31 mars 2008

Un impossible concept

Depuis des mois et sans aboutir, les partenaires sociaux discutent et tentent de rendre objective la notion de pénibilité du travail. Cette notion est tellement vague et tellement sujette à interprétation subjective que cette discussion s’enlise et risque de perturber fortement la « concertation » sur l’allongement de la durée de cotisation aux caisses de retraite. Les syndicats veulent, à tout prix, imposer la prise en compte de ce concept de pénibilité pour obtenir une réduction de la durée de cotisation pour certaines catégories de travailleurs. Il est à craindre que, les syndicats étant foncièrement opposés à l’allongement de cette durée, ils tentent d’étendre de manière extensive cette notion de pénibilité quitte à vider de sa substance le projet gouvernemental. La question qui se pose est de savoir si ce concept peut être vraiment approché de manière objective. Un premier critère d’objectivité est la possibilité de la mesure qui écarte toute interprétation tendancieuse et subjective. Peut-on mesurer la pénibilité d’un travail ? Poser cette question revient à identifier les conséquences d’un travail dit pénible afin de les mesurer, ne serait-ce que par leur nombre et leur fréquence. On peut mesurer le nombre et la fréquence d’accidents physiques dus à un travail ; il est beaucoup plus difficile de faire les mêmes mesures sur le « stress ». Une fracture osseuse possède une réalité objective, indépendante de toute interprétation. L’anxiété n’est pas de même nature. Elle dépend de l’individu de façon importante. Si le stress devient un élément de pénibilité, alors un même travail peut être pénible pour un individu et ne pas l’être pour un autre. Cette situation est extrêmement fréquente. Enfin, il faut éviter le piège consistant à confondre prise de responsabilité et pénibilité si l’on veut éviter de classer tous les métiers comme étant pénibles !
Par contre, il convient de distinguer la pénibilité de la « dangerosité ». Le dictionnaire n’apporte aucune aide dans cette distinction. En effet, on trouve que « danger » est une situation où l’on a à redouter un mal quelconque. « Mal » est défini comme ce qui est pénible. La définition de « pénible » est une situation où l’on éprouve de la fatigue. Ainsi donc, si l’on en croit le dictionnaire, est dangereux ce qui fatigue, ce qui, sans être totalement faux, est manifestement excessif !
Un travail dangereux n’est pas forcément pénible. Il est dangereux de sécuriser les pistes de ski, ce qui n’est pas nécessairement pénible. Inversement, il est pénible de réaliser un travail répétitif sur une chaîne d’emballage, sans que ce soit obligatoirement dangereux. Il n’y a pas de bijection entre ces deux concepts. La dangerosité se mesure à la nature des risques encourus par les individus. Ainsi, le métier de pompier est assurément dangereux (et sûrement pénible) alors que celui de conducteur de TGV ne l’est pas. Il doit être possible de dresser une carte des métiers en fonction de ces deux critères à la fois et de déterminer des zones dans lesquelles le nombre d’années de cotisation est réduit d’un certain nombre d’années. Par exemple, un métier classé à la fois très dangereux et très pénible (pêcheur en mer, mineur) se verrait alloué une réduction de 5 années alors qu’aucune réduction ne serait possible pour un métier ni dangereux ni pénible (en existe-t-il ?). De manière intermédiaire, un métier relativement dangereux et modérément pénible (grutier) bénéficierait d’une réduction de 2 ans. Un métier dangereux mais sans pénibilité particulière (entretien sur autoroutes) ou un métier pénible mais sans danger (caissière de supermarché qui n’encoure que le danger de se faire licencier !) bénéficierait également d’une réduction de 1 ou 2 ans.
Il n’en reste pas moins que l’exercice reste difficile car les conditions de travail influent de façon considérable sur la dangerosité et la pénibilité d’une tâche. Selon la nature des outils utilisés (robots par exemple) une tâche peut être plus ou moins pénible. Selon les mesures de sécurité prises, une tâche peut être plus ou moins dangereuse. Or, les conditions de travail sont variables d’une entreprise à l’autre, même si la loi impose un minimum de règles. Comme il est impossible d’envisager qu’un salarié se voie attribué une réduction d’années de cotisation et que cette réduction soit refusée à un salarié exerçant le même métier mais dans une entreprise différente au prétexte que les conditions de travail sont meilleures, comment, dans ce cas, prendre une mesure collective ?
À vrai dire, je crains que, à la discussion qui s’annonce entre le gouvernement et les syndicats, l’objectivité de l’analyse ne soit pas invitée ! Il reste une vérité incontournable : avec une population vieillissante de plus en plus nombreuse (l’espérance de vie augmente d’un trimestre tous les ans !), le temps de la vie consacré au travail ne peut qu’augmenter.

