a pas un seul récit qui ne soit bouleversant et qui ne fasse naître un sentiment d’indignation devant les agissements de TOUS les acteurs de ce drame : les services sociaux, les juges pour enfants, la police, les experts, le juge d’instruction, le juge des libertés, les avocats commis d’office, les greffiers, les journalistes, l’horrible foule. Au milieu de tous ces écarts à la dignité et au professionnalisme, il ressort que le juge d’instruction porte une responsabilité majeure sinon unique. C’est bien ce que ressentent, dans l’état actuel de l’enquête parlementaire, l’ensemble des membres de la commission. Comment s’en étonner ? Un juge d’instruction qui se laisse circonvenir à plaisir par une accusatrice manifestement mythomane, jalouse et rancunière, et de surcroît, pédophile reconnue et violeuse de ses propres enfants ; un juge qui mène son instruction uniquement à charge en écartant tout ce qui serait susceptible de disculper l’accusé, et ceci en contradiction flagrante avec ce que doit être le rôle d’un juge d’instruction ; un juge qui fait établir des comptes-rendus des comparutions qui ne sont pas conformes à la stricte vérité ? Mais aussi, combien est compréhensible l’indignation des membres de la commission lorsqu’ils apprennent que les services sociaux refusent de rendre leurs enfants aux parents acquittés au prétexte qu’ils considèrent que ces enfants sont encore considérés comme des victimes !! On croit rêver ! Les enfants ont été séparés de leurs parents en cinq minutes et il faut plus d’un an pour les remettre à leur famille ! Vive le fonctionnariat !
Devant l’émotion manifestée par les parlementaires de la commission, qui se devine à la nature des questions posées, ne voit-on pas le Syndicat de la Magistrature monter au créneau pour défendre par avance le juge d’instruction et le juge des libertés, c’est-à-dire les magistrats, en avançant l’argument que la commission ne fonctionne pas correctement, que ses membres ne remplissent pas correctement leur mission! … et que les premiers responsables de ce drame sont les parlementaires eux-mêmes !! Il n’est certes pas étonnant de voir un syndicat donner la priorité à la polémique et au corporatisme au détriment de l’équité et de l’honnêteté !
Et savez-vous quel est la chose la plus terrible dans cette affaire ? C’est que, compte tenu du nombre invraisemblable de dysfonctionnements, rien n’assure que la vraie justice ait été rendue…