14 octobre 2008

La criiiiiiiiise !

L’École de Chicago vient de subir la plus grave crise de son existence. Cette école, devenue le parangon de la pensée économique et qui ne compte pas moins de vingt-cinq prix Nobel, s’est toujours fait le chantre du libéralisme pur et dur : la main invisible d’Adam Smith est une main magique qui, toujours, offre la meilleure solution possible. Jusqu’au-boutistes, les tenants de cette doctrine prônent le laisser-faire et la liberté inconditionnelle d’entreprendre. La crise que nous venons de traverser montre avec éclat les limites de cette doctrine qui, poussée à l’extrême, devient dangereuse pour tout le monde. Car l’homme est avide et, au nom de cette avidité, il est capable du pire si rien ne l’arrête. Déjà, le simple fait de laisser se développer considérablement des activités consistant à créer de l’argent à partir de l’argent est une aberration qui heurte le sens commun. Le fait d’avoir laissé se développer cette économie fictive restera le paradigme absolu de l’erreur politique et économique. On pourrait même dire la preuve de la bêtise humaine. Tout a commencé avec la recherche frénétique de rendements insensés des actions. Les petits génies mathématiciens de la bourse ont alors inventé des produits financiers de plus en plus incompréhensibles, en dehors des lauréats de la médaille Fields et des traders fous, produisant des plus-values inconsidérées mais de plus en plus risquées et aléatoires. Ces petits génies de la finance ont inventé des produits tellement sophistiqués que les acteurs du contrôle et de la régulation n’y comprenaient plus rien et étaient bien incapables d’alerter qui que se soit. Les fonds de pension se sont rués sur ces produits financiers, perdant de vue le risque qu’ils faisaient courir à leurs souscripteurs. On peut d’ailleurs se demander si d’autres organismes, telles les collectivités locales, n’ont pas cédé au mirage de ces rendements extravagants ! Les entreprises, à leur tour, se sont alors vu contraintes, sous la pression des fonds de pension actionnaires, de leur assurer des revenus d’actions comparables, ce qui les a conduites, elles aussi, à des actes condamnables, voire illégaux (rappelez-vous Enron !). Lorsque ce fragile équilibre s’est rompu, tout le monde s’est mis à se méfier de tout le monde. Or, la circulation de la monnaie est à l’économie ce que le sang est à la vie : indispensable. Si elle ne circule plus, l’économie s’arrête. Ce sont les versements et les prêts entre banques qui représentent le plus gros de cette circulation. Lorsque les banques, inquiètes, cessent de faire circuler la monnaie, tout s’arrête. La crise actuelle s’est développée sur la méfiance des banques les unes envers les autres à cause du phénomène de titrisation qui répand le risque de façon tellement diluée mais sans l’atténuer qu’il devient indétectable. Or une banque, pour pouvoir prêter, a besoin elle-même d’emprunter et elle le fait classiquement auprès des autres banques. Lorsque la méfiance s’installe, les banques ne se prêtent plus et les prêts aux entreprises se tarissent, d’où une répercussion sur l’économie réelle. C’est là le risque majeur de la crise financière que nous venons de connaître. Et rien ne dit que nous en sommes sortis, malgré les dispositions prises par les gouvernements. Bien entendu, il y a des responsables. Bien entendu, chacun souhaite qu’il y ait des sanctions. Punir les responsables est une saine réaction mais qui demande à être examinée : ou bien on découvrira des malversations et la loi prévoit dans ce cas des sanctions pénales, ou bien il ne s’agit que d’une prise de risque trop grande et l’on voit mal comment punir les responsables autrement qu’en les renvoyant à leurs chères études … avec leurs parachutes dorés ! Le coup de frein donné à l’économie va perdurer longtemps et nous allons bientôt en sentir les conséquences.

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