29 mars 2008

Le monde est énervant

• Parler correctement, en respectant les règles de la langue, me paraît être la moindre des politesses lorsque l’on intervient sur les médias. Et pourtant, il n’est pas un jour sans que l’on soit agressé par des fautes grossières qui sont autant de marques de mépris pour ceux qui écoutent. En voici quelques exemples récents :
- un Président de la République: les réformes mises-t-en route
- tout le monde : ils veulavoir, ils peuvêtre
- un scientifique : les astronautes sont entraînés à l’isolation (au lieu de l’isolement)
- un député : mille neuf cent soixante-quatre z’insultes …
- un parlementaire : je ne vais pas m’alourdir (au lieu de m’appesantir)
- des ministres : cet audit va-t-être … , des mandats internationals …
- un ancien premier ministre : les fonctions qu’elle postule
- un politique : ces affrontements sont normal du dictatorisme (sic)
- un membre du gouvernement : ils sont instrumentés (re-sic)
- un porte-parole du gouvernement : je tiens-t-à dire …
- une candidate célèbre : la bravitude, il faut que les français savent …
- un journaliste (de la 5) : qu’on ne soit pas caricaturaux
- un sociologue et professeur (sic !) : éraser (au lieu de éradiquer)
- un autre journaliste : le réjouissement
- un animateur de télévision : le canalisateur (au lieu du catalyseur).
Décidément, l’inculture est largement partagée.

• Dans l’art du langage, l’utilisation d’expressions toutes faites et reprises par tout le monde, comme un phénomène de mode, est également très énervant. Qui n’a pas entendu :
- la nuit de tous les dangers, l’année de tous les risques,
- la montée d’adrénaline
- la bourse fait du yoyo
- le système de santé le plus performant
- le silence assourdissant (du président, de la majorité, de l’opposition)
- il faut mettre de la transparence
- le mari de Carla, le président du pouvoir d’achat
- une société de la performance
- le vieux lion est mort
- le président bling-bling

• Avez-vous assisté à quelques séances de questions au gouvernement sans remarquer le jeu théâtral et systématique auquel on assiste impuissant ? Souligné par des vociférations, l’opposition utilise un discours manichéen dont les éléments constitutifs sont toujours les mêmes : « politique ultra-libérale, cadeau aux plus riches, sacrifice de la fonction publique, échec de votre politique, vos renoncements,… alors ma question sera très simple : quand allez-vous retirer votre projet de loi ? »
La majorité n’est pas en reste, qui utilise abondamment les litotes et les formules obséquieuses : « avec courage, la lucidité du gouvernement, les résultats prometteurs, le président s’est engagé, etc … »
Invariablement, le gouvernement réponds : « Vous avez raison, … »
On garde l’impression d’une pièce de théâtre, répétée à l’envi et dont on peut donner les répliques avant de les entendre.

