29 août 2008

L’addiction électronique

Ils ont à peine dix-huit mois. Déjà, ils savent allumer la télévision et utiliser le téléphone. Ils regardent une vidéo avec attention et sont capables de la réclamer tout en allumant le lecteur de DVD. Ceux qui ont dix ans savent parfaitement naviguer sur Internet. Mes petits-enfants font partie d’une nouvelle civilisation. Pour ma part, je n’ai su me servir d’un téléphone qu’à l’âge de 12 ans. Les statistiques américaines fournissent des chiffres qui laissent rêveur : les enfants de moins de 21 ans ont passé 20.000 heures devant la télévision, 10.000 heures au téléphone, 10.000 heures devant des jeux vidéo, ont envoyé et reçu 250.000 courriels. 70% des enfants de moins de 4 ans ont utilisé un ordinateur. Aujourd’hui, le monde virtuel, invention des adultes, dévaste le monde des enfants. Plus les adolescents se perdent sur Internet, moins ils parlent. Nous vivons dans une société de communication qui a supprimé la parole et, dans les cas les plus graves, le contact avec l’environnement. L’addiction constatée n’est pas différente d’un autisme « électronique ». La relation avec les parents se distend jusqu’à disparaître, surtout lorsque la démission de ces derniers favorise cet anéantissement dans le virtuel. L’excuse de l’exutoire à la violence est un bel exemple de langue de bois. Permettre aux enfants de laisser exprimer leur violence dans le monde virtuel n’a jamais empêché que certains l’expriment dans la vraie vie comme s’ils participaient encore à un jeu sans réelles conséquences. Le virtuel plongent les enfants dans un monde réversible qui déresponsabilise complètement puisque tout peut être effacer et qu'à tout moment il est possible de revenir au point de départ. Il ne faut pas s’étonner de voir certains d’entre eux utiliser des armes à feu contre les pompiers ou les forces de l’ordre. Et les dégâts sur le psychique de ceux qui ne franchissent pas « la ligne blanche » n’ont jamais été sérieusement mesurés, car il est difficile d’analyser la relation de cause à effet. Ce qui ne veut pas dire qu’elle n’existe pas. Mais comment imaginer qu’un enfant qui passe la moitié de ses journées à exterminer virtuellement ses semblables ressorte de cette expérience sans dégât ? Il a fallu de nombreuses années pour arriver à limiter l’influence des fabricants de tabac dont le marketing n’avait pour but que de créer l’addiction chez les plus jeunes pour générer d’énormes profits grâce aux adultes. La situation est exactement la même avec les producteurs de jeux virtuels. Les enfants sous addiction électronique deviennent des adultes qui se perdent dans les mondes virtuels comme « Second Life » (en 2006, MySpace a reçu 60 millions de visiteurs) et qui préfèrent correspondre par téléphone portable plutôt que directement. La distance leur sert d’écran protecteur … au détriment de leur intimité qu’ils n’hésitent pas, par ailleurs, à exposer aux oreilles étrangères qui les entourent lorsqu’ils communiquent dans la rue ou les transports en commun. Les techniques informatiques et de communication ont profondément modifié le fonctionnement du monde. Mais toutes les inventions humaines ont fait naître des falsificateurs dévoyant celles-ci en utilisations dangereuses dans le seul but de profits importants et rapides. Accrocher les enfants par l’intermédiaire de jeux vidéo ou de pages « web » relève du même objectif.

