27 novembre 2011

Du beau, Du bon, Dubonnet

Il y a une cinquantaine d’années, la publicité s’appelait la réclame. Qui ne se rappelle le célèbre « Du beau, Du bon, Dubonnet » qui agrémentait les tunnels du métro ? La réclame était faite d’affiches dont le graphisme réjouissait la vue. Certaines de ces affiches sont devenues célèbres et les rares exemplaires qui ont survécu ont pris une valeur considérable pour le bonheur de leurs heureux propriétaires. Tout a commencé à changer avec la télévision. Le graphique a été remplacé par des courts-métrages de quelques dizaines de secondes. La réclame est devenue la publicité et le dessin a été remplacé par la communication. Aujourd’hui, deux tendances fortes imprègnent les séquences de publicité de la télévision. Tout d’abord, la mise en scène de la famille française présente invariablement des individus d’une insondable bêtise, voire complètement lobotomisés. Ces séquences sont censées être humoristiques ! La seconde tendance lourde est l’apparence faussement scientifique de certaines publicités qui s’agrémentent de statistiques ou de mesures chiffrées (le fameux 99,9% !) qui n’ont absolument aucune signification et sont à la limite de la publicité mensongère. On sait aujourd’hui que 80% des allégations de santé qui accompagnent les alicaments sont mensongères En effet, ces annonces avancent des chiffres ou de soi-disantes études scientifiques qui sont absolument invérifiables … et sont donc n’importe quoi ! Dans ce cas, c’est le téléspectateur lui-même qui est pris pour un demeuré. Parallèlement à ce changement, l’espace a été envahi et il n’est pas un support qui ne soit défiguré par la publicité. Et « Du beau, Du bon, Dubonnet » a été remplacé par des tags. Et que dire de cette publicité indigne d’une banque en ligne qui présente deux spéculateurs ayant fait fortune et se déplaçant sur leur voilier ou leur bimoteur personnel, alors que la rue se peuple de sans-abri ? Ne vous contentez pas de vous indigner, car l’indignation est une facilité faite pour préserver la bonne conscience. Agissez et descendez sur votre trottoir pour faire un don au SDF au pied de votre immeuble !!

12 novembre 2011

Les conseilleurs ne sont pas les payeurs

Deux évènements se sont produits le même jour. En effet, le 10 Novembre, Standard & Poors annonce la perte du triple A de la France dans un communiqué qui fait immédiatement le tour de la planète. L’agence dément presque immédiatement, prétextant une « erreur », mais le mal est fait et les marchés financiers spéculent aussitôt sur la dette française. Le même jour, l'ex-président de la BERD Jacques Attali, ancien conseiller spécial d’un président de la République, annonce dans La Tribune, que la France a perdu de facto sa note triple A. Cette annonce est, bien entendu, aussitôt reprise par tous les médias. La différence entre un meurtre et un assassinat est la préméditation. On peut alors se poser la question de savoir quel crime J.Attali a commis contre la Nation en annonçant urbi et orbi que la France avait perdu « de facto » son triple A, malgré le démenti de l’agence de notation. Lorsque l’on sait que l’ingrédient principal de la bonne marche d’une économie en général et de l’économie financière en particulier est la confiance, en faisant cette déclaration J. Attali a planté un couteau dans le dos de ses concitoyens. Quelles peuvent bien être ses motivations ? S’agit-il d’un assassinat et essaie-t-il de prendre rendez-vous avec l’avenir pour pouvoir, éventuellement, se parer du titre de plus grand économiste de France ? Ou bien cherche-t-il un moyen d’occuper encore un peu plus les médias (livres, journaux, radio, télévision) ? Ou bien s’agit-il d’un meurtre et a-t-il perdu tout sens de l’intérêt général ? Dans tous les cas, il s’agit d’un jeu personnel qui fait fi de l’intérêt commun. L’avez-vous entendu donner quelques conseils sur la marche à suivre pour maîtriser la crise actuelle ? Comme aurait pu le dire Jean de La Fontaine : S’il faut déblatérer, l’Europe en conseillers foisonne. Mais s’il faut exécuter, on ne trouve plus personne !

11 novembre 2011

La spéculation ou la gouvernance ?

