25 avril 2009

Une justice à 3 vitesses

Le Conseil Supérieur de la Magistrature vient de donner son verdict sur la faute du juge Burgaud. Rappelons nous que ce juge a mis en prison pendant quatre ans, pour pédophilie supposée, dix-sept prévenus qui ont tous été finalement acquittés car reconnus innocents. Dix-sept personnes qui ont vu leur vie détruite, l’un d’entre eux n’ayant pas supporté cette infâme suspicion a mis fin à ses jours en prison. Rappelons nous que ce juge a mené une instruction uniquement à charge et a négligé de vérifier la véracité des accusations. Déclaré coupable par le CSM d’approximations et de négligences – ce qui peut être considéré comme une faute professionnelle lourde – le juge Burgaud a été « puni d’une réprimande » ! Dans tout autre secteur d’activités, une faute lourde conduit au licenciement. Mais, pour le CSM, la réprimande est bien suffisante, malgré la destruction de la vie de dix-sept citoyens. Comme l’a si bien dit Coluche, « au bout de dix réprimandes, le juge aura un blâme et au bout de dix blâmes, il sera rétrogradé. De toute façon, le juge s’en moque puisqu’il est en bas de l’échelle ! ». Seule sa conscience pourrait le faire descendre en enfer... mais il ne faut pas rêver. Une fois de plus, le corporatisme effréné des magistrats (à ne pas confondre avec la Justice !) se sera manifesté avec éclat. Lorsqu’on apprend, de plus, que parmi les membres du CSM chargé de juger Mr. Burgaud, se trouvait un magistrat impliqué dans l’affaire pour avoir refusé une mise en liberté provisoire d’un des accusés et qu’il affirme ne pas se souvenir de cette affaire (sic !), on reste confondu devant l’hypocrisie qui gangrène le corps des magistrats. Il y a décidément une justice à trois vitesses : une pour les plus démunis, une pour les nantis ... et une pour les magistrats ! Il ne faut pas d’étonner que les citoyens doutent de la justice de leur pays.

20 avril 2009

Déontologie

Madame Royale se répand dans le monde en s’excusant à l’envi « au nom de la France et des Français ». Au nom de quelle légitimité se permet-elle de parler au nom de ses concitoyens et de se complaire dans une repentance allitérative ? Serait-ce celle de son statut de présidente de la région Poitou-Charentes, une des plus petite région française ? Dans ce cas, qu’elle se contente de présenter les excuses des Charentais. Le reste du pays n’est absolument pas représenté par Madame Royale. Cet entêtement rodomont à parler de façon illégitime au nom du pays indique que la frustration de n’avoir pas été élue à la Présidence de la République est profonde et altère sa réflexion en l’entraînant dans une gesticulation qui frise le ridicule. Il y a là une posture mégalomaniaque qui porte à douter de la capacité de Madame Royale à endosser la charge suprême.
D’autre part, s’expriment des parlementaires de la majorité comme de l’opposition pour contester la réalité des paroles que l’on prête à Nicolas Sarkozy. Cela montre que Libération, à l’origine de cette péripétie, a manqué de déontologie en omettant de s’assurer de la réalité des paroles imputées au Président. Un journaliste professionnel et sérieux aurait dû entendre tous les protagonistes avant de publier un article orienté et subjectif. Il n’aurait surtout pas dû sortir la citation de son contexte. Ce n’est pas la même chose de dire « Mr. X n’est pas intelligent » ou « Peut-être que Mr.X n’est pas intelligent, mais … ». La seconde phrase montre, à l’évidence, qu’il s’agit d’une réponse et que la critique d’origine vient d’ailleurs. Mais Monsieur L.Joffrin laisse son animadversion pour le Président de la République l’emporter sur la déontologie du journaliste.
Dans un cas comme dans l’autre, l’esprit est embrumé par des ressentiments personnels qui occultent l’objectivité de l’information et la dignité de la fonction.

18 avril 2009

Lettre ouverte aux médecins et aux enseignants

Il est un certain nombre de vérités que certains citoyens ne veulent pas entendre. En particulier, le corps des médecins et celui des enseignants. On entend aujourd’hui ces deux corporations réclamer à grands cris le « retrait du projet de loi du gouvernement » au nom d’une « vision purement comptable » ou d’une « privatisation rampante » ! Voilà des citoyens qui ne vivent que grâce à la bonne volonté du reste de la Nation et qui ne veulent tenir aucun compte des difficultés collectives. Les médecins ne vivent que grâce à la Sécurité Sociale, c’est-à-dire à la solidarité nationale, et les enseignants ne vivent que grâce aux salaires versés par l’État. Dans les deux cas, c’est donc par l’impôt que ces corporations obtiennent les émoluments qui leur permettent de vivre. Or la Nation se paupérise depuis plusieurs années. L’évolution du PIB du pays se traîne depuis plusieurs années autour de 1% avant de devenir négative alors que la croissance mondiale a atteint près de 4%. Le déficit de la Sécurité Sociale devient insupportable. La dette nationale atteint des sommets jusqu’alors inconnus. C’est donc bien le signe que la France a de plus en plus de difficultés économiques. La crise actuelle a considérablement aggravé la situation par un endettement national absolument abyssal que les générations futures auront à rembourser d’une manière ou d’une autre (inflation et/ou augmentation importante des impôts). Que peut donc faire le gouvernement, si ce n’est que d’essayer d’améliorer l’efficacité des structures de la nation, c’est-à-dire rechercher une organisation, des processus opératoires, des modes de gouvernance qui soient plus efficaces sans coûter davantage, l’État étant dans l’incapacité absolue d’augmenter ses dépenses courantes ? Médecins, enseignants, vous avez été incapables d’améliorer vous-même le fonctionnement de vos structures depuis plusieurs dizaines d’années ! Vous avez été incapables de proposer vous-même des évolutions réelles, autres que de réclamer toujours plus d’argent à la communauté ! Sclérosés par des syndicats corporatistes à l’extrême et aveugles, vous avez perdu le sens de l’intérêt général pour ne penser qu’à votre intérêt particulier, oublieux de l’effort que fait la nation tout entière pour vous permettre de vivre. Le pays traverse une crise d’une ampleur jamais connue. Pourquoi seriez-vous les seuls à ne pas s’en préoccuper ? Il est frappant de constater que les enseignants chercheurs s’opposent aux pouvoirs donnés aux présidents d’Universités et que les médecins s’insurgent envers les pouvoirs donnés aux directeurs d’hôpitaux. Comme si les uns et les autres craignaient qu’une autorité puisse porter un jugement sur leur efficacité. Comme si les spécialistes hospitaliers craignaient que quelqu’un ait le pouvoir de limiter l’exercice de la médecine privée au sein de l’hôpital public. Comme si les médecins, qui vivent grâce à la Sécurité Sociale, craignaient de se voir un jour contraints de desservir les « déserts médicaux ». Comme si les chercheurs craignaient que quelqu’un puisse favoriser les axes de recherche les plus pertinents pour la nation. Quand donc tout ce petit monde se rendra-t-il compte que le pays s’enfonce depuis des années vers l’inefficacité et la gabegie financière, que l’on ne peut pas constamment demander aux plus démunis les plus gros efforts ? Ressaisissez-vous, messieurs !

