31 décembre 2007

La mondialisation vue par les asiatiques

Tout le monde connaît le fabricant sud-coréen Hunday. Ce fabricant a décidé de pénétrer le marché européen en proposant des véhicules à bas prix tout en respectant des critères de qualité suffisants. Lorsque l’on cherche à fabriquer à coûts réduits dans cette industrie, deux voies sont possibles : automatiser la production et trouver une main d’œuvre bon marché. Or, s’il est toujours possible d’automatiser la fabrication (et la conception), le coût de la main d’œuvre est une contrainte endogène. Hunday a donc décidé d’ouvrir une usine dans un pays à coût de main d’œuvre extrêmement concurrentiel et relativement proche du marché convoité, c’est-à-dire en Turquie. Dans ce pays, la main d’œuvre non spécialisée est abondante et peu chère. Mais il y a un autre avantage à choisir la Turquie : compte tenu de la politique des petits pas de l’Europe envers ce pays, il n’y a actuellement pas de taxe à l’importation entre l’Europe et la Turquie. Ce fait réduit donc le coût des produits importés en Europe en provenance de la Turquie. La construction automobile est une industrie à haute technicité qui demande généralement une main d’œuvre spécialisée et formée. Hunday a donc résolu cette contradiction apparente en conservant et en automatisant la plus grande partie de la fabrication des pièces détachées (70%) en Corée du Sud et en ouvrant une usine de montage en Turquie où se réalise la fabrication des pièces les plus simples (30%) et l’assemblage final des pièces détachées. À partir de la Turquie, Hunday est ainsi en mesure de proposer en Europe des automobiles extrêmement compétitives. Cette organisation résulte d’une analyse sans complexe et opportuniste du marché mondial et de la maîtrise du choc culturel que les méthodes de management coréennes ont provoqué dans l’usine Turque.
Mais l’analyse de Hunday ne s’est pas arrêtée là. En effet, l’Ukraine est un grand pays, voisin de la Turquie, mais qui ne fait pas partie de l’ensemble européen et qui impose donc des taxes à l’importation des produits finis. Pour contourner cette difficulté, les véhicules assemblés en Turquie et destinés à l’Ukraine, sont alors démontés (!) en partie (le bloc-moteur, le volant, les pneus, …) après essais du véhicule complet et expédiés comme pièces détachées en Ukraine, évitant ainsi les taxes à l’importation, et où les voitures sont rapidement remontées pour être vendues sur le marché local.
Ce que fait la Corée, d’autres pays en voie de développement le font également. Ces pays regardent le monde comme un marché unique que l’innovation en matière d’organisation leur permet de conquérir. Les Sud-Coréens ne craignent pas les délocalisations lorsqu’elles leur ouvrent de nouveaux marchés.

