11 février 2009

La systémique de crise


La crise est devant nous. Elle est financière, elle devient économique, elle sera bientôt sociale et peut-être politique. L’avenir est sombre et il est difficile de voir de quoi il est fait. On aurait pu croire que la gravité de la situation pousserait les politiques et les partenaires sociaux à l’unité de réflexion et (pourquoi pas) d’action, conscients qu’ils devraient être de la gravité de la situation et de l’intérêt national. Hélas, il n’en est rien comme toujours. L’avenir du pays pèse de peu de poids devant les pulsions électoralistes, que ce soient celles des politiques ou des syndicats. Il n’est pas besoin d’être un expert pour savoir que l’économie est le domaine-roi de la systémique. C’est-à-dire que « tout dépend de tout » et que les cycles créent une interaction infiniment complexe entre les différents paramètres économiques. C’est cette complexité même qui donne au système tout entier des propriétés que ne possède aucun de ses éléments constitutifs. Un contresens absolu est donc d’extraire de ce schéma global les seuls éléments qui servent une démonstration manichéenne au service exclusif d’une idéologie ou d’une corporation. Évoquer l’augmentation des salaires sans parler des conséquences sur les coûts salariaux, le taux d’épargne, le niveau des importations, l’évolution de la demande, de l’offre et des prix, les taux d’intérêt, etc…, n’a absolument aucun sens. L’économie étant systémique, la crise l’est nécessairement. Cela veut dire que se préoccuper de quelques éléments de l’ensemble peut être dangereux, les effets obtenus étant tout-à-fait différents de ceux escomptés. Par exemple, recapitaliser les banques pour leur redonner les moyens de prêter aux investisseurs n’aura aucun impact si la demande de prêts n’existe pas, l’épargne de précaution étant préférée à l’investissement à cause de l’incertitude et du manque généralisé de confiance et de la mauvaise volonté des banques elles-mêmes (qui refusent par exemple d’accorder des prêts à l’industrie automobile dont elles ont, elles-mêmes créée les difficultés !).
Mais, il y a plus difficile. L’analyse du système doit être dynamique, c’est-à-dire doit prendre en compte l’effet du temps. Favoriser l’investissement est un pari sur l’avenir. Rien ne dit que la récession ne deviendra pas une dépression avant que cette politique ne fasse sentir ses effets. Et, si la dépression crée une crise sociale et politique, l’investissement n’aura aucun effet car il n’existera plus. Ainsi, les questions qui se posent au politique sont les suivantes :
• faut-il privilégier l’investissement sur la consommation ?
• combien de temps faudra-t-il pour que le soutien à l’investissement produise son effet?
• quelles mesures d’accompagnement faut-il prendre pendant ce temps?
• ces mesures d’accompagnement auront-elles l’effet souhaité?
• comment restaurer la confiance ?
En ce qui concerne ce dernier point, une condition essentielle au rétablissement d’un certain degré de confiance est de voir le politique prendre les mesures nécessaires pour punir les responsables de cette crise (les financiers « initiés ») et éradiquer les mécanismes ayant provoqué cette débâcle. Voulez-vous parier qu’il n’en sera rien ? Même si la crise se calme un peu dans les mois qui viennent, tant que le système financier organisera un excès d’offre de produits compensés par l’endettement excessif des non-initiés (c’est-à-dire de ceux qui n’ont aucun moyen d’apprécier le risque encouru), le risque d’une crise encore plus profonde et violente existera.
En outre, il y a une hypocrisie fondamentale dans le fonctionnement de l’Europe. La Commission s’évertue à stigmatiser les comportements anti-libéraux des États Européens. Or, cette même commission a accepté que, pour des opérations qualifiées de temporaires, une entreprise applique à ses salariés des conventions collectives différentes selon que ces travailleurs sont nationaux ou pas. C’est un boulevard ouvert à la concurrence fiscale déloyale et, par suite logique, au protectionnisme déguisé. C’est ce que pratiquent nombre de pays européens. Le « chacun pour soi » hypocrite et déguisé est la règle de fonctionnement des pays européens. En l’absence d’un gouvernement économique fédéral européen, en l’absence d’une harmonisation des politiques fiscales et sociales, les initiatives que vont prendre les États seront immanquablement qualifiées de protectionnistes par ceux qui sèment le désordre. Les grandes déclarations de principe ou hypocritement indignées n’empêcheront pas que les égoïsmes nationaux vont prévaloir devant la crise qui s’étend … et que le pire est à craindre .

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