13 juin 2008

Avenir et formation

La formation permanente coûte annuellement en France quelque vingt-six milliards d’Euros. Ce montant comprend les dépenses des entreprises et celles de l’État. Quatre-vingt-dix organismes collectent les cotisations des entreprises, soit 0,9% de leur chiffre d’affaires, qui génèrent des coûts de gestion très (trop) importants. On est donc en face d’un système coûteux et lourd, dont l’efficacité est douteuse et le fonctionnement entaché de soupçons. Une entreprise qui perd des parts de marché, dont le compte d’exploitation est déficitaire et dont l’endettement s’accroît est une entreprise condamnée à la faillite. Personne n’en doutera. La France est dans le même état. Elle perd régulièrement des parts de marché dans le monde du fait de l’apparition de nouveaux compétiteurs et du manque de compétitivité des entreprises françaises, essentiellement des PME. Sa balance commerciale est durablement déficitaire et son endettement a atteint des niveaux qui deviennent insupportables. Ces trois caractéristiques sont fortement liées : si l’offre des entreprises n’est pas assez attractive, le volume des exportations va croissant au détriment de la balance commerciale qui alimente la dette. Pour inverser la tendance actuelle, il faut absolument rendre les entreprises plus compétitives. Et cela passe nécessairement par l’enseignement et la formation qui ne sont manifestement pas assez efficaces car insuffisamment pris au sérieux. Les grandes entreprises du CAC 40 l’ont compris depuis plusieurs dizaines d’années et ont organisé la formation de leurs salariés en créant leurs propres « universités » et leur propre cursus de formation interne (accueil et intégration des nouveaux salariés, formation au management, formations métiers, langues, …). La gestion prévisionnelle des compétences est devenue une préoccupation qui se revendique parfois comme stratégique. Il n’en est pas de même pour les PME qui sont rebutées par le coût des formations proposées par de multiples organismes dit spécialisés, et dont le sérieux peut souvent être mis en doute, coûts aggravés par les dépenses de déplacement et de séjour. L’axe de la réflexion à mener est simple : en s’inspirant de Mahomet et de la Montagne, disons que s’il est trop coûteux pour les PME d’aller à la formation, faisons en sorte que la formation vienne à l’entreprise sans perdre le bénéfice de l’effet de volume. Il est, en effet, improbable qu’une PME puisse supporter seule le coût d’une formation spécifique. Pourtant, la solution existe. Elle passe par l’utilisation généralisée de la formation à distance (le e-learning). À une condition : que soit profondément repensée la place de la formation dans le temps de travail. Le e-learning bien conçu met à la disposition de l’apprenant des informations, méthodes et outils lui permettant d’accroître son efficacité en vérifiant continûment l’assimilation des connaissances. Mais il nécessite un changement d’état d’esprit tant chez l’apprenant que chez le manager. L’apprenant doit prendre conscience que l’outil de formation mis à sa disposition est destiné, non pas à lui permettre de « consommer » son droit à la formation en échappant pour un temps aux exigences de la production, mais à améliorer son employabilité et, donc, la sécurité de son emploi. Le manager, quant à lui, doit assimiler le fait que la formation n’est pas seulement une obligation légale mais une obligation et un investissement opérationnels et qu’il sera jugé sur l’efficacité de cet investissement. Il doit aussi comprendre que l’utilisation de cet outil donne à l’apprenant la liberté de combiner les temps de formation et les temps de production comme le souhaite celui-là, la contrepartie de cette liberté étant un suivi efficace de sa formation. Cela revient à accepter, pour le management, le remplacement de la gestion du temps de formation par la mise en place d’un tableau de bord mesurant les gains de productivité obtenus grâce au e-learning. L’alternance proposée à l’apprenant entre l’apprentissage et la mise en pratique presque immédiate accroît considérablement l’efficacité de la formation et, par conséquent, de l’investissement correspondant. Certes, la réalisation des modules de formation représente un coût initial qui peut être trop important pour une PME. Celles-ci peuvent alors se regrouper par secteurs industriels et/ou bassins d’emploi pour partager ces coûts. Les organismes chargés de collecter les cotisations des entreprises auraient alors la charge de favoriser et d’organiser ces regroupements, sous le contrôle des Conseils Régionaux. Les dépenses en formation à distance et sur mesure des PME devraient être considérées comme de l’investissement et bénéficier de dégrèvements fiscaux. On peut également envisager que les grandes entreprises participent à la mise en œuvre de cette formation chez leurs sous-traitants. Que l’imagination prenne le pouvoir ! Mettre la formation au cœur de la production est le secret d’une amélioration de la compétitivité des PME et le chemin vers une amélioration de celle de la France. La formation n’est pas un droit acquis mais un outil indispensable d’efficacité et d’évolutivité.
Les contradictions n’étant pas ce qui manque le plus dans le discours politique, on entend dire, pratiquement dans la même phrase, qu’il est impensable d’allonger la durée de la vie active et qu’il est insupportable d’avoir un nombre aussi faible de seniors au travail. Personne ne semble sensible à la contradiction de ces deux propositions. Les tenants de la réduction coûte que coûte (au sens propre !) du temps de travail sont encore animés du réflexe des époques industrielles où les conditions de travail étaient difficiles et avaient un impact négatif sur la durée de vie. Nous n’en sommes plus là ! L’augmentation considérable de l’espérance de vie rend évident le nécessaire partage du supplément de durée de vie entre travail et repos. Il faut savoir que si le taux d’emploi des seniors était en France au même niveau que la moyenne européenne, il n’y aurait plus de problème de financement des retraites. Avec un peu plus de sérieux, on peut affirmer qu’il est souvent dommageable, pour l’entreprise, de se séparer prématurément de l’expérience des seniors avant que celle-ci ne soit transmise aux salariés moins expérimentés. Il arrive aussi, il ne serait pas sérieux de le nier, que certains seniors ont besoin d’une mise à jour de leur savoir du fait de l’évolution rapide des techniques. Cela est particulièrement vrai dans le domaine de l’information, de la communication et de l’informatique. La formation à distance est alors un précieux outil susceptible d’être une réponse à ces deux situations. Pour les seniors en besoin de formation, cet outil leur permet un apprentissage à leur rythme, adapté à leur idiosyncrasie, ainsi qu’une application immédiate du savoir acquis. Ce mode particulier de formation qui peut, bien sûr, être proposé à tout salarié, demande une organisation spécifique, en particulier un tutorat chargé d’orienter et d’évaluer, tâches qui peuvent être confiées aux seniors expérimentés et émérites prolongeant ainsi la durée de leur vie active. On voit donc qu’il est possible de lever la contradiction soulignée ci-dessus à condition de considérer sérieusement la formation et d’en faire un véritable outil performant d’efficacité de l’entreprise.
Rien n’est plus motivant que d’apprendre.

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