• Pour convaincre le chaland télévisuel, les professionnels du marketing utilisent toutes les ficelles possibles, même les plus grosses. Donner une apparence faussement scientifique aux messages publicitaires est devenu la nouvelle arme de ces bonimenteurs grâce à l’utilisation abusive de pourcentages qui n’ont absolument aucune signification. On peut se demander l’intérêt de l’information consistant à annoncer que la biscotte machin-chouette contient 99% de blé ! Du coup, on se demande de quelles saloperies est fait le 1% qui manque !! Imaginez comment vous allez vous y prendre pour vérifier que votre nouvelle crème miracle a permis effectivement une diminution de 77% de vos rides ! Ou bien que cette même crème de perlimpinpin a remodelé l’ovale du visage à 67 % ! Les publicités s’ornent des mots magiques « scientifiquement prouvé » sans qu’il soit précisé ce qui est scientifique ni ce qui est prouvé. On voit également fleurir des labels inventés de toutes pièces (élue voiture « citoyenne » de l’année, élu saveur de l’année !!) qui cherchent à faire croire au consommateur naïf qu’il ne tient qu’à lui de faire partie d’une grande famille de gens éclairés et informés s’il ne veut pas passer pour un imbécile. Enfin, si l’on parle des arnaques publicitaires, on ne peut passer sous silence l’intrusion abusive, pour ne pas dire scandaleuse, des arguments touchant à la santé pour vendre des produits alimentaires. Avec les margarines qui éliminent le cholestérol, les produits de petits déjeuner qui facilitent le transit intestinal (bon appétit !), les boissons qui font maigrir (en contenant 99% d’eau comme toute boisson), les concentrés miracle qui contiennent tout un monde d’omégas à numéros variés qui prétendent soigner le cœur, l’estomac, et que sais-je encore, les yaourts qui « mettent de l’ordre à l’intérieur », les supermarchés se transforment en pharmacie, les publicitaires en Diafoirus, les consommateurs en gogos manipulés. Je m’abstiendrai de m’énerver sur le portrait absolument désolant que la publicité donne de la femme, idiote, inculte, ne trouvant d’intérêt à la vie que dans la tranche de jambon et l’odeur de ses sanitaires, etc… car, comme disait Chateaubriand : « Il faut être économe de son mépris, il y a tellement de nécessiteux »..

• La télévision et la radio sont envahies par des émissions dont le seul objet est la congratulation réciproque des participants et la promotion publicitaire éhontée de produits audio-visuels médiocres voire sans intérêt aucun (disques, livres, films, …) dont la notoriété ne durera que le temps nécessaire pour rentabiliser l’investissement de la production. Ces émissions sont construites sur la base de faux interviews qui se ressemblent tellement que l’on se demande s’il ne s’agit pas d’un enregistrement type (« à la page truc, vous avez écrit que … », « si vous trouvez de quoi il s’agit, vous gagnerez un exemplaire du CD de machin »,…). Toutes ces émissions secrètent une auto-congratulation et une auto-satisfaction absolument indécentes. On a les journalistes qu’on mérite. Et je passe sous silence toutes ces émissions de télé-réalité qui mettent en scène des débiles mentaux, l’invasion des écrans par ces séries américaines de polars qui se ressemblent tellement qu’il n’y a que le titre qui change !

• Jusqu’au milieu du XXème siècle, le rôle de l’édition était la diffusion de la littérature. Aujourd’hui, le rôle de l’édition est de faire de l’argent au moyen de coups marketing et en noyant le marché du livre d’un monceau d’ouvrages dont les auteurs sans imagination ni talent ne savent rien faire d’autre que de raconter leur vie et d’exposer publiquement leur intimité. Tous ces livres qui encombrent les rayons des librairies n’ont comme destinée que de disparaître dans les greniers ou au pilon après avoir berné quelques milliers de naïfs. On a les écrivaillons qu’on mérite.

Bien évidemment, cette liste d’énervements est très très loin d’être exhaustive.

26 mars 2008

La mauvaise route

Les Français ne se pardonnent pas d’avoir guillotiné Louis XVI. Ils ont toujours eu besoin, encore aujourd’hui, de l’homme providentiel, du père de la Nation, de l’homme miracle. Ils ont eu Napoléon, ils ont eu De gaulle. Aujourd’hui, les socialistes, qui n’ont pas compris cet aspect de la population française, se trompent de chemin en clamant qu’ils doivent d’abord construire un projet avant de choisir un champion. Ils se trompent lourdement. Les Français ont besoin d’un champion, ne serait-ce que pour pouvoir mieux le brûler. Le « PROJET » n’est, finalement, pour les socialistes, qu’un prétexte pour ne pas choisir entre l’excès de candidats à la carrière d’homme providentiel. François Mitterrand était devenu l’homme incontournable avant de proposer son projet. Aujourd’hui, les socialistes, gélifiés au milieu d’un maelström d’ambitions personnelles, ne veulent pas choisir. Et ils avancent comme prétexte, la nécessité de construire un projet avant d’avoir un candidat à l’élection présidentielle. Il s’agit là d’un manque de courage caractérisé qui annonce de profondes désillusions pour ce parti. Les socialistes n’ont pas compris comment fonctionnent les Français, aussi catastrophique que soit ce comportement. Ils ont choisi la mauvaise route.

