30 novembre 2010

L’affaire Karachi-enlit

« L’incompréhension du présent naît de l’ignorance du passé » disait Marc Bloch. Pour éviter qu’il en soit ainsi de « l’affaire » Karachi, il est bon de rappeler les faits qui tiennent en seize points.
1 – En 1988, a lieu la réélection de François Mitterrand à la Présidence de la République.
2 – En Mai 1989 débute l’affaire des frégates de Taiwan.
3 – En Août 1991, signature du contrat de vente de 6 frégates militaires pour 16 milliards de Francs.
4 – En 1994, sévit la cohabitation. Édouard Balladur est alors Premier Ministre et Nicolas Sarkozy est Ministre du Budget. La signature d’un contrat de vente de 3 sous-marins au Pakistan a lieu en Septembre. Alors que le contrat semble bouclé, E.Balladur impose deux intermédiaires, Ziad Takieddine et Abdulrahman El Assir, avec versement de 33 millions de Francs de commission. Il est impossible de croire que cela s’est fait sans l’aval de François Mitterrand.
5 – En Mai 1995, pendant la campagne électorale qui verra l’élection de Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy est porte-parole d’Édouard Balladur tandis que Nicolas Basile est son directeur de campagne. Après l’élection de J. Chirac, Dominique de Villepin est nommé Secrétaire Général à l’Élysée. Le Conseil Constitutionnel, avec la voix prépondérante de Roland Dumas alors Président du Conseil, valide les comptes de campagne des deux candidats, malgré l’opposition des quatre membres de gauche et la présence de 13 millions de Francs en espèces et d’origine inconnue sur les comptes d’E. Balladur.
6 – En 1996, Jacques Chirac suspend le versement des commissions. La véritable raison n’en est pas connue.
7 – En Mai 2001 s’ouvre le procès des frégates de Taiwan à la suite d’une enquête entreprise par le juge Éva Joly.
8 – En Juin 2001, la France vend 3 sous-marins à l’Inde, au moment de tensions fortes entre ce pays et le Pakistan.
9 – En Mai 2002 a lieu la réélection de Jacques Chirac et le 8 Mai se produit l’attentat de Karachi, provoquant la mort de onze français appartenant à la DCN.
10 – En Janvier 2004, Dominique de Villepin demande au juge Van Ruymbeck le lancement d’une enquête sur la vente des frégates de Taiwan pour connaître les détails des conditions de cette vente.
11 – Au mois de Mai 2004, le juge Van Ruymbeck reçoit anonymement des listings de comptes secrets de Clearstream sur lesquels apparaissent des personnalités politiques dont Nicolas Sarkozy qui sont soupçonnées d’avoir reçu des rétro commissions.
12 – En 2006, Nicolas Sarkozy se porte partie civile et porte plainte au mois de Décembre.
13 – En Mai 2007, Nicolas Sarkozy est élu Président de la République.
14 – En Juillet 2007, Dominique de Villepin est mis en examen.
15 – En Septembre 2009, débute le procès Clearstream au cours duquel il est démontré que les listings Clearstream sont des faux. En Octobre, Dominique de Villepin est relaxé, mais le procureur fait appel du jugement.
16 – En Novembre 2010, Villepin, Million, Giscard d’Estaing font état de fortes suspicions portant sur des rétro commissions dans la vente des sous-marins au Pakistan.

