24 septembre 2009

Le mirage de la voiture électrique

Au salon de Francfort, les constructeurs d’automobiles jouent à celui qui fera l’annonce la plus fracassante sur la réalité de la voiture électrique, solution évidente d’avenir selon eux. On peut tout d’abord se demander pourquoi il a été nécessaire d’attendre cette crise économique pour que les constructeurs s’intéressent enfin à une solution alternative au moteur thermique à essence ou au diesel. D’autre part, il est à craindre qu’il ne s’agisse là que d’une posture destinée à rassurer les gouvernements qui ont massivement investi dans cette industrie pour éviter des faillites retentissantes. Peut-on réellement croire que la solution de la voiture électrique à pile lithium-ion soit une alternative crédible ? Il se pose, en effet, un certain nombre de questions. Tout d’abord, l’autonomie qui atteint péniblement 200 kilomètres environ (et ce n’est qu’un effet d’annonce des constructeurs) confine l’utilisation de cette voiture électrique à une utilisation urbaine ou à petits déplacements. C’est-à-dire qu’il s’agit, à l’évidence, d’une seconde voiture pour un ménage ayant des envies de déplacements plus importants (déplacements professionnels, vacances, etc …). Or, ceux qui ont la possibilité d’acquérir plus d’un véhicule font partie de ce que l’on appelle les privilégiés. Cette solution est donc discriminatoire puisqu’elle va pénaliser, par la taxe carbone, les ménages qui seront dans l’obligation de conserver une voiture à plus grande autonomie. Jusqu’ici, les performances médiocres confinent la voiture électrique dans des dimensions qui ne permettent pas son utilisation par plus de 4 personnes. Les familles avec 3 ou 4 enfants ne trouveront dans ce véhicule qu’une seconde voiture. Discrimination encore par l’argent. De plus, si le temps de rechargement de la pile n’excédait pas le temps d’un plein d’essence dans n’importe quelle station-service, il serait possible d’envisager de longs parcours avec ce véhicule à pile. Hélas, les temps de rechargement partiel les plus courts (toujours un effet d’annonce) sont de l’ordre d’une heure. Qui peut envisager un voyage demandant un arrêt d’une heure tous les 200 kilomètres, qui accepterait de mettre 9 heures au lieu de 5 pour se déplacer de 500 kilomètres ? Ce n’est pas sérieux. Pour recharger complètement la pile, le temps nécessaire atteint alors 6 à 8 heures. Ce rechargement doit donc se faire à domicile. Pour tous ceux qui habitent dans un immeuble dont le parking souterrain abrite leur voiture, il n’y a pas de prise électrique, protégée d’une utilisation pirate par un usurpateur indélicat, au droit de chaque emplacement. Il n’y a donc que dans les garages particuliers de pavillons que ce rechargement peut être envisagé dans des conditions acceptables. Il y a donc, là aussi, une discrimination. Tous les ménages habitant en immeuble collectif et n’ayant pas les moyens d’avoir une seconde voiture sont exclus de cet avenir radieux … et ils sont nombreux ! Enfin, les constructeurs présentent leur véhicule comme n’émettant aucun gaz à effet de serre mais omettent de parler des processus de fabrication des piles, consommateurs d’énergie dont la provenance n’est pas exempte de questions. De plus, cette solution à pile lithium-ion remplace une ressource fossile non renouvelable (le pétrole) par une autre (le lithium) tout aussi fossile et non renouvelable. Les gisements exploitables de lithium sont très peu nombreux et sont essentiellement localisés en Bolivie et au Chili. À quand le remplacement de l’OPEP par l’OPEL (Organisation des Pays Exportateurs de Lithium) ? À l’évidence, la voiture électrique à pile classique n’est pas une solution à long terme. D’autres recherches doivent impérativement être menées, notamment sur la pile à hydrogène dont le combustible principal peut s’obtenir à partir de l’eau qui est une ressource inépuisable. L’avenir automobile n’est pas encore radieux, n’en déplaise aux constructeurs d’automobiles.