16 avril 2009

La crise était inéluctable

La crise actuelle est une démonstration de l’incomplétude de la théorie économique. La pierre angulaire de cette dernière est la fameuse loi de l’offre et de la demande. Cette loi stipule que ces deux variables économiques sont indépendantes l’une de l’autre et que leurs variations en fonction du prix varient en sens inverse, jusqu’à un prix d’équilibre. C’est ce qui s’appelle la loi du marché ou la main invisible : le marché s’autorégule. Tous les marchés sont censés suivre cette loi immuable, le marché des produites et services et le marché de la main-d’œuvre notamment. Or qu’en est-il du marché financier, c’est-à-dire des actifs boursiers en particulier ? Par anticipation et espoir d’enrichissement rapide, la demande d’actifs croit entraînant une demande croissante de crédits. Les banques, hypnotisées par l’accroissement des valeurs boursières, augmentent leur offre de crédit au risque de diminuer drastiquement leur capital de réserve et d’augmenter leur propre endettement. Ainsi, l’offre et la demande de crédits, non seulement ne sont plus indépendantes, mais surtout sont toutes deux des fonctions croissantes de la valeur des actifs. Il n’y a donc plus de point d’équilibre ! La demande d’actifs, soutenue par l’offre de crédit, entraîne la valeur des actifs à la hausse et le cercle vicieux s’enclenche de façon dramatique. Au sein des (grandes) entreprises, l’augmentation de la valeur de l’action cesse d’être le résultat d’une bonne santé économique, mais devient une stratégie qui dévoie l’investissement vers des opérations boursières afin de satisfaire les exigences de l’actionnaire. Phénomène aggravant, l’ingénierie financière, dans laquelle les traders français sont devenus des experts, constatant l’augmentation du risque pris par les banques, a « inventé » des produits dérivés sophistiqués (les CDS) qui permettent aux banques et aux organismes financiers de revendre leur risque en créant un marché de la demande et de l’offre du risque financier. Ce nouveau marché a alors joué le rôle d’un anesthésiant auprès des banques et des organismes prêteurs qui ont perdu la conscience du risque encouru. Ils ont alors accordé des prêts dans des conditions absolument aberrantes à des emprunteurs qui, n’ayant pas la capacité de rembourser, ont gagé leurs biens immobiliers pour garantir leur emprunt. Un tel mécanisme ne peut que conduire à la rupture brutale du fonctionnement de ce cycle pervers. Il faut bien constater qu’aucun économiste n’a tiré le signal d’alarme, ni aucun des organismes internationaux que sont l’OCDE, le FMI, la Banque Mondiale, restés accrochés au Consensus de Washington par l’aveuglement de leurs bureaucrates.
La stratégie de plus-value des actifs financiers a entraîné la financiarisation des entreprises qui, privilégiant l’actionnaire, ont provoqué une déflation salariale. Celle-ci entraîne nécessairement une perte de pouvoir d’achat qui se voit compensée par un endettement des individus et une demande de crédit qui deviennent excessifs. La boucle est bouclée… et la crise est devenue tellement profonde qu’il faudra longtemps pour que l’économie sorte enfin de cette phase de désordre pour retrouver une phase de redressement après une consolidation et des remises en question douloureuses. La crise sociale, fille de la crise économique, en est à ses débuts. Viendront ensuite les effets de l’invraisemblable inflation de la quantité monétaire créée par les États.

12 avril 2009

Aveugle !

Il ne fait aucun doute que nous allons revivre une fois encore un grand moment de la politique française. Les prochaines échéances électorales européennes sont précédées par un aménagement du découpage électoral dû à l’évolution et à la répartition démographiques. Le travail du ministère de l’Intérieur n’est pas terminé à ce jour que déjà on entend l’opposition hurler au « charcutage électoral » ! Ce travail prévoit actuellement la disparition de 33 circonscriptions. L’opposition compte 23 d’entre elles comme étant tenues par la gauche, le ministère de l’Intérieur n’en concède que 18. Qui dit vrai ? Je serai tenté de dire peu importe. Il n’y a vraisemblablement, dans cette indignation, que la crainte des élus actuels de perdre leur siège et les avantages qui y sont associés. Il est certain, par contre, qu’au milieu de la crise économique et sociale dans laquelle le pays est plongé, il n’y a rien de plus urgent que de s’indigner du redécoupage électoral ! Mais il faut bien que l’opposition trouve, faute d’idées et de propositions en la matière, un prétexte pour se faire entendre … et faire croire qu’elle existe encore ! L’aveuglement politicien lui fait perdre le sens commun.

10 avril 2009

Le plus beau tableau du monde

C’est le petit matin. La pluie, lourde et froide, vient juste de s’arrêter. L’air est transparent, nettoyé des poussières de la ville, soulevées par les chevaux du chemin de halage. Traversant les gros nuages, vestiges de l’averse, un rayon de soleil vient frapper la tour de la nouvelle église et les maisons voisines ainsi que le petit pan de mur jaune qui a tant frappé Marcel Proust, laissant dans l’ombre celles qui s’alignent le long du quai de Lange Geer. Le vent est tombé et l’eau du canal a retrouvé son calme, précisant les reflets bleutés de la ville et de ses remparts. La transparence de l’air donne au dessin des toits et des pignons crénelés une netteté surprenante. Rien n’arrête le regard qui traverse sans obstacle le vide du clocher de la nouvelle église. Les villageois, un moment calfeutrés pendant l’averse, sortent à nouveau et viennent, au gré des rencontres, discuter sur les bords du canal. Le chant des oiseaux matinaux, un moment interrompu, a repris et souligne le calme et la lenteur de l’instant. Le grincement des accastillages des lourds bateaux en partance pour Rotterdam et accostés sur l’autre rive du canal rebondit sur le miroir de l’eau. La journée commence…
C’est le plus beau tableau du monde.