Ces analystes qui ne servent à rien

Pratiquement tous les jours, les écrans de télévisions sont envahis par de soi-disant experts en analyses politiques qui viennent décortiquer la vie politique française et nous livrer de brillantes analyses sur la situation et sur les projets et idées des hommes politiques du moment. Je vais vous dire ce que j’en pense. Ces analystes sont des illusionnistes. L’analyse est toujours extrêmement facile à faire et ne demande aucunement d’être expert. Il suffit de constater que, pour entrer en politique, il faut avoir une ambition personnelle démesurée et que tout est inféodé à cette ambition. Cela permet un décodage extrêmement facile du discours des hommes politiques. Point n’ait besoin d’experts !

24 mars 2008

Culture et connaissance

Au début, il y eut la note, puis vint la partition. La systémique utilise deux concepts de base : l’élément et la relation entre éléments. La physique identifie les particules et les forces entre celles-ci. La chimie manipule les molécules et leurs liaisons. Objet et relations entre objets semblent construire une loi générale. Il semble que l’on puisse utiliser cette loi pour préciser la différence entre culture et connaissance. Connaître la date de la bataille de Poitiers n’a d’intérêt que si l’on comprend qu’elle est l’aboutissement d’un vaste et long processus d’expansion de l’Islam depuis Babylone jusqu’en France en traversant le Maghreb, processus qui perdura depuis les années 400 avant JC jusqu’au XVIIème siècle où, réduit au Califat de Grenade au cœur de l’Alhambra, les musulmans furent définitivement chassés d’Espagne. C’est cette compréhension que l’on appelle la culture. Savoir quelle est la hauteur du Mont Blanc est une chose ; savoir que les Alpes sont la création d’un long processus de tectonique entre les plaques africaine et eurasienne en est une autre. Savoir reconnaître une fugue de Bach d’une sonate de Chopin ne fait pas une culture musicale ; replacer l’une et l’autre dans l’histoire musicale des XVIIIème et XIXème siècles est un élément d’une véritable culture musicale. La connaissance est attachée aux faits, la culture est la compréhension de ce qui relie les faits entre eux. La même différence existe entre un dictionnaire et une encyclopédie. Il ne peut pas y avoir de culture sans connaissance, mais la connaissance peut exister sans culture. Aujourd’hui, Internet est un magnifique outil de connaissance, mais n’apporte rien de culturel. L’acquisition de la culture demande intelligence, effort et enseignement. La connaissance ne demande que de la mémoire. La note ne suffit pas pour créer la mélodie, il faut la partition.

17 mars 2008

Aveuglement ou tricherie ?

Les élections municipales viennent d’avoir lieu. Comme à chaque élection, tous les participants exposent leur satisfaction. On ne sait pas trop quelle est la véritable raison de leur satisfaction, mais il s’agit là d’une figure imposée qui prouve que la rupture en matière de posture politique n’est pas encore pour aujourd’hui. Il n’en reste pas moins vrai que la gauche a remporté un nombre de succès appréciable qui semble donner à nouveau au Parti Socialiste une légitimité qu’il avait perdue à force d’inconsistance et de rivalités internes. Mais il y a un autre indicateur qu’il ne devrait pas sous-estimer, celui de l’abstention. L’histoire montrera que les abstentionnistes sont majoritairement de droite, ce qui veut dire que la majorité des Français n’est pas devenue un peuple de gauche. Ces abstentionnistes de droite ne sont pas allé voter pour signifier leur désapprobation d’un style de présidence trop éloigné de l’idée qu’ils se font du style et de la conduite d’un Président de la Vème République. Et, lorsqu’on entend les commentaires du Parti Socialiste expliquant que la défaite de la Droite tient au fait que les résultats attendus par les Français ne sont pas au rendez-vous des élections, que ce même parti propose d’augmenter les retraites et les salaires, de supprimer les franchises médicales, d’encadrer les prix de la grande distribution, voire de supprimer les dégrèvements fiscaux accordés aux entreprises, c’est-à-dire de faire l’impasse sur l’état de faillite du pays et « oublier » que l’emploi créateur de richesse est créé uniquement par l’entreprise, on se dit que ce parti n’est pas encore prêt pour la relève. À moins que ce discours ne soit qu’un écran de fumée et que le futur (et tant attendu) programme du Parti Socialiste soit aux antipodes de ce discours.

