30 décembre 2006

Il est mort, le salaud !

Ce matin, à l’aube, en catimini, Saddam Hussein a été exécuté par pendaison. Personne ne regrettera la disparition de ce dictateur sanguinaire, mais une exécution reste un acte contre nature. Presque au même moment, Pinochet est mort tranquillement dans son lit. Ces deux faits sont aussi critiquables l’un que l’autre. Un pays en proie à une guerre de religion qui ne dit pas son nom, après un jugement rendu par un tribunal à la légitimité douteuse et au fonctionnement suspect, assassine un homme à qui l’on reproche d’avoir assassiner ses concitoyens. Pendant ce temps, un pays gouverné par des socialistes laisse mourir sans procès et dans son lit un homme ayant fait assassiné trois mille personnes pour asseoir son pouvoir, comme si le pouvoir actuel était en proie à la crainte irraisonnée de la réaction d’une poignée d’inconditionnels du dictateur. Ou bien est-ce la crainte qu’un procès en bonne et due forme ne mette à jour des complicités gênantes ? Dans un cas comme dans l’autre, la véritable justice n’y trouve pas son compte. Décidemment, la justice n’est pas de ce monde

23 décembre 2006

Justice et business

Les cinq infirmières bulgares et le médecin palestinien viennent de voir leur condamnation à mort confirmée par la justice libyenne… si l’on peut utiliser cet horrible oxymore. Au mépris des démonstrations absolument objectives d’experts incontestables dépêchés par l’Europe qui prouvent que le SIDA existe en Libye comme partout dans le monde et que les enfants libyens étaient contaminés à l’hôpital bien avant l’arrivée des accusés, la « justice libyenne » a voulu démontrer que le SIDA, maladie honteuse et donc occidentale, ne pouvait avoir été introduite en Libye que par l’étranger, c’est-à-dire les USA et Israël. L’Islam ne peut être sali par la maladie de la fornication ! Les journaux libyens ont largement répandu cette fable dans le public… et lorsque l’on connaît l’indépendance des médias avec le pouvoir en Libye, on voit immédiatement une justice et une presse aux ordres d’un Kadhafi, mégalomane fou furieux qui cherche, dans cette affaire, à monnayer la revalorisation de son image sur la scène internationale en utilisant le chantage le plus odieux que l’on puisse imaginer.
En fin de compte, la question est la suivante : combien de millions d’Euros l’Europe va-t-elle devoir payer en catimini pour que Kadhafi, du haut de sa ridicule grandiloquence, fasse usage de son droit de grâce ? Il est connu que l’argent n’a pas d’odeur, mais en Libye l’argent pue vraiment d’une manière insoutenable ! Et le discours emprunté des politiques est absolument écœurant.

19 décembre 2006

Cet homme est dangereux

Les hommes et femmes politiques de gauche ne cessent de dire que Nicolas Sarkozy est un homme dangereux sans jamais expliciter la raison de ce jugement. Son bilan jugé négatif, voire catastrophique, est apparemment la seule raison objective avancée pour justifier ce qualificatif. Il n’est pas aisé d’identifier le lien entre ces deux faits. Ce n’est pas parce que les résultats obtenus par le ministre de l’intérieur en matière de sécurité publique sont insuffisants qu’il est licite de le qualifier de dangereux. Peut-être les opposants s’appuient-ils sur la politique menée en matière d’immigration pour justifier leur appréciation ? On peut être en désaccord avec cette politique, mais il serait plus juste de dire que celle-ci est immorale ou inhumaine que de la qualifier de dangereuse. S’appuie-t-on alors sur ses choix en matière de sécurité routière ? ou sur les essais entrepris pour assimiler et pacifier l’islam français ? La vraie raison ne serait-elle pas que l’on cherche à amalgamer dans un même opprobre Nicolas Sarkozy et Jean-Marie Le Pen ? Le ministre de l’intérieur étant vu comme le candidat le plus sérieux pour l’opposition, c’est en cela qu’il est jugé dangereux. Faute de pouvoir proposer une critique constructive et alternative claire en matière de sécurité et d’immigration, il est plus simple d’agiter, comme le fait d’ailleurs l’extrême droite, le drapeau de la peur. Donc, cet homme doit être dangereux !
Homme politique jusqu’aux bouts des ongles, peut-on cependant estimer qu’il possède les qualités d’un Président de la République ? L’apparence est-elle un critère important ? Je crois que oui et voilà bien ce qui me gêne dans le personnage : peut-on admettre que le Président de la République Française parle un français approximatif ? Sans dire qu’il parle l’argot, sa grammaire est souvent approchée, voire glissante. Je me souviens de la maîtrise de la langue française de François Mitterrand ou de Charles de Gaulle et la comparaison est assassine. Une maîtrise insuffisante de la langue est un manque de culture flagrant. Je me demande si ce n’est pas incompatible avec le statut de Président de la République.
En contrepartie, lorsque l’opposition crie au scandale devant le cumul de la situation de candidat et de ministre, elle oublie un peu vite que Lionel Jospin était Premier Ministre lors de sa candidature malheureuse de 2001. Pourquoi ce qui était parfaitement admis en 2001 devient-il insupportable en 2006 ?