À l’examen de ces faits, On peut alors identifier deux affaires distinctes. La première porte sur l’existence de rétro commissions ayant servi, peut-être, à financer des partis politiques, voire la campagne d’Édouard Balladur en 1995. Cette affaire pourrait alors être l’occasion saisie par Dominique de Villepin pour assouvir sa haine viscérale et se venger de Nicolas Sarkozy, à la suite du procès Clearstream associé lui aussi à des soupçons de rétro commissions. Pour l’instant, tous les accusateurs, politiques ou médiatiques, ne parlent que de fortes suspicions sans apporter la moindre preuve.
La seconde affaire porte sur les raisons de l’attentat de Karachi. Sur celle-ci on peut alors faire quelques hypothèses, sans qu’aucune d’elles ne puisse également être étayée par des preuves. Première hypothèse : l’attentat est la conséquence de l’arrêt du versement des commissions dues au contrat des sous-marins. Cela suppose que les intermédiaires aient des accointances avec le terrorisme. Dans ce cas, on peut s’interroger sur les raisons qui ont poussé Édouard Balladur à les mettre dans le circuit. Seconde hypothèse : l’attentat est l’œuvre d’Al Qaida, mais cette organisation ne l’a jamais revendiqué, ce qui est en contradiction avec tous les autres attentats dont elle est l’instigatrice. Troisième hypothèse : l’attentat est l’œuvre des services secrets pakistanais en répression de la vente de trois sous-marins à l’Inde, ce qui, compte tenu de l’attitude pour le moins ambiguë du Pakistan vis-à-vis du terrorisme, est plausible.
Reste à comprendre l’attitude du gouvernement et de l’Administration au sujet du secret Défense dont ils ont entouré tout ce qui touche à la vente des frégates de Taiwan, des sous-marins au Pakistan et à l’attentat de Karachi. Que chacun se fasse une opinion sans oublier que des suspicions n’ont jamais fait une preuve.

26 novembre 2010

Incertitude ?

Les grandes manœuvres se déploient au sein du Parti Socialiste qui veut nous faire croire que, pour les élections présidentielles de 2012, les jeux sont démocratiquement ouverts. L’écran de fumée des primaires cherche à nous aveugler et nous faire croire que les choix ne sont pas arrêtés. À y regarder de plus près, on s’aperçoit qu’il n’en est rien. Les candidats à la candidature se multiplient qui pourraient nous faire accroire que la démocratie règne au sein du parti alors qu’en fait les jeux sont (pratiquement) faits. On peut, en effet classer toutes ces candidatures en deux catégories. La première regroupe les trois candidats « poids lourds », à savoir DSK, Martine Aubry et Ségolène Royal. La seconde agglomère tous les autres candidats, déclarés ou non. En ce qui concerne le trio de tête, l’entente est manifeste (et déclarée) pour que le candidat officiel soit DSK. Celui-ci ne peut actuellement se déclarer officiellement candidat sans démissionner aussitôt de son poste de directeur du FMI. Or, cette fonction participe de façon primordiale à sa crédibilité. Il doit donc la préserver le plus longtemps possible. Il ne se déclarera officiellement qu’au second trimestre 2011, c’est-à-dire un an avant la fin de son mandat au FMI. Il se peut même que Martine Aubry se déclare candidate au début des primaires pour conserver la place « au chaud » et démissionner afin de laisser la pace à DSK trois mois avant les élections présidentielles, ce qui permettrait ainsi à DSK de conserver sa position internationale presque jusqu’à la fin de son mandat. Quant aux autres candidats, leur seule ambition est de « se placer » pour les élections suivantes, à savoir celles de 2017. L’indignation qu’ils manifestent devant l’entente de fait entre les trois premiers n’est que pure façade. Ils savent pertinemment qu’ils doivent se construire une crédibilité et une visibilité nationales pour avoir la moindre chance d’être élu. Les primaires leur offrent cette possibilité, du moins l’espèrent-ils. Tous ne gagneront pas à ce jeu. Il n’y a, dans tous les cas, aucune incertitude réelle sur le nom du candidat officiel du Parti Socialiste.

22 novembre 2010

L’Univers a-t-il une origine ?