17 septembre 2009

Suicides et entreprises

Depuis plusieurs années, les entreprises (surtout les grandes) modifient en permanence leur organisation pour s’adapter à la mondialisation et à la financiarisation de l’économie. La mondialisation les incite à augmenter en permanence leur productivité face à des concurrents dangereux ; la financiarisation les oblige à réduire drastiquement leurs coûts pour améliorer leurs profits pour le plus grand bénéfice des actionnaires. Ces contraintes ont une conséquence directe : la mise sous pression de plus en plus forte du salarié. Le stress et l’angoisse sont le bien commun de ces entreprises. Le salarié est, en permanence, poussé à la performance par tous les moyens dont certains relèvent de la torture morale afin d’obtenir le départ des moins performants. Les moyens sont variés. Mettre le salarié en demeure d’atteindre des objectifs contradictoires en est un. Dévaloriser le salarié sous prétexte de réorganisation en est un autre. Détruire les temps et les espaces collectifs pour isoler le salarié et le fragiliser est encore un de ces moyens. La suppression des collectifs de travail aboutit à l’individualisation des objectifs, un sentiment obsidional et remplace la compétition externe par une compétition interne tout aussi sauvage. Le résultat en est que la chasse aux temps « morts » se paie par des salariés « suicidés ». Les décisions à très court terme remplacent la réflexion à moyen terme, sacrifiant ainsi la préservation de l’employabilité du salarié sur l’autel de la rentabilité immédiate et de son arme préférée : le licenciement ou la démission imposée. Comment s’étonner alors des 23 suicides en 18 mois dans une entreprise qui compte dans ses effectifs des employés au statut de fonctionnaire, inaptes à supporter de telles contraintes inconnues dans le secteur public ? Par contre, on peut s’étonner du silence assourdissant du Medef sur ce sujet … Pourquoi, également, un tel bruit médiatique pour France Télécom et un tel silence pour les 20 suicides annuels au sein du ministère de l'Equipement ?

13 septembre 2009

Vox Internet, vox Dei

Qu’est-ce qu’une conviction ? La définition du dictionnaire est : certitude raisonnée. C’est-à-dire une certitude qui se construit sur un raisonnement, nourri par la recherche de l’information. Mon expérience personnelle est que, pour se construire une conviction réellement argumentée, il faut lire énormément. La recherche de l’information, sa lecture attentive, une réflexion approfondie et parfois longue, sont indispensables à la formulation d’un avis quelque peu fondé. Aujourd’hui, la recherche d’une information utilise souvent, et –hélas- parfois exclusivement, les pages Web d’Internet. Pour beaucoup d’adicts d’Internet, ce que l’on trouve sur ce réseau a plus de valeur et de crédibilité que tout ce que l’on peut obtenir d’un quelconque expert ou par la lecture attentive de livres ou de journaux : il vaut mieux, par exemple, chercher sur Internet des sites dits médicaux plutôt que de consulter son médecin ; il suffit d’interroger Wikipédia plutôt que de lire des livres spécialisés. Les blogs font flores. Leur lecture est instructive. Ils sont généralement accompagnés de commentaires d’une indigence étonnante. Mal formulés, mal écrits, faux, mensongers, grossiers, vulgaires, insultants, la plupart de ces commentaires sont révélateurs du danger que représente la « vox populi ». Il n’y a rien de plus dangereux que l’opinion de la foule, car celle qui s’exprime est souvent la plus extrémiste. C’est sûrement ce que l’on va me reprocher à la lecture de cet article, à ceci près que je ne suis pas majoritaire dans l’expression de ce point de vue. Dire que l’expression de milliers d’internautes vaut bien plus que l’avis d’un seul expert est un terrible contresens. Si F. Mitterrand s’était aligné sur le souhait populaire de l’époque, jamais il n’aurait imposé la suppression de la peine de mort. N’oublions jamais ce fait. C’est en ignorant la « vox populi » et en forgeant sa conviction personnelle que F. Mitterrand a fait faire à la société française une évolution majeure. S’en remettre uniquement à ce que l’on trouve sur le Web au détriment d’une réflexion personnelle et d’un travail singulier est un terrible appauvrissement intellectuel. Il y a, chez les adicts d’Internet, un certain intégrisme consistant à exclure toutes autres voies d’information, ou du moins à les considérer comme obsolètes. Cette attitude comporte de grands dangers. Internet fournit le meilleur comme le pire et il est absolument nécessaire de garder un esprit critique qui s’alimente à d’autres sources d’information. Pour preuve, voilà ce que l’on peut lire sur le portail de la secte Scientologie : l’homme est immortel, il vit plusieurs vies, ses capacités sont illimitées, l’homme est foncièrement bon. Uniquement des contrevérités et des énormités.