06 avril 2009

Dieu

Dieu a créé l’homme à son image, nous dit-on. Alors, voilà son image :
• Il y a ceux qui tuent les enfants dans les cours d’école.
• Il y a ceux qui font exploser des bombes au milieu de la foule.
• Il y a ceux qui font du commerce avec des médicaments périmés.
• Il y a ceux qui prostituent des femmes et des enfants.
• Il y a ceux qui font du tourisme sexuel.
• Il y a ceux qui font du commerce avec de la drogue vendue aux enfants.
• Il y a ceux qui exterminent leur peuple pour être au pouvoir.
• Il y a ceux qui jettent leur merde à la mer.
• Il y a ceux qui empêchent les filles d’aller à l’école.
• Il y a ceux qui lapident les femmes.
• Il y a ceux qui prennent des innocents en otage.
• Il y a ceux qui s’enrichissent par la dictature.
• Il y a ceux qui font exploser les avions sur les villes.
• Il y a ceux qui font la chasse aux juifs.
• Il y a ceux qui inventent les chambres à gaz.
• Il y a ceux qui tracent des croix gammées.
• Il y a ceux qui bombardent les civils.
• Il y a ceux qui torturent.
• Il y a ceux qui tuent pour voler.
• Il y a ceux qui violent.
• Il y a ceux qui arment des enfants.
• Il y a ceux qui jettent les migrants à la mer.
• Il y a ceux qui affament le peuple.
• Il y a ceux qui sont coupables du délit de fuite.
• Il y a ceux qui recommencent.
• Il y a ceux qui transforment la religion en arme de guerre.
• Il y a ceux qui trahissent pour le pouvoir ou l’argent.
Enfin il y a les spéculateurs, les banquiers et les grands patrons.

03 avril 2009

Collapsus

La thermodynamique explicite les lois qui conditionnent le fonctionnement énergétique des systèmes et des processus qui les composent. La première d’entre elles stipule la conservation de l’énergie. L’énergie consommée lorsqu’une automobile brûle une quantité donnée de pétrole se retrouve intégralement dans le travail permettant le déplacement de l’engin et à la chaleur dispersée par tous les frottements et par les processus d’ignition et d’échauffement du moteur. C’est ce principe de conservation de l’énergie qui interdit le mouvement perpétuel c’est-à-dire la production d’énergie sous une certaine forme sans en consommer par ailleurs sous une autre forme. Nous consommons de l’énergie sous toutes ses formes, mais nous produisons des déchets. Le second principe, dit aussi principe d’évolution, s’attache à décrire l’évolution des processus irréversibles. En effet, l’expérience et l’évidence nous montrent que certains évènements ne peuvent se dérouler en sens inverse, comme la fonte d’un morceau de sucre dans une tasse de café. À ces processus, le second principe attache une fonction d’état dite entropie (introduite par Rudolf Clausius en 1865) qui ne peut que croître pendant l’évolution d’un système entre deux états successifs. Cette grandeur mesure le désordre grandissant qui s’installe dans le système. Elle mesure également l’impossibilité de décrire complètement l’état d’un système (d’après les travaux de Boltzmann), c’est-à-dire notre ignorance sur la réalité de ce système. Ainsi, plus un processus est complexe, plus notre ignorance sur son comportement détaillé est grande.
Or, l’évolution de la société humaine se traduit par une complexité croissante des processus. Il n’est que d’écouter les discours contradictoires, parfois simplistes, sur le fonctionnement économique du monde pour comprendre que la complexité réelle des processus étudiés dépasse l’entendement des plus informés. Cette incompréhension vient nécessairement du niveau d’ignorance de leur fonctionnement réel. Leur entropie est donc élevée et s’accroît constamment. Donc, si l’entropie s’accroît, le désordre également. La crise que nous vivons actuellement en est un prodrome vraisemblable. La gloutonnerie du monde en énergie est devenue incontrôlée et les processus de consommation énergétique pillent, de façon irréversible, les matières premières fossiles et l’environnement en produisant une quantité croissante de déchets dont le monde ne sait plus que faire, sinon de les déverser parmi les populations les plus pauvres qui y trouvent, non sans danger et à la grande honte du genre humain, de quoi survivre. L’entropie d’un système est directement liée aux échanges. La sophistication exponentielle de la société humaine se traduit par une explosion du nombre et de la valeur des échanges entre les différents composants du système et leur environnement. L’entropie augmente donc de façon considérable. Jusqu’où peut croître l’entropie d’un tel système emballé ? Nul ne le sait, mais il ne peut être exclu que cette augmentation inconsidérée et non maîtrisée ne conduise à un collapsus généralisé car systémique. C’est ainsi qu’à l’inconscience criminelle s’ajoute l’ignorance inavouée. L’époque actuelle cherche un moyen de se rassurer en inventant le concept de
« développement durable », sans se rendre compte que le développement porte en lui une entropie croissante et que la durabilité sans borne est impossible. Il s’agit donc d’un oxymore anesthésiant.
La mesure du désordre s’appuie sur l’expérience du mélange de deux gaz, initialement séparés. Lorsque le mélange est terminé, la diffusion réciproque des gaz entraîne une répartition au hasard des différentes molécules, preuve de l’augmentation du désordre. Mais on peut pousser un peu plus loin l’analyse de cette expérience pédagogique. En effet, après diffusion, tout volume du mélange est semblable à tout autre partie. C’est-à-dire que le désordre s’accompagne de l’uniformité. On peut constater le même effet dans la société humaine actuelle. La culture, les modes de vie, les idées, les comportements s’uniformisent et les particularités s’estompent. Nous devenons un simple mouton anonyme au sein d’un troupeau uniforme. Cette uniformisation entraîne la disparition des exceptions. Où sont, aujourd’hui, Vermeer et Monet, Michel-Ange et Camille Claudel, Montaigne et Camus, Apollinaire et Rimbaud, Mozart et Boulez, Montesquieu et Sartre, Newton et Einstein ? Ils sont morts pour la seconde fois…

