22 janvier 2007

Les vautours

Henri Grouès est mort ce matin. À peine l’abbé Pierre s’est-il éteint que, tel un chien sur un gros os, les médias se sont emparés avec voracité de l’événement. Événement qui n’a, en soi, rien de surprenant : l’abbé Pierre avait plus de quatre vingt quatorze ans et était malade. Comme on pouvait l’entendre sur les ondes, « son état s’est brusquement aggravé cinq minutes avant sa mort »(sic). Immédiatement se sont élevées des voix, restées par ailleurs bien silencieuses sur le problème de la misère grandissante en France. C’est ainsi que nous avons été aspergé de l’onctuosité larmoyante d’un Albert Jacquard, toujours prompt à venir prêcher sur les ondes, ou des considérations attristées d’un Bernard Kouchner, tenté par l’aventure présidentielle. Mais ils ne furent pas les seuls. Les politiques, les « associatifs », les humoristes bon teint, les « sondagistes », les économistes, les sociologues, les journalistes ont déversé sur les ondes un flot d’émotion hypocrite et convenue. L’abbé Pierre aurait sûrement préféré qu’on parle de lui et de son action avec autant d’intérêt et d’émotion de son vivant, tout au long d’un combat où il fut bien solitaire. Les politiques de tous bords se sont bousculés toute la journée pour venir témoigner de leur sollicitude attristée, poussés par la nécessité impérieuse de soigner leur image médiatique. Que ne les a-t-on entendu plus souvent pendant les cinquante ans de combat solitaire de l’abbé Pierre.

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