Le grand problème actuel de la Cosmologie est d’expliquer l’origine de l’Univers. Le chemin suivi est d’utiliser les outils de la mécanique quantique pour chercher à établir une « Théorie du Tout », Graal de la physique contemporaine, capable d’expliquer la naissance et l’évolution de notre Univers. La Relativité Générale prédit un Univers en expansion, ce qu’a confirmé les observations d’Edwin Hubble en 1929 : les galaxies s’éloignent les unes des autres à une vitesse d’autant plus grande qu’elles sont plus éloignées, signe d’une expansion de la géométrie de l’Univers dans toutes les directions de l’espace (ce qui est différent du déplacement des galaxies les unes par rapport aux autres). Comme les équations de la physique sont symétriques par rapport au temps, il est possible de mettre en évidence un monde de plus en plus petit, dense et chaud en remontant le temps. C’est de cette façon que l’on démontre qu’il y a environ 13,7 milliards d’années, l’Univers se réduisait à une singularité, c’est-à-dire un point infiniment dense et chaud. Mais la physique a toujours eu horreur des infinis, ce qui fait soupçonner qu’il se passe autre chose à l’instant zéro. De plus, ce point « zéro » se trouve nécessairement situé dans le « néant » (qui n’est pas le « vide »), ce qui pose quelques problèmes métaphysiques : en effet, dès que l’on cherche à concevoir ce « néant », on donne lui donne une réalité qui exige que l’on se pose la question de savoir « dans quoi » est situé ce néant.
La théorie quantique décrit les phénomènes du monde de l’infiniment petit, la relativité générale décrit les phénomènes gravitationnels de l’infiniment grand. La mécanique quantique définit les interactions par échange de particules (bosons) entre les particules constituant la matière (fermions). La relativité générale, quant à elle, attribue la force de gravité à une déformation géométrique de l’espace due à la présence de la matière, ce qui fait disparaître le paradoxe d’une interaction qui se propagerait instantanément, c’est-à-dire plus vite que la lumière. Il s’agit de deux visions incompatibles du monde. Le modèle standard du monde des particules élémentaires décrit trois des quatre interactions fondamentales (électromagnétique, nucléaire faible, nucléaire forte) en délaissant la gravité. Dans le monde qui est le nôtre, ces deux domaines sont bien distincts, ce qui permet de les traiter séparément. Mais il n’en est pas de même lorsque les dimensions spatiales de l’Univers sont de l’ordre de la longueur de Planck (10 puissance (-35) cm), la matière et l’espace-temps étant alors tellement enchevêtrés qu’aucune méthode de calcul ne sait traduire cette situation qui consisterait à prendre en compte simultanément les quatre interactions fondamentales. Lorsque l’Univers est réduit à ces dimensions, c’est-à-dire à 10 puissance (-43) seconde avant le « temps » zéro (temps de Planck), les équations dégénèrent, l’espace-temps se dissout. Tant que l’Univers n’a pas atteint l’âge du temps de Planck, le temps et l’espace tels que nous les connaissons n’existent pas. En deçà du temps de Planck, la Relativité Générale et la physique quantique deviennent incompatibles car les quatre forces fondamentales sont du même ordre de grandeur et il n’est plus possible d’en négliger une seule. Donc, en-deça du temps de Planck, on ne sait pas ce qui se passe, le prétendu temps zéro n’a pas de sens. Pour essayer de mettre en équation cette « durée » de Planck, les physiciens ont essayé d’élaborer des hypothèses. D’où une floraison de théories (les supercordes, les branes, les multivers, …) , débouchant sur un « événement » initial donnant naissance à notre Univers, qui font disparaître la singularité et, du même coup, l’instant zéro ce qui signifie que l’Univers n’a pas d’origine, au sens temporel du mot. L’inconvénient majeur de ces théories est qu’elles sont invérifiables (au sens de Karl Popper) et qu’elles ne sont donc, à ce jour, que des conjectures et risquent bien de le rester. De plus, aucune théorie n’est et ne sera capable de répondre à l’ultime question : POURQUOI y a-t-il quelque chose plutôt que rien.
Cf. l’ouvrage d’E. Klein : Discours sur l’origine de l’Univers (Éditeur Flammarion)

