18 mai 2009

Morale et profits

Le Président de la République a relancé une idée du Général De Gaulle, à savoir la juste répartition des bénéfices de l’entreprise entre les investissements, les actionnaires et les salariés. Ce fut, à l’époque, le lancement de l’intéressement et de la participation. Le rapport Cotis, remis ces jours-ci au gouvernement, précise ce que tout le monde sait depuis longtemps, à savoir que les salariés sont mal traités depuis une quinzaine d’années. Il suffit d’être salarié pour savoir cela ! Toutefois, les chiffres fournis par le rapport ont le mérite de donner du corps et une réalité objective à un sentiment confusément ressenti. Que se soit l’évolution salariale, la part des salaires dans la valeur ajoutée ou la répartition des bénéfices, le salarié est, dans tous les cas, le parent pauvre de l’entreprise. Du statut de personnel (à connotation individuelle), il est descendu à celui de ressources humaines (conglomérat anonyme dont on gère la consommation) pour sombrer finalement dans celui de variable d’ajustement (consommables et produits jetables). La crise actuelle n’est que le révélateur d’une situation qui s’est développée depuis les années 1980. C’est à cette époque que l’on a vu fleurir le concept de gouvernance dans les entreprises, pour le seul bénéfice des actionnaires. Derrière cette politique d’entreprise, se cachait l’action des fonds de pension anglo-saxons qui, au sein d’une compétition intensive, promettaient à leurs clients des taux de rendements extravagants. Pour obtenir ces rendements, ils ont soumis les grandes entreprises, dont ils détenaient les actions, à une pression de plus en plus importante pour obtenir des dividendes de plus en plus élevés et complètement déconnectés des performances réelles des entreprises. Ces dernières, soumises à un véritable chantage économique, ont recherché tous les moyens possibles pour augmenter la valeur des actions : réduction des investissements au profit des dividendes, utilisation des bénéfices pour racheter leurs propres actions afin d’en augmenter la valeur, recherche drastique d’économies de fonctionnement par utilisation de la variable d’ajustement que sont devenus les salariés, délocalisations vers des sites à coûts salariaux minimaux, investissements dans des produits toxiques à haut rendement et à hauts risques, etc … L’entreprise doit, bien sûr, faire des bénéfices, mais il est temps de se poser la question de savoir quelle est sa véritable raison d’être : une machine à faire de l’argent ou un organisme intégré dans une vie sociale ? Dans ce dernier cas, elle doit impérativement avoir une morale et fonctionner selon des principes qui respectent tous les acteurs internes et externes. Le comportement récent de certains patrons de grandes entreprises montre qu’il semble qu’ils l’aient oublié.

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