Le journal Les Échos titrent en gros : « Les marchés poussent Berlusconi vers la sortie ». On subit, depuis plusieurs mois, un véritable scandale que tous les politiques semblent trouver naturel. Depuis plusieurs mois en effet, on assiste à la mise sous tutelle des gouvernements par les agences de notation et les « marchés », c’est-à-dire les spéculateurs internationaux et leurs affidés. Après l’Irlandais Brian Cowen, le Portugais Socrates, le Grec Papandréou et avant Zapatero en Espagne, Borut Pahor en Slovénie, Berlusconi est poussé vers la sortie sous la pression de ces prédateurs à la recherche, quoi qu’il arrive, de gros bénéfices pour leur propre compte. La spéculation s’immisce dans le gouvernement des pays. Ce fait est, en soi, déjà insupportable. Mais il y a plus grave. On assiste, en effet, à une soumission des responsables politiques qui laisse pantois. Toutes les mesures prises depuis 2008 ont été prises dans l’urgence, la désunion européenne, l’approximation. Et surtout, elles n’ont pas été suivies d’effet, laissant les gouvernants sans réaction. Malgré de grandes déclarations, rien d’efficace n’a été fait concernant la spéculation contre les pays, les paradis fiscaux, les CDS et autres produits spéculatifs dangereux. Le dernier G20, une fois de plus, s’est terminé sur des déclarations de principe en s’engageant solennellement à mener à terme une réforme des marchés dérivés et à faire converger au maximum les dispositifs nationaux pour éviter les risques d’arbitrage réglementaire. Le G20 a décidé également de chercher les moyens d’harmoniser les dispositifs nationaux en matière de règles sur les exigences de garanties financières applicables aux produits dérivés non compensés, d’harmonisation des bases de données centrales et des modalités d’accès à ces données par les régulateurs. Pourquoi de telles mesures n’ont-elles pas été prise au G20 de 2008 ? Pourquoi ne pas interdire ces technologies prédatrices que sont le trading algorithmique et les transactions à haute fréquence, ainsi que les plateformes de négociation opaques (dark pools) ? Pourquoi ne pas séparer les activités bancaires de détail et les activités spéculatrices ? Trois ans plus tard, faute d’avoir pris de telles mesures, l’Europe tout entière est dans la tourmente. Après la Grèce, qui donne le spectacle lamentable d’hommes politiques envasés dans leurs préoccupations politiciennes et à court terme, les « marchés » poussent Berlusconi vers la sortie. On pourrait dire « enfin ! ». Car, là aussi, la politique politicienne et inconsistante de l’Italie depuis plusieurs années a ouvert la porte aux spéculateurs qui s’y sont engouffrés, après leur tir d’essai sur la Grèce et le tir d’essai sur le triple A français. La médiocrité des hommes politiques, les égoïsmes nationaux, le choix des priorités de court-terme, ont conduit à la situation actuelle. Tant que cette situation perdurera, les « marchés » de la spéculation continueront à faire des ravages et des victimes parmi les citoyens les plus fragiles. Les prochaines victimes sont connues : l’Espagne puis la France. Lorsque nous en seront là, l’Allemagne sera à son tour emportée dans la tourmente et prendra peut-être enfin conscience de la nécessité d’une solidarité européenne, mais il sera trop tard. C’est actuellement notre avenir le plus probable si les gouvernants européens ne prennent pas rapidement la décision de mettre en œuvre une véritable gouvernance commune.

08 novembre 2011

La ronde des théories économiques

En 1776, Adam Smith fait paraître « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », ouvrage qui deviendra célèbre et dont certains économistes se réclament encore aujourd’hui. Dans cet ouvrage, A. Smith jette les bases du libéralisme, construit sur trois principes fondamentaux : la division du travail, la taille critique du marché, l’autorégulation des marchés (dit « la main invisible »). Cette théorie a encore aujourd’hui des adeptes, surtout dans le monde anglo-saxon. En 1936, John Maynard Keynes propose une autre explication du fonctionnement des économies du monde occidental. L’œuvre de Keynes fit l’objet de nombreuses interprétations, dont celle consistant à démontrer que la politique budgétaire et fiscale permettait au gouvernement de contrôler la conjoncture économique. Cela a conduit à considérer le déficit comme un outil classique de ce contrôle. Cette interprétation a conduit la plupart des gouvernements occidentaux à s’endetter au-delà du raisonnable et a fini par nous conduire à la crise actuelle. A la fin des années 40 et en réaction à cette théorie qui considère que la politique monétaire est inefficace, Milton Friedman fait paraître une théorie, connue aujourd’hui sous le nom de théorie monétariste, qui veut démontrer l’importance économique de la monnaie, la corrélation étroite entre l’inflation et le taux d’expansion monétaire, l’inefficacité des politiques gouvernementales de relance par l’emprunt, ce type de financement finissant par évincer un montant identique de dépenses privées. Pendant la période que l’on a appelée « les trente glorieuses », les gouvernements, vraisemblablement poussés par la facilité, ont mis en œuvre une politique keynésienne en empruntant à taux nul auprès des Banques Centrales qui leur consentaient ainsi de simples avances. À partir du début des années 60 et sous l’influence des pays anglo-saxons et de l’Allemagne, très attachés à la théorie monétariste et de l’équilibre optimal des marchés obtenu grâce au taux d’intérêt, il fut interdit aux Banques Centrales de prêter directement aux États. Ceux-ci se sont donc retournés vers le secteur privé auprès duquel ils se sont endettés, avec intérêt, de manière excessive. La crise actuelle montre que la théorie de l’équilibre naturel des marchés, monétaires grâce à la variabilité du taux d’intérêt, ne fonctionne pas. Nous sommes donc en présence de théories économiques fondamentales qui montrent toutes deux leur incapacité à prévoir l’évolution de l’économie. D’un côté, la théorie keynésienne a conduit les États à s’endetter de manière incontrôlée et à creuser une dette devenue insupportable. De l’autre, l’équilibre naturel et optimal des marchés monétaires de la théorie monétariste ne fonctionne pas. Sans compter la « main invisible » d’Adam Smith qui, visiblement, n’existe pas. Vive la science économique !