29 mars 2009

Le bouclier de la discorde

L’antienne la plus entendue venant de l’opposition est l’injustice du bouclier fiscal qui, entend-on dire, favoriserait d’une manière insupportable les plus riches d’entre nous. Mais qui connaît l’ampleur de l’enjeu ? En premier lieu, l’Allemagne a inscrit dans sa constitution un bouclier fiscal à 50% du revenu...et les Allemands ne crient pas au scandale. Ensuite, le principe d’un bouclier fiscal a été élaboré par Laurent Fabius, mis en œuvre par Jacques Chirac et Dominique de Villepin et atteignait alors 60% du revenu. Qui est concerné ? Cette disposition vise essentiellement les contribuables qui possèdent un patrimoine supérieur à 15,5 millions d’Euros, c’est-à-dire 834 personnes ! Comment peut-on croire qu’accroître les impôts payés par 834 personnes peut améliorer la vie des 60 millions de Français ! Soyons encore plus précis. L’enjeu financier représenté par le manque à gagner depuis l’instauration de cette disposition est de 450 millions d’Euros, à comparer aux 1000 milliards d’Euros du total des prélèvements fiscaux payés par l’ensemble des Français ! Sur ce montant global, l’impôt sur le revenu ne représente que 5%, soit 50 milliards d’Euros. Alors, de qui se moque-t-on lorsque l’on porte comme un drapeau de la révolte la suppression du bouclier fiscal ? De qui se moque-t-on lorsque, aveuglée par son rejet viscéral du Président de la République, l’opposition s’enferme dans un débat secondaire, même si la symbolique reste forte et n’est jamais à négliger ? Cet aveuglement lui fait perdre de vue les deux problèmes fondamentaux que sont l’existence des paradis fiscaux et du « dumping » fiscal entre les pays européens. Lorsque l’on entend un banquier suisse expliquer que la protection de la vie privée est prioritaire sur la transparence fiscale, on ne peut s’empêcher de faire le rapprochement avec les intégristes islamistes qui clament que la loi de Dieu prévaut sur la loi des hommes. Lorsque la société même est menacée, il serait judicieux que les politiques de tous bords agissent de conserve. Rêvons un peu !!

28 mars 2009

Perseverare diabolicum

La loi est un ensemble de règles obligatoires établies par l'autorité d'une société, sanctionnée par la force publique et qui organisent les relations entre les hommes de cette société. C’est ainsi que les Tables de la Loi, où sont inscrits les Dix Commandements, organisent les relations entre les Chrétiens. La morale, quant à elle, est un ensemble de principes, de règles de conduite relatives au bien et au mal, de devoirs et de valeurs qu'une société se donne et qui s'imposent autant à la conscience individuelle qu'à la conscience collective. Lorsque l’on compare ces deux définitions, il apparaît que la morale a son existence propre sans que la loi n’ait à intervenir. La loi n’existe donc que lorsque la conscience s’affadit et lorsque la société est sans morale. Ainsi, lorsque des individus profèrent des insultes racistes ou négationnistes, ils piétinent la morale et les valeurs d’un humanisme nécessaire. C’est pourquoi la loi est intervenue pour interdire de tels comportements publics afin qu’une sanction puisse être prise. Lorsque la morale est absente, la loi vient combler le manque. Le microcosme financier a plongé le monde entier dans une crise si profonde que personne aujourd’hui ne sait ni quand ni comment en sortir et qui a déjà fait des millions de victimes. Le système financier est indispensable au fonctionnement de l’économie, donc à la vie de tous.Les responsables des États ont été contraints d’intervenir pour sauver les organismes financiers de la faillite. Ces mêmes organismes sont, en quelque sorte, coupables d’une tentative de meurtre sur le monde économique et d’un comportement amoral. Comme beaucoup de voyous pris « la main dans le sac » et qui nient l’évidence, on voit se multiplier des comportements de managers des organismes financiers qui, contempteurs de la morale, l’insultent en « oubliant » le désastre qu’ils ont provoqué. Les parachutes dorés, les retraites chapeaux, les bonus et les primes, les stock-options continuent de faire flores dans le monde des entreprises sous perfusion publique. L’indignation naît lorsque la morale est ainsi insultée. La loi devient donc nécessaire, même si légiférer dans le fonctionnement des entreprises peut comporter des dangers. L’État doit donc légiférer fortement dans le domaine des rémunérations de toutes sortes des managers des entreprises ayant reçues des aides publiques et laisser à l’impôt la régulation au sein de toutes les autres entreprises, quitte à prendre le risque d’encourager le déplorable et démagogique penchant des Français à vilipender « les patrons ».

25 mars 2009

Hypocrisie ou ignorance ?

Le carnet de commande d’une entreprise est une prévision d’activité pour les mois à venir. Lorsque ce même carnet montre une chute de 20 à 40% de l’activité prévisionnelle, que croyez-vous que le chef d’entreprise doive faire ? Gouverner, dit-on, c’est prévoir. Avec un carnet de commande en chute libre, il est donc du devoir de ce chef d’entreprise d’en prévoir les conséquences. La pire attitude serait de ne rien faire, ce qui conduirait infailliblement l’entreprise à la faillite. La prévision porte donc sur la mise en adéquation de l’outil de production avec le futur carnet de commande. Or le re-dimensionnement de l’outil de production a obligatoirement des répercussions sur les emplois. C’est pourquoi il n’est pas surprenant qu’une entreprise faisant des bénéfices en 2008 mais ayant un carnet de commandes 2009 en forte régression prévoit des licenciements en 2009. Ceux qui s’insurgent contre cela en criant haut et fort qu’une entreprise qui fait des bénéfices n’a pas le droit de licencier montrent tout simplement qu’ils ne connaissent rien à la gestion d’entreprise. Lorsque « ceux-là » sont des hommes politiques ou des syndicalistes, la situation devient grave. Les économistes et les prévisionnistes de tous crins et de tous bords annoncent chaque jour des prévisions de plus en plus pessimistes pour cette année, allant jusqu’à une diminution de 2 à 3% du PIB national, ce qui représente une baisse d’activité annuelle de 45 milliards d’Euros. Comment, dans ces conditions, les chefs d’entreprises ne prévoiraient-ils pas une réduction inéluctable du nombre de leurs salariés ? Qu’ont-ils d’autre comme variable d’ajustement ? Certes, ils pourraient réduire tous les salaires de 5% à 20% selon les secteurs! Qui l’accepterait ? Alors, que les hommes politiques et les syndicalistes cessent de tenir un discours qui ne peut que tromper le peuple et acceptent le fait qu’une entreprise ayant fait des bénéfices en 2008 prévoit des licenciements en 2009. Gouverner c’est prévoir. Les entrepreneurs le font, les politiques devraient le faire ! Encore faut-il que les patrons des grands groupes retrouvent le chemin de la morale et cessent de s’octroyer, par des moyens divers et variés, des émoluments scandaleux qui entretiennent un état d’esprit général défavorable à l’ensemble des entreprises. Et un pays qui n’aime pas ses entreprises prend le chemin de la récession et de la crise sociale.

