26 janvier 2009

Le paravent des moyens

Une convergence des mécontentements semble se dessiner dans la société française. Les chercheurs, les médecins des hôpitaux, les enseignants, les magistrats, les psychiatres, les fonctionnaires du système pénitenciers se retrouvent dans une protestation commune contre les réformes engagées ou envisagées par le gouvernement. On pourrait s’étonner de cette communauté de récriminations, compte tenu de la diversité des critiques exprimées. Pourtant, en y regardant d’un peu plus près, la logique de ce regroupement apparaît facilement. Toutes ces corporations s’insurgent contre le fait que les réformes veulent battre en brèche ce qui leur sert de paravent à la prise de responsabilité : le manque de moyens. Tous les dysfonctionnements sont « expliqués » sinon justifiés par ces corporations par un soi-disant manque de moyens. La Recherche veut davantage de subsides, les médecins réclament davantage de moyens financiers pour les hôpitaux, les enseignants réclament toujours davantage de postes en refusant depuis des décennies toute réforme, les magistrats expliquent les dysfonctionnements de la justice par le manque de moyens de celle-ci, les psychiatres enfourchent le même train revendicatif, les gardiens de prison expliquent les suicides par le manque de moyens. Si la justice commet de graves erreurs, si l’Éducation Nationale échoue à éviter l’échec scolaire et social, si les psychiatres commettent des erreurs de diagnostics qui conduisent les juges à l’erreur judiciaire, si les hôpitaux sont le siège d’erreurs fatales pour les patients, si les gardiens de prisons ne s’aperçoivent pas des tentatives répétées de suicide, tout cela n’a, aux yeux de ceux qui récriminent, qu’une seule cause : le manque de moyens. Quelle explication commode pour éviter de mettre en cause la moindre responsabilité personnelle ou collective ! Au nom de ce manque de moyens, ces corporations refusent alors violemment tout changement, toute évolution. La résistance au changement n’est plus un handicap, mais devient une valeur et un drapeau. La société court ainsi le risque majeur de la sclérose pendant que le reste du monde change plus rapidement que jamais. Les faillites d’entreprises se multiplient, le pays s’enfonce dans une dette qui devient abyssale mais cela ne fait naître aucune réflexion au sein des syndicats qui continuent à clamer leur seule et sempiternelle réclamation : l’augmentation des salaires et des moyens. L’aveuglement promet un réveil douloureux, voire un cauchemar éveillé.

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