17 novembre 2010

Colère

Certes, il ne s’agit pas d’un événement considérable. La prestation du Président de la République à la télévision ne porte pas, en elle-même, une révolution ni une révélation. Qui d’ailleurs s’y attendait ? Cependant, il faut constater avec tristesse, que la prévisibilité de ce qui s’est passé est absolument consternante. Le discours pro domo du Président s’est déroulé devant un trio de journalistes pratiquement au garde-à-vous qui, dans un réflexe corporatiste attendu, n’ont trouvé un peu de pugnacité que sur le sujet des journalistes. Le sujet le plus important du moment,à savoir la dette colossale du pays n'a été abordé que pendant 3 minutes. Les commentaires sont aussi d’une navrante prévisibilité et d’une répétitivité consternante. Les commentaires de la majorité parlementaire se contentent de navrantes louanges qui se ressemblent à chaque intervention du Président. Quant aux commentaires de l’opposition de tous bords, ils sont encore plus répétitifs et creux que d’habitude : le président ne parle pas des vrais problèmes, il ne dit pas la vérité, il n’a pas de vision. Combien de fois n’a-t-on entendu cette antienne ? On pourrait croire qu’il s’agit d’un copier-coller des commentaires des interventions de Jacques Chirac. Il y a de quoi hurler de colère !

16 novembre 2010

Continuité

Décidément, rien ne changera jamais au Parti Socialiste. Rappelez-vous quelques morceaux choisis. Pendant deux ans, nous avons été bercé par la critique de l’hyper-présidence et l’omnipotence de Nicolas Sarkozy (président omnipotent, omniprésent, omniscient !). Les ministres « d’ouverture » ont été immédiatement traités de traîtres et leur nomination de manœuvre grossière. Les injures ont plu sur Bernard Kouchner et Éric Besson. La nomination des ministres de « la diversité » a été jugée comme une simple opération de communication. Pendant les quelques heures qui ont séparé la démission du Premier Ministre et sa nouvelle nomination, le Parti Socialiste s’est écrié, de façon ridicule, « à la carence du pouvoir ». À la présentation des nouveaux ministres, le gouvernement a été jugé immédiatement « clanique », les anciens ministres d’ouverture n’ayant pas été reconduits. La reconduite de François Fillon a été le prétexte pour, soudainement, traiter le Président de la République d’hypo-président ! Après l’avoir tant vilipendé, Ségolène Royal ouvre maintenant ses bras à Bernard Kouchner. Tout cela est la marque d’une attitude pavlovienne qui cherche à cacher, sans succès hélas, que le Parti Socialiste n’arrive pas à incarner un parti de gouvernement. Pourquoi crier au retour de la « droite dure », c’est-à-dire faire semblant de s’étonner du fait que N. Sarkozy soit de droite ? À force de vouloir s’opposer à toute force, sans même craindre les contradictions les plus criantes, les hommes du Parti Socialiste en paraissent puérils. Confondre la critique systématique et immédiate avec une attitude politique responsable est une profonde erreur dont ce parti n’est pas sorti. Le parti présidentiel s’est mis en ordre de marche pour les futures élections, les centristes vont s’agiter pour le faire à leur tour, les écologistes se préparent. Il serait temps que le Parti Socialiste en fasse de même et cesse de cacher ses querelles internes sous le tapis de ses soi-disant et fallacieuses primaires dont la véritable raison est de retarder le plus possible le choix de leur candidat. Il est temps qu’il accepte le fait que c’est au candidat d’avoir un projet et non pas au parti d’imposer un carnet de route au futur Président. Il est temps que la vie politique prenne un peu de hauteur et que nous sortions de ces attitudes récurrentes et préfabriquées qui lassent le citoyen.