24 mars 2009

De la hiérarchie des questions

La complexité croissante des organismes terrestres a permis l’avènement de l’homo-sapiens, capable de se poser des questions sur les raisons de son existence. L’ère des idées est née au même instant. L’homme est devenu capable de s’interroger sur n’importe quoi … surtout sur n’importe quoi ! Même de se questionner sur son questionnement, raisonnement par récurrence s’il en est. Dans le droit-fil de ces interrogations par récurrence, la question se pose sur la hiérarchie des questions et, donc, sur les recherches de réponses. Est-il plus important de s’interroger sur l’homme, son habitus, son hubris, sa violence, l’organisation de la société humaine ou sur le monde qui le supporte ? Est-il plus important de comprendre le fonctionnement de la nature humaine ou les lois qui gouvernent l’évolution de l’Univers ? Certes, ces deux questions méritent une certaine attention, mais alors, pourquoi certains esprits sont-ils parfaitement insensibles à l’une ou l’autre de ces deux questions ? Pourquoi certains pensent que rien n’a d’importance ni d’intérêt en dehors de l’étude de l’homme et des rapports sociaux, alors que d’autres sont convaincus que sans la compréhension de l’évolution universelle, toute autre question est superflue ? Est-il plus important de réfléchir à la désespérante insignifiance de l’homme perdu dans un cosmos dont il ne comprend rien ou à l’étonnante vivacité et volonté du petit enfant à prendre la maîtrise de son environnement ? L’importance de l’étonnement sera le même dans les deux cas.

23 mars 2009

Aveuglement

Nous venons d’assister à un événement stupéfiant sans qu’il n’ait reçu l’écho qu’il mérite. En effet, devant l’attitude invraisemblable des dirigeants américains d’AIG – qui s’octroient des bonus monstrueux alors qu’ils sont en partie responsables de la crise mondiale actuelle – les démocrates et les républicains du Congrès ont voté, presque immédiatement et ensemble, une loi confiscatoire de ces primes. Ce qu’il y a de surprenant dans ce fait est, d’une part, qu’une telle loi soit votée en quelques jours dans un pays où le libéralisme capitaliste est une religion et, d’autre part et surtout, que cette loi soit votée par la majorité et l’opposition dans un même mouvement d’indignation civique et pour le bien commun. On rêve de voir enfin, en France, une majorité et une opposition parlementaires travailler de conserve pour sortir le pays de la crise profonde où il s’enfonce, en faisant fi de leurs divergences idéologiques et polémiques. Quels drames faut-il qu’il advienne pour que les hommes politiques unissent leurs forces et leur intelligence (si elle existe !) et pour qu’ils consentent à oublier un moment leurs préoccupations électorales à court terme et à courte vue ? Mais les socialistes préfèrent polémiquer sur un bouclier fiscal dont l’enjeu atteint difficilement quelques millions d’Euros (alors que la perte d’activité nationale est prévue à hauteur de 45 milliards d’Euros environ !) et utiliser ce prétexte pour s’opposer au gouvernement, alors que l’État s’est endetté de plusieurs dizaines de milliards pour tenter de ralentir les effets de la crise. Pourquoi, si le consensus est à ce prix, le gouvernement ne prend-il pas en considération les critiques de l’opposition ? Pourquoi majorité et opposition n’arrivent-elles pas à se mettre d’accord sur le diagnostic et sur la meilleure stratégie à mettre en œuvre ? Pendant que les arrière-pensées fleurissent dans le monde politique et obèrent les chances de succès, les drames se multiplient dans le monde ordinaire du peuple qui entend un discours préfabriqué et polémique dans lequel les « petites phrases » prennent plus de place que les idées.

19 mars 2009

Indignation et préservatif

L’objectivité est fragile lorsque l’émotion est présente. L’indignation unanime suscitée par les déclarations papales concernant l’utilisation du préservatif brouille la compréhension du discours. Comprendre ne veut pas dire être d’accord, mais refuser sans comprendre est faire preuve d’aveuglement. Lorsque le pape condamne le préservatif, il ne fait que répéter, sans surprise, la position de l’Église catholique. Ce n’est pas la première fois que celle-ci se trouve en décalage avec la société ou la science. Il lui a fallu plusieurs siècles pour abandonner le créationnisme, encore qu’il subsiste des adeptes de cette ineptie. Cette posture de l’Église est donc réactionnaire et rétrograde. Mais l’indignation ne vient pas vraiment de ce refus. Tous ceux qui s’insurgent, stigmatisent l’affirmation papale soulignant que l’utilisation du préservatif aggrave la propagation du sida. À première vue, cette déclaration heurte le sens commun. C’est oublier que le pape est un intellectuel, vraisemblablement coupé des contingences ordinaires, enfermé dans son univers des idées, ce qui lui a déjà valu des déclarations critiquables et critiquées. En fait, en soutenant cette idée, le pape ne fait qu’affirmer une fois de plus, que la seule issue acceptable pour l’Église est la fidélité conjugale et l’abstinence. Benoît XVI s’élève contre l’existence même du préservatif car il y voit une facilité pour déroger, sans risque, à la loi de l’Église. Et c’est cela qu’il condamne en disant que le préservatif aggrave la situation. Ce qu’il n’accepte pas, c’est la supposée facilité, et donc la vraisemblable tentation, poussant à l’infidélité, source de la maladie. On peut ne pas être d’accord avec cette opinion, mais on ne peut pas reprocher au pape d’être en pleine conformité avec les lois de l’Église catholique. Ce que l’on peut regretter, à juste titre, est qu’il faille tant de temps à l’Église pour s’accorder avec son siècle. Quand comprendra-t-elle que le dogme n’est pas légitime lorsqu’il va à l’encontre de la lutte pour la vie et quand prendra-t-elle conscience de l’aporie existant dans la condamnation de l’avortement au prétexte de préserver la vie et celle du préservatif au risque de mettre cette même vie en péril ? Peut-être le pape ne sait-il pas que le sida a fait 25 millions de morts ? Il serait temps qu'il s'informe...

