23 décembre 2010

Les agences de notation

La crise financière majeure qui secoue le monde entier depuis des mois est comme un opéra tragique guidé par un chef d’orchestre, véritable monstre à trois têtes : les agences de notation que sont Fitch Ratings, Moody’s et Standard & Poor’s. Ces organismes, s’érigeant en deus ex machina et hissant haut le drapeau de la transparence et de l’information objective, donnent leur avis (le fameux AAA) sur la confiance que les investisseurs et les spéculateurs peuvent avoir envers des entreprises, des produits financiers, des capacités des États à rembourser leur dette. Le problème est que ces agences sont rémunérées (achetées ?) par ceux-là même qu’elles évaluent. Leur objectivité peut alors être sérieusement mise en doute. Le fâcheux et scandaleux précédent d’Eron est là pour nous rappeler à la prudence, ces agences ayant maintenu une bonne notation de l’entreprise jusque quatre jours avant la faillite ! Avec leur bénédiction, les organismes financiers et les banques ont développé une économie de casino s’appuyant sur des produits structurés complexes utilisant les concepts de titrisation et de dérivés de crédit qui ont tenu un rôle central dans l'accélération des effets de la crise. Dans cette véritable catastrophe, les agences ont joué un rôle majeur dans le développement du marché, à tel point que les banques ont utilisé les modèles développés par les agences elles-mêmes pour faire leurs montages financiers douteux, ce qui a permis à Moody's de donner la notation la plus haute à ces produits structurés. Après la déconfiture tragique des « subprimes », Moody’s et Standard & Poor’s ont conseillé la banque Goldman Sachs, principal responsable de la crise, afin de trouver les meilleures voies pour tirer profit de la débâcle ! S’abritant derrière l’argument que leurs notations ne sont que des opinions, les agences ne garantissent rien à personne et se disent non responsables des conséquences de décisions prises d'après ces opinions. Mais la malfaisance de ces organismes ne s’arrête pas là. En effet, les pays endettés empruntent sur les marchés financiers pour rembourser (ou essayer de rembourser) leur dette, extravagante pour certains d’entre eux. Les organismes emprunteurs décident alors du taux de remboursement en tenant compte de l’avis des agences de notation. Or, celles-ci viennent d’appliquer le principe de la double peine. En effet, après avoir pénaliser les États pour cause de dette excessive, elles pénalisent ces mêmes États pour avoir pris des mesures tendant à réduire leur dette au prétexte que ces mesures risquent d’entraver la croissance. Quelle confiance peut-on avoir dans ces organismes qui manient de façon aussi virtuose et sans vergogne mensonge et hypocrisie ? Quelle crédibilité ont-elles encore ? Le monde ne se porterait-il pas mieux si ces agences n’existaient pas ? On peut le croire.

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