11 mars 2008

Falsifiable et vérifiable pour être crédible

La physique fondamentale est dans un état désespéré. Non pas seulement parce qu’elle manque de moyens, mais surtout parce qu’elle court un risque important de se trouver dans une impasse. Le Graal de la confrérie des physiciens est de trouver une loi unique et universelle à partir de laquelle le monde qui nous entoure pourrait trouver son explication. Une loi qui soit à la fois belle et simple. Une loi du « tout ». Le chemin pris pour trouver cette loi est celui de « l’unification des forces fondamentales ». En effet, le monde que nous connaissons est régi par quatre forces : la force électromagnétique qui régit le comportement des particules élémentaires chargées électriquement (les électrons et les protons, notamment), la force nucléaire faible qui régit la désintégration radioactive, la force nucléaire forte qui permet la stabilité du noyau atomique et, enfin, la gravité. L’idée fondamentale de la recherche de la « théorie du tout » est qu’au début de l’Univers, dans le domaine des très hautes températures, ces quatre forces n’en faisaient qu’une. Puis l’Univers est passé par différents stades d’énergie qui ont vu ces forces se différencier les unes des autres à mesure que la température diminuait pendant l’expansion, par un phénomène appelé « brisure de symétrie ». Aujourd’hui, le monde est froid et les quatre forces sont distinctes les unes des autres. Le fond cosmique diffus est à 3°K. Cette voie a permis « d’unifier » les forces en question sauf la gravité. En effet, la gravité est la plus faible des quatre forces et son influence peut être négligée dans la majorité des cas. C’est ce qu’a fait la théorie quantique qui a révolutionné la physique et qui régit le monde de l’infiniment petit. Mais la Relativité générale a montré qu’au tout début de l’histoire de l’Univers, celui-ci était infiniment petit, infiniment chaud, infiniment dense. Dans de telles conditions, la gravité devient prépondérante et il est alors injustifiable que la physique quantique n’en tienne pas compte. Pour sortir de cette contradiction, et pour unifier la gravité avec les trois autres forces, les physiciens ont « inventé » ce qu’ils appellent la théorie des cordes. D’après cette dernière, les particules élémentaires de matière ne sont pas ponctuelles, mais sont des éléments à une dimension, appelés « cordes » et ressemblant à un fil infiniment mince, et capables d’entrer en vibration de différentes façons. Cette théorie a connu un très grand succès, accaparant la très grande majorité des physiciens (et des budgets de la recherche fondamentale), car elle semblait conduire à la grande unification tant recherchée, la gravité n’étant qu’une corde particulière parmi les autres (chaque force est portée par une particule virtuelle dite « boson », la gravité étant portée par le graviton comme la force électromagnétique est portée par le photon). Hélas, très vite il est apparu qu’existaient potentiellement plusieurs théories des cordes, à chaque tentative de rendre compte des caractéristiques du monde que nous connaissons. Le plus grave est qu’aucune de ces théories n’a été capable d’apporter les preuves de sa véracité. Les cordes sont de dimensions trop petites pour pouvoir être observées directement avec les moyens actuels. Plus un élément est petit, plus l’énergie nécessaire pour l’observer est élevée. Les cordes demandent des énergies hors de portée. Une théorie physique, pour prétendre au nom de théorie, doit pouvoir être falsifiable et vérifiable. Pour être crédible, une théorie doit fournir au moins une prédiction nouvelle attachée à une expérience non encore réalisée. Pour que celle-ci ait un sens, il faut qu’elle permette d’obtenir éventuellement un résultat contredisant la prédiction. C’est en ce sens que l’on dit la théorie falsifiable. Il faut, évidemment, qu’elle soit vérifiable, c’est-à-dire qu’on puisse vérifier la prédiction nouvelle. C’est ce qui s’est passé pour la Relativité générale qui a prédit l’expansion de l’Univers, l’existence de lentilles gravitationnelles, la trajectoire de la planète Mercure, le décalage des