20 février 2013

La France malade de ses syndicats

Il est compréhensible, il est juste que des hommes et des femmes qui vont perdre leur emploi se battent avec l’énergie du désespoir. Il est normal que la peur et la haine les envahissent. Il est naturel que cette colère cherche un objet sur lequel se déverser. Et la facilité désigne immédiatement le « patron » comme objet de cette colère. Il est aussi dans la logique des choses que les syndicats essaient de prendre cette douleur en charge. Il devrait être dans la logique des choses que ces mêmes syndicats essaient de trouver les voies les plus efficaces pour soulager cette peur. Mais il est désespérant de constater que ces derniers sont incapables d’imaginer des façons de faire qui ne soient pas la copie conforme de celles qui prévalaient il y a un siècle. Le monde a changé et il est en pleine crise. Comme si cette crise mondiale n’était pas suffisante pour entraîner la France dans les difficultés graves qu’elle connaît, les syndicats restent figés dans une attitude qui rappelle la France du XIXe siècle, particulièrement la CGT et FO, et essaient désespérément de faire renaître la lutte des classes. La délocalisation des entreprises a de multiples causes, mais l’attitude, le discours et la vindicte des syndicats envers les chefs d’entreprises en font partie. Les patrons sont, d’après eux, des voyous qui utilisent la délocalisation et les restructurations pour « s’en mettre plein les poches ». Toujours d’après eux, les ouvriers sont les seuls à savoir ce qu’il faut faire pour sauver une entreprise ! C’est tout simple, il suffit de nationaliser en espérant la garantie de l’emploi … c’est-à-dire de faire payer les salaires par l’impôt des français, quelle que soit la conjoncture économique ! On comprend que certains de ces patrons cherchent un lieu plus accueillant pour implanter leurs usines !! Le discours syndical, et parfois même les actes, verse dans la violence et l’outrance qui, généralement, ne mènent à rien. Les menaces proférées chez Peugeot d’Aulnay par les représentants de la CGT envers le management et les non-grévistes sont un exemple de cette outrance. Elle est l’image d’un jusqu’au-boutisme qui, finalement, dessert l’intérêt général. Chez Dunlop (Amiens sud), un accord a été trouvé et l’entreprise fonctionne. Chez Goodyear (Amiens Nord), le jusqu’au-boutisme du syndicat CGT aboutira à la fermeture de l’usine, après avoir, à force de provocations, poussé au renoncement un repreneur venu des USA. De même, l’attitude agressive et menaçante du responsable syndical de Florange n’a surement pas incité Mittal à faire de réelles concessions et les hauts-fourneaux fermeront ! L’attitude jusqu’au-boutiste de la CGT de Portalis, entraînant la disparition des kiosquiers et des petits éditeurs de journaux, la destruction à la lance d’incendie des milliers d’exemplaires d’un journal pris comme tête de turc, la mise en place de bouteilles de gaz prêtes à exploser au milieu des installations industrielles (« on va faire tout sauter ! »), encore une fois revendiquée par la CGT, sont des exemples de ce dévoiement du rôle syndical. Les responsables syndicaux, emportés par l’angoisse personnelle de perdre leur propre emploi, se laissent submergés par la colère et oublient que la recherche d’une solution ne se négocie jamais sous les menaces. Que peut-on construire sur la haine, si ce n’est la prospérité du Front National ? La grève est légitime et légale, mais les injures et menaces sont contre-productives, surtout lorsqu’elles sont proférées par les responsables syndicaux. Le syndicalisme français est malade d’une culture jacobine (tout le monde pareil du haut en bas), d’une lutte des classes (confrontation plutôt que négociation), d’une réflexion obscurcie par la lutte électorale intersyndicale, d’une vision marxiste et simpliste du patronat, d’un aveuglement sur les évolutions du monde actuel. Dans tous les secteurs d’activité, la seule explication avancée par les syndicats sur les difficultés de fonctionnement est le manque de moyens, sans jamais vouloir (ou pouvoir) réfléchir sur la première idée qui vient à un esprit non dogmatique : comment faire mieux avec les moyens existants ? Enfermés dans leur dogmatisme, les syndicats ne veulent pas voir que leur attitude ne rencontre pas l’adhésion du monde du travail (excepté dans le monde des enseignants !). La proportion des salariés syndiqués représentait plus de 30 % des actifs en 1950. Depuis cette époque, on assiste à une diminution progressive de ce pourcentage pour atteindre 7 % aujourd'hui dont 13 % environ dans la fonction publique et seulement 3 % à 4 % dans le secteur privé. En comparaison, le taux des travailleurs syndiqués est de près de 20% en Allemagne, de 70 % en Finlande et en Suède ! Il serait temps que les syndicats français fassent leur aggiornamento avant qu’une étude ne soit tentée sur le bilan des actions syndicales en France depuis cinquante ans ! Il est vrai que notre pays n’est pas avare de contradictions stupéfiantes. Ainsi un parti de la majorité vote systématiquement contre les projets de lois du gouvernement tout en revendiquant sans pudeur un accord électoral avec la majorité pour les prochaines élections, ainsi les enseignants s’opposent aux accords signés par leur propre syndicat qui entérinait un retour à une organisation du temps de travail qui prévalait il y a cinq ans en supprimant ainsi les modifications contre lesquelles ces mêmes enseignants s’étaient alors opposés violemment. La France est économiquement malade et l’action syndicale aggrave sa maladie en refusant systématiquement les modifications profondes dont elle a un besoin urgent. Cette maladie a un nom : le refus du changement.

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