13 mars 2009

Dedans ou dehors ?

L’OTAN est né en 1949 après la seconde guerre mondiale, avec le fort assentiment français qui craignait un futur relèvement de l’Allemagne et les menaces du monde communiste organisé autour du Pacte de Varsovie. Peu à peu, cet organisme est devenu un outil à la disposition des Américains pour canaliser, voire influencer les politiques économiques et étrangères des pays occidentaux. Le général De Gaulle, arrivé au pouvoir, a pris la décision de retirer la France de cet organisme. Pour quelles raisons ? Tout d’abord, le général avait lancé la réalisation de la force de frappe nucléaire française et il n’admettait pas, à juste titre, que l’utilisation de cette arme stratégique puisse, d’une manière ou d’une autre, être soumise à l’approbation des USA, ce qui est le cas de l’arme nucléaire britannique. Ensuite le monde s’est trouvé, dans les années 60, soumis à la bipolarisation USA-URSS du fait de la guerre froide. Afin de n’être pas soumis aux contingences de ce bipolarisme, De Gaulle tente de développer une politique originale de multilatéralisme et, en 1966, se retire du commandement intégré de l’OTAN, tout en en restant membre, pour crédibiliser sa politique étrangère. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Son retrait du commandement intégré n’a pas empêché la France de participer à toutes les opérations menées par l’OTAN lorsque cet organisme a fait appel à elle, sans pouvoir participer aux choix du commandement puisqu’elle s’en est retirée : Bosnie, Kosovo, Macédoine, Afghanistan. Il n’y a guère qu’en Irak où la France a pris une position différente. De plus, la participation de l’Allemagne au commandement de l’OTAN n’a pas empêché celle-ci de refuser de participer à la guerre en Irak. Depuis l’effondrement de l’URSS, le bipolarisme a cédé la place à un multilatéralisme de fait, ce que prévoyait le Général De Gaulle. C’est-à-dire qu’une moitié des raisons du retrait de la France a aujourd’hui disparu. Reste l’arme nucléaire française. Là se situe le vrai problème posé par l’éventuelle réintégration de la France dans le commandement intégré de l’OTAN. Il serait inadmissible que l’utilisation de la force de frappe française ne dépende pas exclusivement du Président de La République Française qui est le chef suprême des armées. Y a-t-il vraiment un risque ? Cela n’est pas crédible.
Mais, au fait, quelle est la mission de l’OTAN aujourd’hui, le Pacte de Varsovie ayant vécu ?

10 mars 2009

La corporation des élus

Certes, en face de la crise que traverse le pays, la réforme n’a pas un caractère d’urgence évident. Cependant, lorsque l’État s’endette vraisemblablement au-delà du raisonnable, où la dette atteint 5% du PIB et où le déficit budgétaire sombre dans les abysses, il peut être important de réduire, là où cela est possible, le coût de fonctionnement de l’État. Or, d’importantes économies peuvent être facilement trouvées en éliminant l’empilement excessif des structures administratives de la France : la commune (36.000 !!), la communauté de communes, le canton, le département, la région, la communauté urbaine, l’État. À chaque étage, une armée de fonctionnaires avec des élus à sa tête, des moyens mis en œuvre souvent redondants. Ne serait-il pas raisonnable de simplifier ? C’est l’objet même de la Commission Balladur qui a remis ses propositions il y a quelques jours. Nous avons encore en mémoire les discours des hommes politiques de tout bord affirmant qu’il fallait simplifier d’urgence cet imbroglio administratif français, responsable de son inefficacité et de multiples confusions de responsabilités. À peine le travail de la Commission Balladur est-il remis à la présidence que ces mêmes politiques, de droite comme de gauche, s’élèvent avec virulence et une mauvaise foi évidente et confondante contre toute modification de la situation actuelle, animés par la peur panique de perdre leur qualité d’élus et les avantages considérables qui y sont attachés. Décidément, le corporatisme n’existe pas seulement dans les rangs syndicaux. Les parlementaires sont là pour donner l’exemple !! Quand y aura-t-il, en France, des hommes politiques qui auront le sens de l’intérêt général et le courage de le servir ? Mais, il faut bien avouer que cette attitude n’est pas propre à la France. Si nos députés préfèrent leur commune à la France, la Suisse, l’Autriche et le Luxembourg préfèrent la crise mondiale au lever du secret bancaire ! La courte vue est l’apanage de tous les politiques.