horloges, phénomènes aujourd’hui avérés par l’expérimentation. De la théorie de la Relativité générale est issue la formule la plus connue du monde entier : celle qui stipule l’équivalence entre la masse et l’énergie (E = Mc2). Cette formule a été vérifiée de la façon la plus terrifiante qui soit par l’explosion des bombes d’Hiroshima et de Nagasaki ! Or, actuellement, aucune théorie des cordes n’est falsifiable ni vérifiable. De plus, le nombre possible de théories différentes devient énorme. À l’heure actuelle, il semble qu’il puisse exister 10 à la puissance 500 théories différentes (10 suivi de 500 zéros, c’est-à-dire un 10 suivi de cinq lignes de zéros) !! Il devient donc impossible de trouver la théorie du tout, unique et universelle. Pour sortir de cette contradiction dramatique, les physiciens ont alors « inventé » le principe anthropique. Toutes les théories des cordes forment un « paysage » dont chaque point est un univers possible. Notre monde est ce qu’il est parce qu’il est le seul où a pu se développer une vie qui a produit ce que nous sommes. Si le monde avait été différent, nous ne serions pas là pour rechercher la loi d’unification. Il n’est donc plus utile d’expliquer pourquoi le monde est comme il est puisque, parmi tous les mondes possibles (les multivers), nous sommes dans le seul exemplaire qui nous permette d’exister. Les autres univers sont soumis à des lois différentes et restent à jamais inaccessibles, et toutes les lois sont possibles. C’est ce qu’on peut appeler une pirouette dont on peut se demander quelle en est la raison véritable. Voilà plus de cinquante ans que des milliers de physiciens éminents se sont engouffrés dans la théorie des cordes, persuadés qu’ils étaient sur le chemin de la vérité. Mais cette vérité est semblable au Mont Saint-Michel de la famille Fenouillard : plus on approche, plus le but s’éloigne. Ayant consacré un tel effort (et tant d’argent) dans cette recherche, le monde des physiciens a du mal à accepter cet échec et tente de construire des arguties métaphysiques pour justifier ce qui n’est encore aujourd’hui non pas une théorie mais une croyance. La situation actuelle de la physique est aujourd’hui la suivante : la physique quantique est incompréhensible, la théorie des cordes n’est ni vérifiable ni falsifiable, la voie semble bouchée vers une théorie du tout. De quoi faire des cauchemars de physiciens ! Cependant, tout espoir n’est pas perdu. Un certain nombre d’entre eux, reprenant le processus normal de la recherche en prenant comme point de départ de leurs réflexions le résultat des expérimentations, ont lancé la recherche sur d’autres voies dont les premiers résultats sont saisissants car ceux-ci semblent remettre en cause la Relativité restreinte et la Relativité générale, fondements de la physique depuis plus de cinquante ans. Certaines conjectures supposent en effet que la vitesse de la lumière est variable avec le temps, hypothèse qui va à l’encontre de l’hypothèse de base de la Relativité, à savoir la constance de cette vitesse qui s’avère être une limite et celle des particules sans masse comme le photon. Des mesures d’une difficulté extrême sont en cours sur des rayonnements qui, venant des confins de l’Univers, ont mis plus de dix milliards d’années à nous parvenir. La science redécouvre la voie de l’expérimentation qu’elle semblait avoir perdue depuis plusieurs dizaines d’années.
L’économie se veut une théorie scientifique. Diverses théories (keynisienne, monetariste,…) ont vu le jour et leurs auteurs sont restés célèbres. Peut-on dire que ces théories sont falsifiables et vérifiables ? Comme il a été dit plus haut, être vérifiable et falsifiable veut dire que la théorie est capable de faire au moins une prédiction nouvelle qu’une expérience peut éventuellement contredire. Or, l’économie a toujours été incapable de la moindre prédiction. Aucune crise n’a jamais été prévue, aucune évolution importante de la croissance n’a jamais été anticipée. Sans prédiction, aucune expérience ne peut être envisagée. La conclusion s’impose d’elle-même : l’économie est peut-être un savoir, ce n’est pas une théorie.