15 novembre 2010

La différence

Le quarantième anniversaire de la mort de Charles de Gaulle a été l’occasion d’une commémoration médiatique de sa vie et un rappel de tout ce qui a fait la grandeur exceptionnelle de cet homme qui a vécu imprégné « d’une certaine idée de la France ». Animé d’une immense ambition pour son pays qui trouvait ses racines dans l’Histoire, il fut pratiquement le seul chef d’État de la Cinquième République ayant eu une action qui a changé profondément le pays. Tant à la Libération (droit de vote aux femmes, sécurité sociale, nationalisation de grandes entreprises stratégiques) que pendant ses septennats (la Constitution, l’assainissement des finances, la reconnaissance internationale, la décolonisation, l’indépendance nucléaire civile et militaire, le Concorde prodrome d’Airbus, la réconciliation franco-allemande, l’entrée de la Chine sur la scène internationale, le TGV, les autoroutes…), le Général De Gaulle, animé d’une véritable vision pour son pays, a toujours recherché avec succès les voies de la grandeur de la France. Il n’a jamais eu besoin d’un cénacle bavard pour lui bâtir un programme de développement nécessaire au pays. Toujours conscient du rôle éminent du Président de la République, son attitude a été faite de droiture pointilleuse, de grandeur prise souvent pour de la froideur mais conforme à ce qu’il avait écrit sur « le rôle du chef » et d’autorité incontestée. Le rapprochement avec la présidence actuelle fait cruellement ressortir la médiocrité de l’époque. L’inconsistance des discours et la vulgarité des attitudes des politiques actuels qui, en lieu et place d’une certaine idée de la France, n’ont qu’une idée certaine de leurs ambitions personnelles, nous dressent un contraste saisissant avec « l’homme du 18 Juin ». À la recherche permanente de la dignité collective, se sont substitués l’état et l’image actuels déplorables de la présidence, le manque de vision des politiques, un discours des acteurs de tous bords toujours tentés par le populisme, les petites phrases en lieu et place d’idées et de volonté, une image internationale dégradée de la France. De Gaulle parlait de la France lorsque les politiques d’aujourd’hui parlent de « ce pays ». Cela fait toute la différence.

12 novembre 2010

La guerre monétaire

Au début était le troc. Puis est venu l’étalon or. Dans ce système, toute émission de monnaie se fait avec une contrepartie et une garantie d'échange en or. Les parités de deux monnaies différentes sont donc fixées par rapport à l'or, et les taux de change sont stables entre pays participants.
La seconde guerre mondiale a fait naître les accords de Bretton Woods qui ont organisé le système monétaire mondial autour du dollar américain, mais avec un rattachement nominal à l'or. Toutes les monnaies sont définies en dollar et seul le dollar est défini en or. Ce système servira de cadre aux Trente Glorieuses de 1945 jusqu’au premier choc pétrolier de 1974. Aucun contrôle n’ayant été instauré sur la quantité de dollars américains émis par rapport à la quantité d’or possédée, les États-Unis ont la possibilité de ne pas respecter leurs engagements envers les comptes extérieurs. La République Fédérale d’Allemagne, très sensible en matière d'inflation depuis l’hyper-inflation conséquence de la première guerre mondiale (en 1923, les prix doublaient toutes les 48 heures !), mettra fin aux accords de Bretton Woods en cessant de mettre en œuvre ses dispositions provoquant des demandes de remboursements des dollars excédentaires en or. Les États-Unis, qui ne veulent pas voir disparaître leur encaisse-or, suspendent la convertibilité du dollar en or le 15 Août 1971. Le système des taux de change fixes s'écroule définitivement en Mars 1973 avec l'adoption du régime de changes flottants, c'est-à-dire que les monnaies deviennent des marchandises comme les autres, créant un marché monétaire sans régulation. L’économiste Milton Friedman s’est fait le chantre de ce système des changes flottants. Les États européens chercheront cependant à maintenir une certaine stabilité entre leurs monnaies en inventant le Serpent Monétaire Européen dans les années 1970. De leur côté et depuis les années 1950, les pays asiatiques, dont la Chine, maintiennent leurs taux de change sous-évalués, afin d’encourager la croissance par les exportations, au détriment de la demande intérieure. La Banque Centrale Européenne est une institution indépendante (ne relevant pas de l’autorité des gouvernements) qui a pour mission d’éviter l’inflation dans la zone Euro, ce qui l’incite à maintenir des taux d’intérêt élevés. À l’inverse la Fed, banque centrale américaine, joue la dévaluation du dollar en injectant de la monnaie papier pour relancer la consommation intérieure en augmentant la masse monétaire et en dopant les exportations par la dévaluation du dollar. C’est ainsi qu’elle vient de faire fonctionner la planche à billets à hauteur de 600 milliards de dollars, provoquant une dévaluation de fait de la monnaie américaine entraînant à sa suite celle de la monnaie chinoise. Il s’agit d’un dumping financier qui ne dit pas son nom et l’Europe en est la première victime. Ainsi, les deux plus grandes puissances économiques actuelles ont lancé une guerre monétaire dont l’Europe et les pays en développement seront les victimes. Il est à craindre que naissent des tentations protectionnistes dont les conséquences seront dévastatrices. Comme prévu, hélas, le G20 (vain ?) se termine sur un communiqué ronflant et creux, sans aucune mesure réelle et renvoyant à plus tard (aux Calendes Grecques ?) toute évolution en matière de régulation financière et monétaire. Les égoïsmes nationaux sortent sans surprise grands vainqueurs de ce sommet (de la médiocrité).

