13 février 2007

La démocratie participative

TF1 organise une émission où 100 citoyens, censés être un panel représentatif de la société française, posent des questions pendant deux heures à un candidat à l’élection présidentielle. La première émission a eu lieu en présence de N. Sarkozy. Les premières questions ont porté sur l’interdiction de fumer et sur les radars. Au cours des deux heures d’émission, aucune question n’a été posée sur l’Europe, la dette publique, la Chine et les délocalisations. Rien n’a été dit sur la Défense ou l’Education Nationales, sur la politique française en Afrique ou au Moyen-Orient. Chaque intervenant a posé une question en rapport direct avec ses problèmes personnels : le chômeur sur le fonctionnement de l’ANPE, le viticulteur sur les difficultés de la filière, l’homosexuel sur le mariage gay, le chef de PME sur l’ampleur des taxes, etc, … Aucun des participants n’a été capable d’aborder un problème d’intérêt général. Il n’y a rien là de surprenant, un tel comportement étant parfaitement naturel. Pour la très grande majorité, ce qui touche à l’individuel est beaucoup plus important que le général et le collectif. Dans une émission du type de celle de TF1, chaque intervenant ne peut poser qu’une seule question. Il est alors naturel que, dans ses priorités personnelles, l’intervenant choisisse ce qui le touche au plus près. Et à regarder de près, le lointain reste flou. Ségolène Royal insiste, au cours de sa campagne, sur la création de jurys populaires pour évaluer l’action des élus. Sur quels critères ces jurys vont-ils baser leurs « jugements » ? Il n’y a aucune raison pour qu’ils ne fonctionnent pas avec les mêmes réflexes que les citoyens des panels des émissions de TF1, c’est-à-dire en prenant en compte uniquement la satisfaction par la représentation nationale de leurs intérêts personnels ou corporatifs. La démocratie représentative a été « inventée » pour permettre de donner la priorité à l’intérêt collectif sur l’intérêt particulier. Soumettre la représentation nationale au jugement des jurys populaires revient à subordonner l’intérêt collectif aux intérêts particuliers. N’oublions pas que la première loi de la systémique est que l’addition des solutions particulières ne fait jamais une solution collective. Enfin, si le peuple est un acteur prestigieux, n’oublions pas non plus que la foule est stupide et dangereuse.

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