08 mars 2009

Incertitude infinie

Dans un précédent libelle intitulé « Le propre de l’homme » je m’interrogeais sur les différences entre l’homme et l’animal. Aujourd’hui, je voudrais apporter un correctif, ou plutôt un additif. Il existe deux caractéristiques essentielles à l’espèce humaine que j’ai oubliées d’invoquer. Nostalgique de son cocon placentaire, l’homme est constamment à la recherche d’une protection qui lui serait due (en France, cela s’appelle l’État providence et se concrétise dans un slogan : tous fonctionnaires !). De plus, poussé en cela par les religions monothéistes, l’homme se considère comme le centre du monde, c’est-à-dire qu’effectivement tout lui est dû et le monde a été créé pour lui, comme s’il avait passé un contrat synallagmatique avec Dieu. Revendication de protection et égocentrisme, voilà deux caractéristiques complémentaires de l’espèce humaine. Il est donc dans la nature des choses que la première vision que l’homme se soit construit du monde, lorsqu’il s’est interrogé à ce sujet, fut un monde clos et protecteur devant un infini angoissant, et géocentrique, c’est-à-dire dont il occupe le centre, devenant ainsi la justification même de l’Univers. L’Église a toujours invoqué un monde créé par Dieu pour l’homme et pour lui seul, dont il était naturellement le centre. Et seul Dieu pouvait tutoyer l’infini.
Cependant, de tout temps, certains hommes ont cherché à comprendre ce monde en tournant leur regard vers les étoiles. Son infinitude a toujours été une interrogation, mais surtout une difficile appréhension. Déjà, au VIème siècle avant notre ère, Anaximandre de Miles évoquait l’Apeiron, illimité et éternel, réceptacle du mondes clos des hommes. Un siècle plus tard, en écho à Parménide évoquant un monde fini, « comme une balle bien ronde », Archytras de Tarente pose, pour la première fois le paradoxe du bord : que se passe-t-il si, arrivé à la frontière du monde, je masse la main à travers elle ? Il en tire la conclusion que le monde ne peut être qu’infini. Puis vint Aristote, dont la Physique allait imprégner les siècles suivants. Pour lui, le monde n’est pas un espace, mais un « lieu » qui contient le monde clos et sphérique dont la Terre est le centre. Au-delà de la sphère des étoiles, il n’y a tout simplement rien. Pourtant, si Aristote réfute l’infiniment grand de l’Univers, il identifie paradoxalement l’infinie divisibilité d’une ligne (pour lui l’atome de Démocrite n’existe pas) et donc l’existence d’un infiniment petit potentiel. L’homme est toujours au centre. Il faut attendre Aristarque de Samos pour expulser l’homme du centre du monde et le placer en mouvement autour du soleil : le modèle héliocentrique est né mais reste fini. Avicenne et Maimonide reprendront à leur compte, au Xéme et au XIIéme siècle, le concept d’Univers fini, tentant même de déterminer sa dimension. Cette vision restera celle de Copernic au XVéme siècle. Il faudra attendre encore une centaine d’années pour que Giordano Bruno donne ses lettres de noblesse à la cosmologie infinitiste, « car Dieu aux pouvoirs infinis ne peut avoir créer qu’un monde infini ». Mais si l’Univers est infini, alors la pluralité des mondes est inévitable. Cette conclusion lui vaudra le bûcher, l’Église ne pouvant abandonner le caractère sacré de l’homme et donc son unicité. Le siècle suivant, dominé par Kepler, Galilée et Newton, conservera cette vision d’un Univers fini, même si Galilée instille un doute en affirmant « qu’il n’est pas encore décidé si l’Univers est fini ou infini ». Ce n’est qu’au XXème siècle qu’Albert Einstein jettera les bases de la cosmologie moderne en s’appuyant sur des mathématiques nouvelles (les géométries riemanniennes) pour décrire un Univers fini mais sans limites. En résolvant le paradoxe de la portée infinie et immédiate de la gravitation par une solution géométrique de l’Univers, Einstein a ouvert la voie de la cosmologie moderne d’aujourd’hui. Nous savons, à présent, que la géométrie de l’Univers, et donc sa finitude ou son infinitude, dépend de deux paramètres essentiels : la courbure (qui elle-même est fonction de la densité du contenu matériel de l’Univers) et d’un paramètre appelé constante cosmologique. L’incertitude actuelle sur la valeur de ces deux paramètres nous ramène donc à l’interrogation de Galilée : nous ne savons pas aujourd’hui, avec certitude, si l’Univers est infini ou non. Vingt-six siècles se sont écoulés depuis que l’homme s’interroge sur le cosmos et nous n’avons toujours pas de réponse. En aurons-nous jamais une ?

28 février 2009

Contraste

B. Obama est venu se présenter devant l’ensemble des élus du Congrès sans que cela ne provoque l’indignation de l’opposition. Le Président est venu prononcer un discours de grande tenue qui explicite la vision de l’avenir qu’il propose au peuple américain, explique les erreurs passées et les efforts indispensables à venir et obtient ainsi l’approbation unanime de la majorité et de l’opposition. B. Obama se conduit comme le Président d’une grande démocratie pour laquelle il a le plus grand respect.
N. Sarkozy, qui se conduit comme un chef de chantier, se trouve en butte à une opposition butée et sourde, engluée dans une problématique électoraliste dont elle n’arrive pas à sortir. D’où la posture systématique de cette opposition au Président, d’où l’indignation feinte de celle-ci lorsqu’il est envisagé la possibilité que le Président de la République puisse venir s’exprimer devant l’Assemblée. Ce dernier étant obligé de s’exprimer devant le peuple par l’intermédiaire de la télévision, celui-ci, enfermé dans ses difficultés et ses angoisses, reste sourd à toute tentative d’explication.
D’un côté, un véritable homme d’État et des élus sans à priori et pragmatiques, même si les convictions de certains ont conduit à la catastrophe économique actuelle. De l’autre, un homme politique opportuniste qui a revêtu un habit trop grand pour lui dans les circonstances actuelles et des élus englués dans leurs préoccupations de court terme, c’est-à-dire sans vision d’avenir. D’un côté, un Président qui a compris l’ampleur de la crise mondiale et qui met en œuvre un plan à la hauteur de celle-ci. De l’autre, un homme politique, certes freiné par le déficit colossal du pays (mais les USA ont le même problème !) et un conservatisme génétique, qui déverse une avalanche de petites mesures dont l’efficacité reste pour le moins douteuse.
Dans le même temps, l’Europe continue de se conduire comme une vierge effarouchée dont les responsables politiques restent hantés par la crainte de perdre de la moindre parcelle de leur indépendance, toujours pour des raisons électorales, au détriment de la mise en œuvre d’une action collective enfin à la hauteur du problème.

