27 avril 2010

N’ayez pas peur ?

« N’ayez pas peur … Ouvrez les frontières … » s’exclame Jean-Paul II le 22 Octobre 1978 lors de son premier discours pontifical, donnant ainsi aux Polonais de Solidarnosc le courage de résister au pouvoir communiste. Cette phrase a fait le tour du monde. Son acception courante est une exhortation à ne pas craindre ses adversaires ou ses ennemis. Et cela est une erreur. Nous vivons une époque et dans un monde où nous devons avoir peur car la compréhension du fonctionnement de ce dernier nous échappe de plus en plus. L’exhortation papale ne peut être acceptée qu’en la complétant par la condition indispensable « …si vous avez identifié et si vous connaissez votre adversaire ». Sans cette connaissance et cette compréhension indispensables, nous ne pouvons qu’avoir peur. Or, aujourd’hui, la compréhension du monde devient pratiquement impossible. Avant que l’homme ne vienne la perturber, la nature a toujours fonctionné grâce à des processus complexes mais déterministes. Le but unique de ces processus, moteur de l’évolution, est de doter les espèces vivantes des moyens de protection contre leur environnement pour permettre la reproduction. Avant l’apparition et le développement anarchique de l’espèce humaine, seuls ces processus déterministes organisaient le fonctionnement du monde. Par exemple, pour éviter la destruction de leurs œufs par les prédateurs, les mammifères ont « inventé » la gestation « in vivo ». De même, les plantes à fleurs ont multiplié les moyens d’attirer les insectes pollinisateurs par une profusion de couleurs, de formes et de parfums. Les dinosaures ont « inventé » la course aux armements, les herbivores devenant de plus en plus gigantesques pour intimider leurs prédateurs carnassiers, ces derniers répliquant en devenant eux aussi de plus en plus grands. Mais l’apparition des hommes a tout changé. Ces derniers, en sophistiquant de plus en plus leurs processus de fonctionnement et en perturbant ceux de la nature, ont introduit le chaos son sein. La complexité du monde est, non seulement, devenue plus grande mais elle repose maintenant sur des processus chaotiques. Et ceux-là sont caractérisés par le fait qu’il est presque impossible de prévoir le résultat d’une modification ou d’un dysfonctionnement de l’un d’entre eux. De plus, un petit dysfonctionnement peut provoquer un grand désordre. Cette première décennie du XXI ème siècle nous en a apporté plus d’une preuve. Ainsi, la faillite de la banque américaine Lehman Brothers en 2008, que personne n’avait prévue, a failli provoquer l’effondrement du système bancaire de la planète tout entière. L’éruption du volcan islandais Eyjafjöll a entraîné l’arrêt du transport aérien sur la moitié de la planète, provoquant des pertes économiques encore aujourd’hui difficiles à estime, mais dépassant plusieurs milliards de dollars. Le laxisme et le mensonge du gouvernement Grec dans sa gestion économique provoquent de tels remous dans l’économie mondiale que l’Euro et l’Europe elle-même sont en danger d’éclatement. Qui, aujourd’hui, peut dire quelles seraient les conséquences d’une faillite de la Grèce et de sa sortie du système monétaire de l’Euro ? Personne. On voit bien qu’actuellement tout dysfonctionnement surprend par l’ampleur de ses conséquences et que, jamais, nous n’y sommes préparés. Le lent réchauffement atmosphérique produit des effets majeurs sur le continent Antarctique, notamment sur les plateformes de la péninsule qui sont en train de se disloquer sous nos yeux. Nous sommes bien au sein d’un système chaotique qui n’a plus rien de déterministe. Et c’est de cela dont nous devons avoir peur. Si nous voulons éviter de vivre dans la peur, il nous faudra être sérieusement à l’écoute de notre monde pour discerner et interpréter les signaux faibles (il y a longtemps que l’on aurait dû s’apercevoir que la Grèce jouait au poker menteur), annonciateurs avancés de dysfonctionnements, et d’en envisager le plus en amont possible les conséquences. N’ayez pas peur, si vous avez identifié et si vous connaissez votre adversaire. C’est l’unique façon de vivre dans une société qui présenterait une qualité extrêmement précieuse et qu’elle n’a pas aujourd’hui : la capacité d’une adaptation préventive et anticipée. Vous êtes inquiet, mais n’ayez pas peur … le pire est à venir.

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