24 août 2008

Médaille d’or et dérision

Les jeux olympiques de Pékin se terminent (enfin !!). Chacun rentre chez soi en faisant le compte de ses médailles. Et chacun de ces bibelots, tout important et symbolique qu’il soit pour le sportif qui le possède, restera un témoignage d’un nationalisme exacerbé dont ces jeux auront été l’apothéose. La Chine (je ne parle pas des chinois) a définitivement enterré « l’esprit olympique » (s’il a jamais existé) pour le remplacer par l’expression d’un nationalisme vindicatif et truqueur. Certes, le marquis de Coubertin n’était pas un parangon de démocrate, mais il a dû mourir une seconde fois devant le spectacle de ces jeux : entraînement de (trop) jeunes athlètes relevant de la torture, déplacement de population, truquage des images vidéo, mensonge sur l’âge des sportifs, censure de l’information, et tout ce que l’avenir dévoilera encore. Décidément, le CIO n’est plus capable de remplir sa mission et les considérations financières ont eu raison de toute déontologie sportive. Il n’y a plus que les athlètes pour croire encore dans ces jeux qui sont devenus une foire commerciale et nationaliste. La Chine (je ne parle pas des chinois) a, incontestablement, remporté non seulement le plus grand nombre de hochets mais surtout la médaille d’or de l’hypocrisie. Plus vite, plus haut, plus loin, certes. Mais le marquis faisait allusion aux performances sportives et non pas aux étalages financiers et chauvins. Certes, à partir du moment où le CIO a supprimé la compétition entre individus pour la remplacer par la compétition entre équipes nationales, voire entre nations, la dérive cocardière était inévitable. Mais d’inévitable, elle est devenue excessive. Et donc, comme tout ce qui est excessif, dérisoire.

17 août 2008

À l’Est, rien de nouveau !

En Mars 1938, Hitler envahit et annexe l’Autriche, de Septembre 1938 à Mars 1939 il annexe le protectorat de Bohème et de Moravie, en Septembre 1939 le 3ème Reich envahit la Pologne et tout cela sous les yeux des occidentaux qui restent sans réaction, tétanisés par la pusillanimité. On sait ce à quoi cette absence de courage a conduit. Mais les leçons de l’histoire sont toujours gênantes. Aujourd’hui, nous assistons à l’invasion d’un pays souverain et démocratique par la Russie de Poutine qui, après avoir détruit l’Afghanistan et ravagé la Tchétchénie sous de fallacieux prétextes, s’apprête à annexer la Géorgie sous les regards embarrassés des occidentaux qui, de rodomontades en rodomontades, laissent finalement la Russie faire la loi dans ce pays. Sarkozy à Tbilissi et Moscou fait résonner dans les mémoires Chamberlain à Munich. Poutine est un dictateur sanguinaire, digne successeur de Staline qui, protégé par l’impérieux besoin ressenti par l’Occident du gaz russe, se permet tous les crimes contre l’humanité pour asseoir son impérialisme sanglant, n'hésitant pas à se parer de la qualité de soi-disant casques bleus pour légitimer son invasion. L’imbécillité criminelle du Président de Géorgie ne peut légitimer cette invasion. Qui aura le courage de le dire ?

13 août 2008

Une brêve … comparaison

Dans son édition du 27 Juillet dernier, Le Monde expliquait les états d’âme des militants du Labour du Royaume Uni. Ces militants, nous dit-on, sont consternés de voir leur parti « englué dans une analyse introspective effectuée par ses hiérarques », de constater que cette analyse ne fait que déboucher « sur une liste des courses », de regretter de voir que la préoccupation essentielle du Labour est, comme toujours, la préparation « de son traditionnel congrès » et que « les militants du Labour se réunissent à huis clos pour établir le programme du Parti ». Ne croirait-on pas que l’on parle du Parti Socialiste Français ? Décidément, les vieux partis politiques ont besoin d’un sérieux coup de jeune !!

