07 mars 2008

Recyclage

L’art principal des gourous du consulting est linguistique. Il suffit, en effet, d’inventer un mot pour désigner un processus de conseil pour que les trompettes de la renommée plongent le monde de l’entreprise ou politique dans l’admiration sans réserve. Et, la plupart du temps, le processus rebaptisé n’a pas grand-chose d’innovant en comparaison des pratiques antérieures. C’est ainsi que, dans les cabinets de conseil intervenant en entreprise, on a vu fleurir, au cours des vingt dernières années, un florilège de vocables et d’expressions qui, en fait, se révèle n’être qu’un coup de peinture sur un ancien support : l’excellence, le business process engineering, la qualité totale, le management par objectif, la théorie Z, l’organisation en flux tendus, l’orientation client, le produit total, le QQOQC, le business to business, le knowledge management, le reengineering, le budget base zéro, etc, etc … ! Le pétrole s’épuise mais pas l’imagination des consultants. Un nouveau concept monte à l’horizon de la renommée : le storytelling, c’est-à-dire l’art de raconter des histoires au service de l’entreprise ou du politique. Les ouvrages sur le sujet se multiplient et deviennent la nouvelle bible des managers. Il s’agit, paraît-il, d’une véritable révolution dans l’art du marketing ou de la manipulation politique. Or, il me revient en mémoire une idée que j’ai mise en pratique (car j’ai aussi été consultant !) dans les années 1980 : lorsque nous avions une proposition d’intervention à présenter à une entreprise, plutôt que de donner une liste interminable de références concernant nos interventions antérieures, nous avons décidé d’en choisir deux ou trois et de détailler la mission que nous avions remplie et la façon dont elle s’était déroulée. Sans le savoir, nous avions inventé le storytelling !! Comme il faut bien donner un peu d’épaisseur à ce concept, les « inventeurs » y font entrer de force le discours marketing, les outils de simulation, les promesses des candidats politiques ou des présidents de la République. Les gourous du storytelling nous disent, sérieusement, que « les opérations psychologiques sont destinées à adresser des informations sélectionnées à des leaders et des publics dans le but d’influencer leurs émotions, leurs motivations et, finalement, leur conduite ». On ne peut mieux dire qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil ! C’est ainsi que le monde fonctionne depuis qu’un homme a voulu échanger (un objet, une idée, …) avec un congénère. On ne peut pas dire qu’utiliser l’affirmation plutôt que la vérité soit un comportement très nouveau !! Il n'y a, finalement, que deux problématiques en entreprise : persuader le client et réduire les coûts. Le consulting est, en fin de compte, une belle machine à recycler.

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