28 décembre 2007

Le miroir aux alouettes

Le pouvoir d’achat est devenu l’étendard de la politique gouvernementale et de la revendication de l’opposition. Il a été une promesse récurrente du candidat à la présidence de la République, il est la hantise du gouvernement. Il y a deux manières d’augmenter le pouvoir d’achat : l’augmentation des salaires ou l’utilisation de l’épargne. Le pays est en état de faillite, la dette est colossale, la balance commerciale est déficitaire, le pays paye chaque année 50 milliards d’intérêts de la dette. Il n’y a donc pas moyen d’augmenter les salaires sans risquer de mettre en danger les entreprises et donc de voir le chômage reprendre à la hausse. Il ne reste apparemment que l’utilisation de l’épargne. Préoccupé du court terme, c’est le choix qu’a fait le gouvernement. Utiliser l’intéressement prématurément revient à dépenser une épargne. Payer des jours de RTT revient à « liquidifier » une épargne-temps qui a sa valeur monétaire. Réduire à un mois au lieu de deux la caution des locataires revient à réduire l’épargne potentielle des propriétaires. Or, l’épargne c’est l’investissement à moyen terme et l’investissement est le seul chemin pour moderniser l’offre industrielle et de services pour équilibrer enfin la balance commerciale. C’est aussi la seule voie pérenne pour que les entreprises se trouvent dans un cycle de croissance, donc d’augmentation de la production et, finalement, utilisent la possibilité proposée par le gouvernement d’augmenter le nombre d’heures supplémentaires. Il est absolument nécessaire que la France travaille plus (elle est le pays occidental où le nombre d’heures travaillées est parmi les plus faibles). Mais, pour cela, il faut qu’il y ait matière à travailler. Ouvrir les magasins le Dimanche, par exemple, permet de créer un chiffre d’affaires supplémentaire du fait des achats des touristes qui dépensent leurs devises sur le sol français. Favoriser les heures supplémentaires ou inciter au rachat des RTT sont des mesures qui, contrairement aux 35 heures, ne comportent pas en elles-mêmes le risque d’une diminution globale de la quantité de travail. Il faut impérativement que la France gagne des parts de marché dans le monde pour équilibrer enfin la balance commerciale et pour que le pays s’enrichisse réellement, ce qui permettrait d’augmenter les salaires, seule voie pérenne pour améliorer durablement le pouvoir d’achat. Il est donc nécessaire que l’offre soit renouvellée, donc que l’investissement soit relancé vigoureusement. C’est pourquoi les mesures du gouvernement, qui poussent à l’utilisation à court terme de l’épargne, est une mauvaise solution. Dans le meilleur des cas, ces mesures auront un impact limité dans le temps et dans leur ampleur. Si l’on assiste à une amélioration du pouvoir d’achat, celle-ci sera de courte durée et au détriment de mesures favorisant l’investissement. Le moyen terme est sacrifié au profit du court terme. Les constantes préoccupations électorales sont le talon d’Achille des démocraties. La situation ne peut que s’aggraver. Nous n’échapperons pas à une politique de rigueur, limitant les dépenses et les salaires, entraînant une augmentation temporaire du chômage. J’en prends le pari à l’aube d’une année que je crains difficile.

16 décembre 2007

Le sabre et le goupillon

La morale est-elle soluble dans la politique, ou, autrement dit, la politique peut-elle être morale ? Voilà une question, vieille comme les démocraties, qui se repose avec plus d’acuité depuis le voyage en Chine de N. Sarkozy et la venue en France de Kadhafi (le guide, der Führer en allemand). La Chine détient le record du monde des mises à mort de ses citoyens et le clown libyen a porté la prise d’otages et le terrorisme au rang de méthode de gouvernement. Le président Français est reçu en grandes pompes à Pékin et Kadhafi est invité à passer ses royales vacances en France, tout cela au nom de l’efficacité économique. Doit-on condamner une telle attitude ou se souvenir de ce que dit Créon à Antigone, expliquant que tout le monde ne peut pas dire non et qu’il faut bien que certains acceptent de dire oui si l’on veut que la cité perdure. Dire non est tellement plus facile que de dire oui ! Refuser permet de se préserver de tout doute, de toute mauvaise conscience, de toute responsabilité. Il n’y a qu’un pas entre ce refus et l’aboulie totale. Accepter en sachant que la morale est blessée, en faisant naître un doute qui envahira la conscience, en acceptant d’être l’objet de critiques virulentes et justifiées est plus difficile. Faut-il refuser l’euthanasie quelles que soient les souffrances ? Faut-il refuser la guerre quels que soient les dangers ? Faut-il refuser la prison quelle que soit la faute ? A la Libération, De Gaulle disait : « la France n’a pas besoin de vérité, elle a besoin d’unité nationale ». Il faut des Créon si l’on veut qu’existent des Antigone. La démocratie consiste à permettre à la voix d’Antigone d’être audible, tout en acceptant que Créon se compromette pour qu’Antigone puisse exprimer son désaccord.

