16 décembre 2007

Le sabre et le goupillon

La morale est-elle soluble dans la politique, ou, autrement dit, la politique peut-elle être morale ? Voilà une question, vieille comme les démocraties, qui se repose avec plus d’acuité depuis le voyage en Chine de N. Sarkozy et la venue en France de Kadhafi (le guide, der Führer en allemand). La Chine détient le record du monde des mises à mort de ses citoyens et le clown libyen a porté la prise d’otages et le terrorisme au rang de méthode de gouvernement. Le président Français est reçu en grandes pompes à Pékin et Kadhafi est invité à passer ses royales vacances en France, tout cela au nom de l’efficacité économique. Doit-on condamner une telle attitude ou se souvenir de ce que dit Créon à Antigone, expliquant que tout le monde ne peut pas dire non et qu’il faut bien que certains acceptent de dire oui si l’on veut que la cité perdure. Dire non est tellement plus facile que de dire oui ! Refuser permet de se préserver de tout doute, de toute mauvaise conscience, de toute responsabilité. Il n’y a qu’un pas entre ce refus et l’aboulie totale. Accepter en sachant que la morale est blessée, en faisant naître un doute qui envahira la conscience, en acceptant d’être l’objet de critiques virulentes et justifiées est plus difficile. Faut-il refuser l’euthanasie quelles que soient les souffrances ? Faut-il refuser la guerre quels que soient les dangers ? Faut-il refuser la prison quelle que soit la faute ? A la Libération, De Gaulle disait : « la France n’a pas besoin de vérité, elle a besoin d’unité nationale ». Il faut des Créon si l’on veut qu’existent des Antigone. La démocratie consiste à permettre à la voix d’Antigone d’être audible, tout en acceptant que Créon se compromette pour qu’Antigone puisse exprimer son désaccord.

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