10 novembre 2010

Un monde incompréhensible

Dans un passé récent, les scientifiques s’émerveillaient que l’on puisse expliquer le comportement du monde physique. Einstein disait : « Ce qui est le plus incompréhensible est que l’Univers soit compréhensible ». Toutes les sciences avaient une loi commune et incontournable : celle de la vérification. Une théorie, pour être crédible, devait impérativement être vérifiable et falsifiable. Cela veut dire qu’une théorie doit pouvoir permettre de tirer des conséquences qui soient expérimentalement vérifiables et qu’il soit possible de réaliser des expériences permettant de mettre éventuellement cette théorie en défaut. Ainsi, par exemple, la théorie de la Relativité Générale prévoit la courbure de l’espace sous l’influence de la matière. Cette courbure permet de prévoir, comme conséquence, qu’un rayon lumineux doit être courbé par la matière. L’alignement de la Terre, d’une galaxie lointaine et d’une étoile massive a pu permettre, grâce aux télescopes modernes, de vérifier cette assertion en constatant que la masse de la galaxie courbait effectivement les rayons lumineux en provenance de l’étoile, celle-ci restant visible malgré la présence de la galaxie (lentille gravitationnelle). Il en est de même avec l’équivalence entre la matière et l’énergie dont l’éclatante vérification se nomme bombe atomique ! Mais, depuis les succès de la mécanique quantique et le développement de la cosmologie, la physique s’est aventurée dans des terrains mouvants pour essayer d’expliquer l’infiniment petit et l’infiniment grand. Par exemple, la notion de localité a disparu de la mécanique quantique sans pouvoir expliquer pourquoi la réalité globale des particules élémentaires se transforme en réalité locale du monde macroscopique qui nous entoure. C’est ainsi également que sont nées les théories des supercordes, des multivers, des branes, toutes hypothèses invérifiables à jamais. La vérification expérimentale de l’existence des cordes, particules élémentaires ultimes supposées, demanderait des accélérateurs de particules accédant à des niveaux d’énergie inaccessibles et de dimensions équivalentes au système solaire. La théorie des multivers, cherchant à expliquer pourquoi la quinzaine de constantes physiques fondamentales possède les valeurs constatées, stipule l’existence d’Univers multiples et inaccessibles, possédant toutes les valeurs possibles pour ces constantes. La théorie des branes cherche à expliquer l’origine de l’Univers par le « choc » entre deux univers différents, ce qui restera à jamais invérifiable. Qui plus est, pour pouvoir développer ces hypothèses, les physiciens, ne trouvant pas les outils mathématiques nécessaires, ont « inventé » de nouveaux outils, ce qui se produit pour la première fois dans l’histoire des sciences. A-t-on le droit de parler encore de théories scientifiques sous prétexte de les avoir habillées de mathématiques idoines ? Mais la physique n’est pas la seule à chercher dans l’invérifiable l’explication de l’inexplicable. En biologie, par exemple, un des grands mystères est la morphogenèse, c’est-à-dire la capacité d’une cellule à se transformer en cellule spécifique d’un organe et à trouver sa place dans l’organisme vivant. Pour tenter d’expliquer cet extraordinaire phénomène, Jacques Monod a « inventé » la téléonomie, c’est-à-dire la capacité qu’aurait une cellule d’avoir un « projet » qui la guide dans la totalité de son évolution. Bien entendu, cette propriété supposée restera à jamais invérifiable. Elle relève de ce que la systémique appelle « les propriétés émergentes », concept permettant de justifier une propriété possédée par un organisme et qu’il est impossible d’expliquer à partir des propriétés de ses composants. Le cerveau humain comporte cent milliards de neurones (autant que d’étoiles dans la Galaxie) et chaque neurone possède entre mille et dix mille connexions. Dans l’impossibilité de comprendre, et encore moins d’expliquer, le fonctionnement d’un organe aussi complexe, le neurologue « invente » l’existence de mémoires spécialisées par type de problèmes. C’est ainsi que l’on parle de mémoire procédurale, mémoire à court terme, mémoire à long terme, mémoire visuelle, mémoire auditive, etc …. Il est, aujourd’hui, impossible d’expliquer le fonctionnement de ces mémoires et, donc, leur réelle existence. Après la physique et la biologie, voici l’économie. L’économie est cette science où l’on ne sait pas de quoi l’on parle et où l’on ne sait pas non plus si ce qu’on dit est vrai ! Dans cette discipline, qui ne manque pas de théories, il n’en est pas une qui n’ait été mise en défaut. Certes, des explications à posteriori ont été données par les experts en économie pour justifier pourquoi ils s’étaient trompés ou avaient été incapables de prévoir. Dans cette « science », en dehors des évidences, aucune théorie n’est capable de fournir des hypothèses aux conséquences reproductibles. C’est pourquoi l’économie n’est pas une science. Nous vivons dans un mode devenu incompréhensible, le comble de l’incompréhension étant le comportement humain même si, dans ce domaine, il est certain que le pire est toujours sûr. Einstein peut être rassuré.