03 novembre 2011

Vous avez dit référendum ?

Il est très mal vu de critiquer l’usage du référendum, au prétexte que la consultation du peuple est l’expression la plus emblématique de la démocratie. Pourtant, l’usage de ce mode de consultation comme arme politique pour éviter de prendre ses responsabilités est un dérapage condamnable. Ce que vient de faire Papandréou est, non seulement un pied de nez aux pays de la zone euro, mais aussi une façon de ne pas prendre ses responsabilités. C’est un peu comme s’il mettait en marche la stratégie du « moi ou le chaos ». Faire appel au référendum en étant assuré d’une réponse négative, quelle que soit la question posée, est un moyen détourné de résoudre un problème de politique intérieure. Il est connu que les citoyens ne répondent jamais à la question posée mais pour ou contre celui qui l’a posée. Dans le cas présent, la réponse est nécessairement négative compte tenu du rejet unanime du gouvernement grec, comme le montrent les manifestations quasi révolutionnaires. Le peuple grec est dans la rue. Comment pourrait-il aujourd’hui donner un accord à ce qu’il refuse depuis des mois ? Si la question porte sur l’acceptation du plan européen d’austérité, la réponse négative est la seule possible. L’incertitude n’existe que si la seule question posée porte sur la sortie éventuelle de la Grèce de la zone euro. Les Grecs peuvent, en effet, hésiter ayant bénéficié, pendant des années, de centaines de millions d’Euros versés par le contribuable européen pour faciliter l’insertion de leur pays dans l’Europe. Aujourd’hui, la remise de dette acceptée par l’Europe représente un cadeau de 100 Milliards d’Euros qui viennent s’ajouter aux 130 milliards d’Euros d’aide promise dans les différents plans proposés par la communauté européenne. Ils connaissent donc tout le bénéfice qu’ils peuvent tirer de leur maintien dans la zone euro. Mais ce maintien ne peut se faire sans que cessent les pratiques fiscales et économiques absurdes nationales et il est normal et logique que les Européens, qui payent pour éponger une partie de la dette grecque, demandent des garanties sur ce point. L’aveuglement, volontaire ou non, qu’ils ont manifesté lors de l’entrée de la Grèce dans la zone euro, n’est plus de mise. En effet, comment comprendre que la Commission européenne ne se soit pas aperçu que l’économie grecque ne fonctionnait que grâce à un laxisme fiscal touchant à la caricature, les seuls vrais acteurs économiques que sont les armateurs étant exemptés d’impôts ou délocalisés dans un paradis fiscal, le travail au noir étant un sport national, le paiement des prestations se faisant en argent liquide pour échapper à tout contrôle et à la TVA, les fonctionnaires étant en nombre pléthorique, le budget militaire étant hypertrophié sans raison, l’impôt foncier impossible à prélever faute de l’existence d’un cadastre crédible, etc, etc … sans parler des dépenses somptuaires faites lors des derniers jeux olympiques qui n’ont fait que creuser encore un peu plus la dette nationale devenue abyssale (plus de 130% du PIB grec). Ce référendum permet à 11 millions de grecs de mettre en danger 320 millions d’européens. Le peuple grec devrait prendre en considération le comportement des Irlandais et des Portugais qui supportent avec dignité les efforts de rigueur demandés par l’Europe. Ajoutons qu’il est saugrenu que le successeur de J.C. Trichet à la tête de la BCE soit un ancien consultant de Goldman Sachs, responsable du truquage des comptes de la Grèce lors de sa candidature à l’entrée dans la zone euro ! Espérons que, comme cela s’est produit à chaque fois, cette crise va accélérer l’intégration européenne, du moins dans la zone euro et que les responsables politiques y regarderont à deux fois avant d’élargir l’Europe aux Balkans !