13 décembre 2006

Paroles d’évangile

En 1988, Pierre Bourdieu écrivait ce petit texte qui, du fait des circonstances, retrouve toute son actualité, si tant est qu’il l’ait jamais perdu !

Le monde politique est le lieu de deux tendances de sens inverse : d'une part, il se ferme de plus en plus complètement sur soi, sur ses enjeux ; d'autre part il est de plus en plus directement accessible au regard du commun des citoyens, la télévision jouant un rôle déterminant dans les deux cas. Il en résulte que la distance ne cesse de croître entre les professionnels et les profanes ainsi que la conscience de la logique propre du jeu politique.

Il n'est plus besoin aujourd'hui d'être un expert en sociologie politique pour savoir que le nombre des déclarations et des actions des hommes politiques, non seulement les "petites phrases" sur les "grands desseins" ou les "grands débats" sur les petites divergences entre les leaders ou les "courants", mais aussi les plus graves décisions politiques, peuvent trouver leur principe dans les intérêts nés de la concurrence pour telle ou telle position rare, celle de secrétaire général, de premier ministre ou de président de la République et ainsi à tous les niveaux de l'espace politique. La discordance entre les attentes de sincérité ou les exigences de désintéressement inscrites dans la délégation démocratique et la réalité des microscopiques manœuvres contribue à renforcer un indifférentisme actif …. Mais elle peut aussi inspirer un sentiment de scandale qui transforme l'apolitisme ordinaire en hostilité envers la politique et ceux qui en vivent.

C'est ainsi que les volte-face répétées de dirigeants plus évidemment inspirés par le souci de leur propre perpétuation que par les intérêts de ceux qu'ils font profession de défendre ne sont pas pour rien dans le fait que le Front National recrute souvent aujourd'hui dans les anciens bastions du parti communiste ….

J’ajouterai que ces microscopiques manœuvres sont le signe évident de la dévalorisation de la politique aux yeux des hommes politiques eux-mêmes. Il n’est que de constater, avec effarement, la multiplicité des candidatures potentielles à la présidence de la République (40 à la date d’aujourd’hui) suscitée par le seul besoin de faire parler de soi et d’essayer de récolter le pactole promis à ceux qui atteindraient une audience minimale. A la notion d’une « certaine idée de la France » s’est substituée une « idée certaine des intérêts personnels ».

03 décembre 2006

La démocratie participative

Il n’y a que les pécheurs pour contester la disparition de la ressource halieutique ; il n’y a que les industriels pour contester l’impact de l’industrie sur les changements climatiques ; il n’y a que les enseignants et leurs syndicats pour croire que l’Education Nationale est performante ; il n’y a que les fonctionnaires pour refuser l’évolution de carrière au mérite et refuser la critique des 35 heures ; il n’y a que les partis politiques minoritaires pour réclamer le retour aux pratiques de la IVème République ; il n’y a que les grandes fortunes pour contester l’ISF ;
Il n’y a que les salariés des entreprises publiques pour refuser l’économie de marché ; etc … etc … Bref, chacun ne sait et ne veut voir que « midi à sa porte ». C’est-à-dire que personne n’est capable de remettre en question ses intérêts particuliers au bénéfice de l’intérêt général.
Il est alors inquiétant de voir la candidate aux élections présidentielles du Parti Socialiste construire son programme en notant soigneusement sur son petit cahier à spirale les desiderata de ses concitoyens ! Ce petit cahier va bientôt contenir tout et son contraire, dans tous les cas un fatras de réclamations corporatistes. Quel danger pour le pays que d’en faire un programme présidentiel ! Qui pourrait imaginer le Général de Gaulle notant sur son calepin les demandes corporatistes de ses concitoyens pour décider du sort de la France ? Il ne s’agit pas là d’une démocratie participative mais bien de populisme dans ce qu’il a de plus dangereux. La démocratie participative fonctionne grâce aux instances représentatives. Si celle-là ne fonctionne pas, cela vient du fait que celles-ci ne sont pas représentatives et sont donc incapables de prendre en compte l’intérêt général. Généralement, la démagogie populiste s’exprime de manière détournée, presque clandestine. Nous assistons aujourd’hui à l’ascension au statut de mode de gouvernement de ce type de populisme ! C’est sans détour que la candidate nous explique et nous montre que son projet présidentiel se construit en amalgamant les doléances populaires. La démocratie participative consiste à impliquer les citoyens dans un programme, le populisme consiste à construire un programme à partir des revendications contradictoires des citoyens. Dans la démocratie participative, la démocratie est première. Dans le populisme, la démagogie est souveraine.