26 février 2009

Connecté mais isolé

L’expansion frénétique des échanges humains, commerciaux et financiers fait croire que la planète se rétrécit et l’expression « village mondial » fait florès. Les antipodes deviennent de simples faubourgs. Internet donne les moyens de communiquer avec le monde entier avec une facilité déconcertante, inimaginable il y a seulement vingt ans. La technologie téléphonique permet de joindre quiconque à tout moment, indépendamment du lieu. Dans la tragédie humaine, l’unité de lieu et l’unité de temps ont disparu. Le courrier électronique, les chats, les forums, les blogs, les mondes virtuels où, par avatar interposé, on transforme sa vie en jeu vidéo, les réseaux sociaux, le téléphone portable, les SMS, les guichets automatiques de banque, les distributeurs automatiques, autant de techniques qui, tout en clamant le rapprochement, suppriment tout contact réel et effectif entre les individus. Jamais, l’homme ne s’est senti aussi menacé. La pauvreté, le chômage, les difficultés de vivre, l’incertitude sur l’avenir, le développement d’une économie virtuelle dangereuse, autant d’éléments qui créent un sentiment d’inquiétude chez chacun, hormis ceux qui savent détourner le système à leur avantage. Ainsi, entouré par tant de menaces, l’homme du « village global » - village qui ressent les premières convulsions de sa première grave maladie - se sent pris d’une angoisse obsidionale dont le premier effet est d’exacerber les réflexes de défense et d’individualisme. C’est la contradiction essentielle du monde actuel qui se veut ouvert à tous vents et qui, en leur donnant les moyens techniques pour le faire, pousse les individus à s’isoler, à limiter ses préoccupations à son « habitus » et à perdre de vue toute notion d’intérêt général. Ainsi, se développe un réflexe corporatiste généralisé se transformant, dans des cas de plus en plus nombreux, en jusqu’au-boutisme faussement collectif et réellement suicidaire. Seul en face de ses machines et de ses prothèses techniques, l’homme d’aujourd’hui crie sa solitude. D’où le développement d’un exhibitionnisme qui fait le bonheur des médias. Les émissions de télé-réalité plus populistes les unes que les autres, voire à la limite de la pornographie voyeuriste, le déferlement de livres autobiographiques sans aucun intérêt, sont autant de conséquences visibles du cri des hommes enfermés dans leur isolement. Regardez bien tous ces citadins qui déambulent, le téléphone portable collé à l’oreille et qui soliloquent en marchant sans aucun regard pour un environnement qui a cessé d’avoir une existence réelle dans la conscience de l’homme connecté. Observez ces mêmes citadins dans les transports en commun, le nez collé sur l’écran de leur organiseur personnel, et qui perdent toute conscience de ceux qui les entourent. L’homme connecté est isolé.

23 février 2009

Mort au capitalisme !

Pour sortir de la crise, il faut supprimer le capitalisme ! C’est ce que l’on entend dire en maints endroits et maintes occasions par les thuriféraires du grand soir. C’est, en particulier, le discours de l’extrême gauche. Le slogan pose, par lui-même, quelques questions. Quant à ceux qui le profèrent, ils sont sujets à interrogation. Que veut dire « supprimer le capitalisme », en dehors de son utilisation démagogique ? Le capitalisme se définit, par définition, par la propriété privée des moyens de production. La première remarque qui s’impose immédiatement, c’est que le capitalisme intégral n’existe vraiment nulle part. Dans tous les pays et tous les régimes, l’État possède une partie des moyens de production. La seconde remarque est qu’il a déjà existé un régime qui avait totalement supprimé les moyens de production privés (mais certes pas la corruption), c’est le régime communiste soviétique. Ainsi donc, ceux qui réclament la disparition du capitalisme rêvent, objectivement, du retour d’un régime qui se voulait être « la dictature du prolétariat », ce qui était d’ailleurs un énorme mensonge, la dictature étant, de fait, celle d’un seul homme ayant imposé le culte de la personnalité, la torture, les prisonniers politiques, les camps de concentration. La troisième remarque est qu’en France, plus de 80% des entreprises sont des PME ou des TPE. Dans ces entreprises, les moyens de production appartiennent à un petit entrepreneur qui a pris tous les risques pour faire vivre quelques emplois. Ceux qui hurlent avec les loups veulent-ils les déposséder au nom de leur idéologie ? J’entends déjà la justification des tenants de cette absurdité : il ne s’agit pas de ces entrepreneurs-là, mais des grandes entreprises, celles du CAC 40, celles dont les « patrons s’en mettent plein les poches pendant que le peuple souffre ! ». Nous y voilà ! En fait, supprimer le capitalisme veut dire nationaliser toutes les grandes entreprises qui font 900 milliards d’Euros de chiffre d’affaires dont 50% à 80% à l’étranger, c’est-à-dire plus de la moitié du PIB français. Imagine-t-on que l’État ait la compétence pour gérer un tel volume d’activités ? Avec quels moyens financiers, lorsque la France est quasiment en faillite ? Est-il question de spolier les actionnaires de ces entreprises ? Certes, cela permettrait d’être tous fonctionnaires, le rêve caché de toute la gauche. A-t-on déjà oublié la faillite économique de l’URSS ? Est-ce l’avenir que l’on nous propose ? Veut-on supprimer, non seulement le capitalisme, mais aussi la démocratie ? Heureusement, le pire n’est jamais sûr.
Monsieur O. Besancenot, plus préoccupé de sa notoriété en allant se promener en Guadeloupe (alors qu’aucun Guadeloupéen n’a jamais vu ce monsieur au moment des désastres successifs dus aux cyclones qui ont ravagé l’île), n’a absolument aucune idée de ce qu’est la gouvernance d’un pays. L’extrême gauche clame le grand soir, mais ne veut en aucun cas du pouvoir. Ils camouflent leur indigence en évoquant l’autogestion, mot miraculeux qui permet de se soustraire à toute justification. Là encore, l’exemple de la défunte URSS démontre à l’évidence que la direction des moyens de production par des acteurs tous nommés par l’État et qui se transforment en fonctionnaires incompétents et corrompus mène irrémédiablement à la faillite généralisée.
La fin du capitalisme n’est qu’un slogan vide de sens. Ce dernier révèle la confusion intellectuelle de ceux qui le profèrent et qui amalgament capitalisme et libéralisme. Si le capitalisme est un mode de propriété, le libéralisme est un mode de gestion des choix de productions (quels produits et quels services ?) et des échanges. La confusion vient du fait que ces deux concepts sont étroitement liés à celui de liberté individuelle. Ils n’en sont pas moins distincts. La crise actuelle ne remet pas en cause le capitalisme mais pousse à s’interroger sur les règles de fonctionnement du libéralisme qui, à l’évidence, a besoin d’un aggiornamento. Cette confusion est entretenue par le discours même des politiques qui parlent aujourd’hui à l’envi de « moralisation du capitalisme » en lieu et place de « réglementation du libéralisme » et de « partage de la valeur ajoutée ». Lorsque les idées ne sont pas claires, il est à craindre que les décisions ne soient ni opportunes ni efficaces. Le pire n’est jamais sûr, ai-je dit ? Le monde occidental est gravement malade et sa sédation n’est pas certaine.