02 février 2014

Polémique stérile

Lorsque l’impérieuse obligation de servir l’intérêt général s’efface devant la défense d’intérêts partisans, le discours des responsables politiques se fait caricature et duplicité. Ces derniers déclinent alors un discours souvent rudimentaire consistant à caricaturer à outrance leur raisonnement dans le seul but d’accentuer la fracture qui sépare majorité et opposition. Il en est ainsi pour l’économie. Traditionnellement, la gauche et les syndicats donnent une préférence sans nuance pour une politique de la demande tandis que la droite soutient que, seule, une politique de l’offre a un sens. Or, la réalité est plus complexe que cette dichotomie simpliste : l’offre crée la demande versus la demande crée l’offre. La symétrie de cette proposition n’est qu’apparente. Les tenants de la demande soutiennent qu’une augmentation du pouvoir d’achat, essentiellement par l’augmentation des salaires ou la diminution des impôts, crée une demande supplémentaire dont la conséquence est une augmentation de l’offre et de la production, donc une diminution du chômage. Les sectateurs de l’offre salvatrice soutiennent au contraire que c’est celle-ci qui engendre la demande au seul motif que, sans offre, il ne peut y avoir de demande. En y regardant d’un peu plus près, on s’aperçoit que les choses ne sont pas aussi simples. On peut, en effet, décomposer la demande globale en demande de services et en demande de produits manufacturés ou non. Dans une situation économiquement difficile et où la charge de l’impôt est (trop) importante, les consommateurs se tournent préférentiellement vers les produits les moins chers. Or, la mondialisation des échanges met à leur portée des produits en provenance des pays en voie de développement, (beaucoup) moins chers que les produits nationaux et sur lesquels se portent naturellement leur préférence (c’est du moins le cas des classes sociales les moins favorisées, donc les plus nombreuses). Ce faisant, cette augmentation de la demande se fait au détriment de la balance commerciale et donc du déficit et de la dette, pour profiter presque exclusivement aux économies étrangères. La réduction du chômage attendue ne peut être que réduite, voire négligeable. Quant à l’offre, son efficacité se mesure à sa capacité à trouver un marché. On peut alors distinguer une offre dont la compétitivité est fondée sur le prix, une autre essentiellement axée sur la qualité et l’innovation. La compétitivité par les prix ressemble à une politique de la demande, conduisant à une augmentation apparente du pouvoir d’achat. Elle a l’avantage d’un effet immédiat mais elle se heurte à la concurrence des produits étrangers moins chers et provoquant une réduction des marges. La compétitivité par l’innovation est beaucoup plus longue à mettre en œuvre car elle passe par des investissements dont les effets éventuels ne peuvent se faire sentir qu’à moyen terme. La condition nécessaire (mais non suffisante) pour que cette innovation existe est que les entreprises aient les moyens d’investir, c’est-à-dire qu’elles dégagent des marges suffisantes. Il y a, cependant, des exceptions à cette contrainte de temps comme l’exemple du téléphone portable le démontre. Cette offre n’a pas été suscitée par une demande inexistante avant l’apparition de ce produit. Par contre, véritable innovation, elle a créée immédiatement une demande nouvelle et importante qui s’est portée sur les produits manufacturés, malheureusement essentiellement étrangers, mais a également créée une offre locale de services chez les opérateurs de télécommunication qui ont trouvé ainsi une clientèle pratiquement captive. Encore faut-il que les consommateurs aient le pouvoir d’achat suffisant pour acquérir ces nouveaux produits et services. Cela montre bien qu’il n’est pas possible, entre la demande et l’offre, de négliger l’un au détriment de l’autre. Les diatribes politiques et syndicales se focalisant exclusivement sur un seul aspect du problème plongent le pays dans une polémique stérile. Une politique de la demande est indispensable pour améliorer le sort des plus démunis, une politique de l’offre est importante pour donner la possibilité d’investir aux entreprises, seules capables de créer des emplois marchands et de réduire le chômage. Plus important encore que d’éviter de tomber dans une dichotomie néfaste et stérile, il faudrait que le discours syndical change de nature et cesse d’instiller dans le monde des travailleurs l’idée mortifère que les chefs d’entreprises sont tous des voyous et des profiteurs. La confiance est une nécessité absolue au fonctionnement correct d’une économie et elle doit exister, non seulement chez les patrons, mais également chez les consommateurs et les salariés. Pour cela, les syndicats devraient changer leur paradigme et cultiver une attitude de recherche du compromis au lieu du culte du soupçon et du conflit. Tout le monde s’en porterait mieux.

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