07 mars 2008

Recyclage

L’art principal des gourous du consulting est linguistique. Il suffit, en effet, d’inventer un mot pour désigner un processus de conseil pour que les trompettes de la renommée plongent le monde de l’entreprise ou politique dans l’admiration sans réserve. Et, la plupart du temps, le processus rebaptisé n’a pas grand-chose d’innovant en comparaison des pratiques antérieures. C’est ainsi que, dans les cabinets de conseil intervenant en entreprise, on a vu fleurir, au cours des vingt dernières années, un florilège de vocables et d’expressions qui, en fait, se révèle n’être qu’un coup de peinture sur un ancien support : l’excellence, le business process engineering, la qualité totale, le management par objectif, la théorie Z, l’organisation en flux tendus, l’orientation client, le produit total, le QQOQC, le business to business, le knowledge management, le reengineering, le budget base zéro, etc, etc … ! Le pétrole s’épuise mais pas l’imagination des consultants. Un nouveau concept monte à l’horizon de la renommée : le storytelling, c’est-à-dire l’art de raconter des histoires au service de l’entreprise ou du politique. Les ouvrages sur le sujet se multiplient et deviennent la nouvelle bible des managers. Il s’agit, paraît-il, d’une véritable révolution dans l’art du marketing ou de la manipulation politique. Or, il me revient en mémoire une idée que j’ai mise en pratique (car j’ai aussi été consultant !) dans les années 1980 : lorsque nous avions une proposition d’intervention à présenter à une entreprise, plutôt que de donner une liste interminable de références concernant nos interventions antérieures, nous avons décidé d’en choisir deux ou trois et de détailler la mission que nous avions remplie et la façon dont elle s’était déroulée. Sans le savoir, nous avions inventé le storytelling !! Comme il faut bien donner un peu d’épaisseur à ce concept, les « inventeurs » y font entrer de force le discours marketing, les outils de simulation, les promesses des candidats politiques ou des présidents de la République. Les gourous du storytelling nous disent, sérieusement, que « les opérations psychologiques sont destinées à adresser des informations sélectionnées à des leaders et des publics dans le but d’influencer leurs émotions, leurs motivations et, finalement, leur conduite ». On ne peut mieux dire qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil ! C’est ainsi que le monde fonctionne depuis qu’un homme a voulu échanger (un objet, une idée, …) avec un congénère. On ne peut pas dire qu’utiliser l’affirmation plutôt que la vérité soit un comportement très nouveau !! Il n'y a, finalement, que deux problématiques en entreprise : persuader le client et réduire les coûts. Le consulting est, en fin de compte, une belle machine à recycler.

05 mars 2008

Aidez-moi !!

Si vous êtes un fana de l'informatique, de Flash, de l'animation 3D avec le logiciel Blender, faites-vous connaitre en répondant par l'intermédiaire d'un commentaire à ce message. Nous aurons alors de nombreux échanges !!

Démocratie et mensonges

Depuis que l’homme n’est plus seul sur Terre, il a cherché à tromper son voisin. L’art de la guerre consiste à prendre l’adversaire à revers, c’est-à-dire à lui faire croire à une manœuvre qui n’existera pas et à le surprendre avec une autre qu’il n’attendait pas. L’art du commerce consiste à faire croire au client que l’on est meilleur que son concurrent avec des arguments qui font peu de cas de la vérité et de la transparence. Le marketing et la publicité consistent à manipuler le futur consommateur avec de fausses vérités et des apparences trompeuses. L’art religieux consiste à demander de croire sans rien démontrer. L’art de la politique consiste à faire rêver les électeurs avec une description de l’avenir que tous les acteurs savent pertinemment fallacieuse. La démocratie, dont la pierre de fondation est l’élection, n’échappe pas à ce péché originel humain et s’avère malade des manœuvres cherchant à fausser le verdict populaire par de multiples manipulations de l’opinion. L’esprit moutonnier de l’homme, la peur de la singularité, la lâcheté ambiante et universelle, crée un vrai boulevard à toutes ces manipulations. Ce qui vient de se passer en France et en Russie, ce qui se passe aux USA, en sont une démonstration étonnante. En écoutant les discours électoraux des candidats américains à la présidence, on a énormément de mal à identifier ce qui constitue leurs convictions profondes au sein de propos faits de généralités compassionnelles. La majorité des dépenses de campagne sont de nature marketing et les candidats régurgitent des discours élaborés par des soi-disant spécialistes du marketing et de la manipulation. En examinant ce qui s’est passé en Russie, on ne peut pas oublier les assassinats et les empoisonnements, la grossière manœuvre politique mettant au pouvoir un fantoche servant de paravent à l’ancien dictateur. En analysant les élections françaises, on s’aperçoit rapidement que la rigueur politique a été allégrement remplacée par la recherche de l’émotion populiste et manipulatrice par les deux principaux candidats. La démocratie s’appuyant sur le vote des électeurs, l’homme est ainsi fait que plutôt que de convaincre, il cherche à tromper et à manipuler. Churchill avait raison : la démocratie est le pire des systèmes, à défaut de tous les autres.