13 décembre 2007

Le corporatisme est partout

Le corporatisme est partout

Le ministère de la Justice envisage de simplifier la procédure des divorces par consentement mutuel en remplaçant le passage devant le juge par un simple contrat signé devant notaire. Plus rapide, beaucoup moins cher. Que croyez-vous qu’il arrive ? Le fait de ne plus passer devant le juge supprime la nécessité d’avoir un avocat, parfois deux, pour obtenir un divorce. Et donc, les avocats se précipitent pour décrier ce projet, parfois dans des termes dont la grossièreté rappelle celle de potaches mal élevés. Le nouveau bâtonnier des avocats de Paris justifie cette « bronca » en plaidant (c’est bien le mot !) le fait que la présence du juge est un élément fondamental pour la « réussite » (sic) du divorce !! Permettez-moi de parler en connaissance de cause : lors de mon propre divorce, j’ai rencontré le juge deux fois dix minutes à peine et la seule question qui m’a été posée est : « êtes-vous sûr de vouloir divorcer ? » On a du mal à distinguer l’élément fondamental dans cette prestation. La réaction des avocats n’est qu’une réaction purement corporatiste, surtout lorsque l’on sait que les divorces par consentement mutuel sont les plus nombreux. Ainsi, je n’hésite pas à dire que les justifications alambiquées du bâtonnier lors de l’émission télévisée du 13 Décembre 2007 étaient parfaitement ridicules tellement elles étaient de mauvaise foi.

12 décembre 2007

Kadhafi, la honte ?

Parallaxe. Soit un pays dirigé depuis quarante ans par un dictateur ayant pratiqué des abominations comme le terrorisme et la prise d’otages (et qui croira que la France n’a eu aucune relation avec cet homme pendant quarante ans !). Soit un peuple muet soumis à cette dictature qui souffre d’un manque de libertés individuelles, d’un excès de pauvreté et d’un isolement obsidional. Soit un projet national consistant à créer une union économique des pays riverains de la Méditerranée. Quels sont les choix qui s’offrent à la politique étrangère du pays porteur de ce projet ? Il n’y en a que deux. Ou bien exclure le pays en question du projet au nom d’une certaine morale, ou bien profiter de toutes les occasions pour réintégrer ce même pays dans ce que la langue de bois diplomatique appelle « le concert des nations » pour pouvoir l’intégrer dans le projet. En face de cette alternative une conclusion s’impose : l’exclusion signifie l’abandon d’un peuple à son sort difficile. La bonne conscience de ceux qui choisissent cette solution est un peu courte car elle fait l’impasse sur l’avenir de ce peuple. La question qui se pose est la suivante : faut-il préserver sa bonne conscience en prenant des postures indignées et en abandonnant à son sort toute une population ou ne vaut-il pas mieux se « compromettre » avec le dictateur pour faire émerger une chance d’évolution vers plus de liberté et de démocratie en permettant la participation au projet méditerranéen pour le plus grand bénéfice de ce peuple en déréliction ? En quoi consiste cette « compromission » ? À prendre au mot un dictateur qui dit renoncer aux pratiques terroristes et (ce qui n’est pas négligeable) à la bombe. Ne soyons pas naïfs ! La diplomatie est un grand jeu de poker menteur. Prendre au mot ne veut pas dire être convaincu de la sincérité du discours. Prendre au mot ne veut pas dire perdre toute vigilance.
Le voyage du Président de la République en Algérie n’a soulevé aucune polémique en France. Et, pourtant, qui peut croire que le ministre algérien des anciens combattants n’avait pas reçu, au préalable, l’aval du pouvoir pour tenir son discours antisémite ? Or, l’antisémitisme est la marque de fabrique du terrorisme islamique. Le terrorisme officieux et actuel algérien est-il plus acceptable que le terrorisme libyen du passé ?
Ce que l’on peut dire, c’est que Kadhafi en France pendant cinq jours, c’est long, très long, trop long … car l’homme est détestable.