12 août 2008

Un éternel retour

La politique est l’art de gouverner les hommes. Il n’y a pas de politique universelle puisque les hommes ne constituent pas un ensemble unique et homogène. De tout temps, ils se sont rassemblés en groupes distincts, depuis le clan, la tribu, jusqu’à la nation et la communauté de nations, ce que les historiens nomment une civilisation, groupements humains partageant un lieu géographique plus ou moins étendu, une identité artistique, un ensemble de règles de vie en commun, souvent des croyances ou une religion. Il y a donc eu, pendant des siècles, autant de politiques que de communautés, chacune d’elles se distinguant des autres par le choix des valeurs et des perceptions de l’environnement différents, par ses projets de développement. Le monde a fonctionné et évolué par l’intermédiaire des échanges qui se sont institués entre les communautés, que d’aucun appelle les peuples. Ces échanges furent, le plus souvent, agressifs et violents. Deux grandes classes d’échanges peuvent se distinguer nettement : la guerre (sous toutes ses formes : batailles rangées, invasions, croisades, …) et le commerce (dans tous ses aspects : produits, services, finance, hommes, idées, …). Ces rapports ont permis à certains groupes de prendre l’ascendant sur d’autres, de les assimiler, voire de les exterminer. Ils ont été les vecteurs principaux des changements et c’est par eux que les communautés humaines sont passées du stade du clan à celui de nation. Avec le temps, les échanges commerciaux sont devenus de plus en plus prépondérants. Peut-être parce qu’ils sont apparus très vite comme beaucoup plus efficaces que la guerre pour tenter de dominer les autres peuples ! Les différentes colonisations en sont une belle démonstration. Ce qu’aujourd’hui on appelle mondialisation (ou globalisation) est l’extension à la planète entière de l’hégémonie des échanges commerciaux et, parmi ceux-ci, des échanges financiers. Nous sommes passés (assez brusquement) d’une politique de civilisation (au sens donné par E. Morin) centrée sur la communauté à une politique de gestion du profit centrée sur les flux, essentiellement financiers. C’est ce que l’on peut appeler une politique capitalistique de civilisation. C’est aussi une machine sans morale qui s’emballe, créant des distorsions de plus en plus grandes entre les peuples et donc des tensions de plus en plus nombreuses et dangereuses. La guerre avait ses lois (et donc ses crimes). L’hégémonie financière n’a pas de lois ; il lui reste les crimes. Les crises de tous ordres se multiplient (financière, énergétique, alimentaire, écologique, climatique, de fonctionnement, morale, …) et rien ne semble pouvoir freiner un processus qui nous conduit vers une nouvelle recrudescence des conflits. Ainsi, le monde des hommes est passé du stade du clan et des guerres à celui des nations avec leurs guerres et leur commerce, puis à celui espéré des nations et du seul commerce, pour revenir peu à peu, il faut le craindre, à celui des nations et de la guerre. Ce qui s’est passé en Tchétchénie et ce qui se passe aujourd’hui en Géorgie, en Irak ou en Afghanistan en est une preuve flagrante. Le cycle est bouclé ! À ceci près que l’arme nucléaire et l’attentat suicide ont remplacé le javelot…

10 août 2008

De l’art de compliquer

Avez-vous lu le dernier ouvrage de J.F. Kahn, intitulé « Où va-t-on, comment on y va ? », portant en sous-titre l’amusante formule « Théorie du changement par recomposition des invariances » ! Que dit cet ouvrage avec, faut-il le dire, une assez forte propension à la redite ? Que, finalement, la « rupture » n’existe pas et que ceux qui s’y réfèrent sont des illusionnistes. Tout processus ne peut accepter que des évolutions à la marge qui préservent le corpus de son organisation de base. C’est le sens de l’oxymore du sous-titre de l’ouvrage qui agglomère changement et invariance. Le sens véritable de cet ouvrage est, à la fois, caché et transparent. Personne ne doute, en effet, de l’anti-sarkozysme de l’auteur. Et l’étendard du Président de la République est, précisément, la « rupture ». Voilà donc un ouvrage de trois cent soixante dix pages pour nous dire que Nicolas Sarkozy est un falsificateur. Etait-ce vraiment nécessaire ? Quelqu’un a dit que ce qui se conçoit bien s’énonce clairement. Voici deux exemples tirés de l’ouvrage en question : « Ce que dit l’évolution c’est la nécessité de rester soi pour devenir autre mais un autre soi qui ne soit pas un autre que soi » ! Ou encore (accrochez-vous bien !) : « La prise de conscience par une œuvre de la nature de la façon dont la nature œuvre indique que ce retour de la conséquence sur la cause et sur elle-même, et donc sur la dynamique qui a permis de passer de la cause à la conséquence, ne saurait permettre à la conséquence de s’émanciper du processus grâce auquel elle s’est découverte comme conséquence d’une cause » !! Tout ça pour dire que l’évolution se fait nécessairement à partir de l’existant et que le discours politique est toujours manichéen. Il doit falloir un certain talent pour être capable de construire des phrases aussi compliquées pour dire des choses aussi simples. C’est ce qui doit faire la différence entre le journaliste et l’écrivain.Que voulez-vous, tout le monde ne s'appelle pas Henri Calet ou François Mauriac !