06 novembre 2010

L’argent et les principes

On a le droit de manifester et celui d’exprimer ses opinions et ses convictions. La venue en France du Président chinois a poussé certains défenseurs des droits de l’homme à demander une protestation officielle et publique du Président de la République Française, c’est-à-dire une humiliation publique du Premier ministre chinois. Pourquoi devrait-on faire subir à ce dernier ce que nous ne supportons pas lorsque la même protestation nous vise ? Rappelons-nous la réaction française indignée après la comparaison douteuse d’une commissaire européenne entre l’évacuation des roms en situation illégale et les comportements nazis envers les juifs. D’autre part, l’attitude de donneur de leçons en matière de droits de l’homme que la France aime tant afficher est-elle compatible avec l’état des prisons françaises, la situation des gens du voyage et des exclus dans le pays ? N’oublions pas, non plus, l’histoire et gardons en mémoire, avant de condamner les autres, l’attitude de certains Français pendant la seconde guerre mondiale qui ont piétiné scandaleusement les droits de certains hommes, au seul prétexte de leur appartenance à une minorité. N’ayons pas, non plus, des indignations sélectives. Donne-t-on des leçons aux USA devant leur comportement envers les populations noire et mexicaine et la persistance de la peine de mort dans ce pays ? La nature de nos relations de toutes nature et particulièrement commerciales nous en empêche et explique notre retenue. Peut-on croire qu’une humiliation publique de la Chine n’aurait pas immédiatement des conséquences ? Autrement dit, le gouvernement peut-il renoncer à commercer avec la Chine au nom des principes ? Ceux qui réclament à grands cris une position de matamore sont ceux qui ne risquent pas de perdre leur métier du fait d’une réaction chinoise violente. Les intellectuels s’indignent, mais qu’en est-il des chômeurs, des précaires, des exclus ? Au nom de quels principes peut-on refuser d’avoir des relations économiques avec la puissance en passe de devenir à court terme la première puissance mondiale ? Déjà aujourd’hui la Chine crée tous les ans plus d’ingénieurs que l’Europe et les USA réunis. La France importe tous les ans 30 milliards de dollars de produits chinois dont beaucoup sont fabriqués par des entreprises européennes implantées sur place. L'énorme dette de la France se nourrit chaque année du déficit budgétaire annuel qui, lui-même s'alimente à la balance commerciale déficitaire. Tout ce qui peut favoriser les exportations est donc indispensable. Encore une fois, le réalisme politique gouvernemental n’empêche pas la liberté d’expression du citoyen mais l’efficacité est, parfois, plus grande dans la discrétion. Entre hétaïre et rodomont, il existe une juste attitude.

