05 février 2006

Caricature et violence

Caricaturer Mahomet engendre des protestations violentes dans le monde musulman qui s’estime offensé dans ce qu’il a de plus sacré. C’est, en tout cas, la partie visible de l’iceberg. Il est, cependant, permis de poser quelques questions. La première qui vient à l’esprit est la suivante : pourquoi a-t-il fallu attendre autant de temps après la parution des caricatures pour voir les musulmans protester aussi violemment ? Quelle instrumentalisation se cache derrière ces manifestations ? Peut-on imaginer que l’intégrisme chiite et iranien ait choisi de soulever les foules au moment où l’Etat iranien et son président sulfureux et dangereux se trouvent soumis à la pression internationale du fait de leurs activités nucléaires ? L’ampleur des manifestations iraniennes permet de le penser.
Au-delà de ce questionnement, reste la question de fond. A-t-on le droit de tout caricaturer ? Si oui, doit-on exercer ce droit quelles que soient les circonstances ? La question est simple, mais la réponse n’est pas aisée. Rappelons-nous tout d’abord les protestations qu’a soulevé l’affiche du Christ cloué sur une croix gammée, affiche d’ailleurs interdite sous la pression du milieu catholique français (ce qui s’est fait sans violence, à la différence des protestations musulmanes). Cette affiche a été considérée comme attentatoire à un sentiment sacré et donc condamnable. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour une caricature de Mahomet ? Ce qui est admissible pour Dieu ne le serait-il pas pour le Prophète ?
La liberté d’expression est un fondement de la démocratie et ne saurait se négocier. Il y a, cependant, une différence entre la possession d’un droit et l’exercice de ce droit en toutes circonstances. J’ai le droit de fumer, mais je ne l’exerce pas pour de pas nuire à ma santé. C’est-à-dire qu’avant d’exercer mon droit, j’ai aussi celui de réfléchir aux conséquences. Une minute de réflexion permettait de prévoir, compte tenu du contexte actuel où les tensions entre l’Occident et le monde musulman sont fortes, que les caricatures soulèveraient nécessairement des protestations. Devait-on prendre ce risque ? Renoncer à publier ces caricatures portait-il préjudice à la liberté d’expression ? Le droit de choisir en toute liberté n’est-il pas aussi fort que le droit de s’exprimer ? Ce droit permet-il de tout dire ? Peut-on tout dire sans réfléchir aux conséquences du discours ? Les discours d’Hitler sont-ils acceptables au nom de la liberté d’expression ? Ne dit-on pas que la liberté individuelle s’arrête là où commence la liberté d’autrui ? Ma liberté individuelle ne permet pas n’importe quoi.
En conclusion, la publication de ces caricatures n’est pas un crime mais une faute. Les violences qui en résultent sont condamnables et instrumentalisées donc suspectes.

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