02 novembre 2010

Le Port de Marseille se meurt

Les activités de transit portuaire ont subi une double révolution vers les années 1970 dans les ports de fret : l’arrivée du conteneur et l’informatisation de la manutention. Cette révolution a eu évidemment des conséquences sur la gestion des ports par son impact très fort sur le coût du transit. Une réforme était devenue indispensable. Cette réforme, qui a fait l’objet d’une loi en Juillet 2008 seulement, prévoit que les ports abandonnent leurs activités de manutention des marchandises, des conteneurs et du pétrole, à des entreprises privées. Mais, exception à la généralité, les terminaux pétroliers de Marseille ont été classés « activités d’intérêt stratégique » ce qui permet au Grand Port Maritime de Marseille (GPMM) de créer une filiale, Fluxel, détenue à 60% par GPMM et à 40% par des partenaires privés, où doivent être transférés les 220 salariés des terminaux, avec une garantie de salaire (même en cas de baisse de l’activité de raffinage) et d’emploi à vie, garantie de retour au sein du port en cas où Fluxel connaîtrait des difficultés économiques et financières. Mais la CGT a toujours refusé cette réforme. Comme, contrairement à toutes les règles, la CGT Marseille a un monopôle syndical qui s’impose aux dockers, elle profite de cette position abusive pour imposer ses revendications par tous les moyens. Il s’est installé, dans la population des dockers, une ambiance mafieuse, dont le chef d’orchestre est le représentant local de la CGT, où le métier se transmet par cooptation voire de père en fils et où le docker ne reconnaît aucune autorité autre que celle du syndicat. L’action négative de la CGT Marseille qui perdure depuis des années et déjà conduit la SNCM au bord de la faillite, a donné au port de Marseille une réputation détestable due aux grèves et aux conflits sociaux répétitifs. Une partie de la clientèle est allée chercher ailleurs une meilleure fiabilité de manutention. Ceci a eu un impact très fort sur l’activité du port qui, comparé aux autres ports méditerranéens, a perdu depuis 1980 le tiers de sa part de marché en termes de trafic global et la moitié en termes de trafic de conteneurs. La dernière entreprise Marseillaise de réparation navale a été liquidée en Mars 2009. La dernière grève de 36 dockers a duré 33 jours, obligé 78 navires de fret à attendre en rade de Marseille (combien d’entre eux iront maintenant à Anvers ou Gènes plutôt qu’à Marseille ?) et coûté de 20.000 à 30.000 Euros par jour à chaque affréteur et plus de 600 millions d’Euros au pays. Elle s’est terminée après que la CGT a obtenu le versement d’une « prime de stress » (sic !) de 150 Euros à chaque docker avec, comme d’habitude, un étalement dans le temps des retenues sur salaire pour fait de grève. Comme la mafia en Calabre, la CGT Marseille impose sa loi par la force en faisant fi de l’intérêt général. Il est vrai que rien ne l’arrête, ayant déjà pratiqué la piraterie en 2005 !